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Récit extrait de "La Jeunesse d'Adrien Zograffi: Codine. Mikhaïl. Mes
départs. le pêcheur d'éponges"[Folio]

Un gamin, l'auteur lui-même, raconte ses débuts dans le monde; voulant aider financièrement sa mère, veuve, blanchisseuse qui se tue au travail, il quitte l'école... se fait embaucher dans une taverne... et nous assistons , révoltés, aux maltraitances faites aux enfants qui travaillent, corvéables à merci, que l'on exploite plus de 18 heures d'affilée, sans la moindre vergogne !!

"Que doit-il savoir, l'enfant qu'on place au service d'un maître ? Qu'il est là pour servir ? Non. Il doit savoir, il l'apprendra tout seul, qu'en dehors d'une fatigue que les lois épargnent aux adultes mêmes, son droit sacré de partir après la journée faite, de sortir dans la rue, de se fondre avec la nuit et avec ses propres pensées, ce droit lui est dénié à lui, le rêveur avide de liberté, à lui, le débutant dans la vie" (p. 31)

Dans ce récit, Istrati se révolte, parle au nom de tous les opprimés, explose de rage en voyant les hommes s'acharner sur plus faible qu'eux, miséreux malchanceux, ou même sur les animaux. Il enrage de constater la noirceur de l'âme humaine, trop souvent... Mais il est aussi illuminé par les rencontres amicales, bienveillantes qui se présenteront sur son chemin, comme ce pauvre "capitaine de bateau", déchu et trahi par sa femme, ayant tout perdu, qui le protégera dans cette première taverne, où il fait l'âpre connaissance du monde du travail..;Ce capitaine Mavromati qui lui fait le plus beau cadeau de la terre à ses yeux... présent qui l'aidera à tenir et à apprendre tout seul , la nuit...

Ce cadeau mirifique, c'est un "Dictionnaire universel":

" Je ne compris pas tout de suite ce que voulaient dire les mots -Dictionnaire Universel-; mais en feuilletant au hasard, je sentis mes jours s'empourprer de plaisir: termes scientifiques et néologismes que j'avais rencontrés dans les journaux et sur lesquels je passais navré, je les trouvais ici rendus à ma compréhension. Les quelques expressions qui s'éclairèrent aussitôt pour moi mirent en branle mon intelligence, m'apportèrent du soulagement au cerveau et de la joie au coeur" (p. 58)

Un court récit mais très dense où le lecteur passe par toutes les émotions, vivant en communion les malheurs, aventures malchanceuses de notre "aventurier" qui veut gagner sa vie, ne plus être à la charge de sa mère, qui est aussi habité par une soif d'apprendre , encore et encore, lui, qui n'aimait pas l'école, à cause de maîtres brutaux..qui brillait cependant en "Lecture".
Une fois parti du système scolaire, il n'a qu'une idée fixe: lire, apprendre la langue de son père: le grec ! et APPRENDRE, tout court.

Comme l'extrait suivant nous le fait sentir, Istrati est en quête d'un sens à sa vie, à l'existence humaine , en général. Il est en recherche ...perpétuelle.
Ces "Départs" s'arrête à son exil en Italie, à Naples...où il mange de la "vache enragée"... Il voulait atteindre la France, mais cela ne se fera que 10 années plus tard, en 1927 !

"Loin, mon ami. Loin, ma mère. Et moi, qu'est-ce que fais ici ! Je pense à notre foyer, humble, mais propre, douillet. Je pense aux camarades de mon âge, presque tous mariés, chacun dans sa famille, à son travail. Pourquoi cette malédiction de ne pas pouvoir faire comme eux, comme tout le monde ?
Qu'est-ce qui me pousse continuellement sur des routes lointaines, quand, dans mon pays, les étrangers mêmes se créent une vie et demeurent ? Qu'est-ce que je veux ? Après quoi est-ce que je cours ? (p. 106)"
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Souvenirs de jeunesse de l'écrivain Panaït Istrati , de rêves évanouis en envie de fuir, il nous fait découvrir son voyage. La vue du Danube l'ensorcèle comme un ruban d'espoir, puis les mots du Dictionnaire Universel lui donnent la clé pour ouvrir le monde, l'amitié perdue le pousse à poursuivre son chemin, toujours plus loin.

Éternel optimiste, ne restant jamais en place plus d'une minute de cafard, gamin débrouillard, il échappe toujours de justesse à la tristesse, à la faim, à la solitude, par sa force d'y croire encore.

Il est pourtant conscient que les rêves ne sont souvent qu'illusion, qu'on risque, à s'y frotter, de manger de la salade romaine pendant une semaine, dans un Naples sans espoir. Mais pour lui l'essentiel se passe sur le chemin de ce rêve, peu importe les batailles, les trahisons, et les échecs, peu importe la salade. Il y a tant à découvrir.

L'écriture n'est pas aussi tragique que dans « Les chardons du Baragan ». La souffrance s'efface devant l'envie de vaincre, le rêve et l'aventure. Drôle et cruel à la fois, ce court voyage raconté par l'auteur nous montre un monde plus bête que méchant, qui laisse place aux courageux rêveurs.

« Pauvre humanité ! Que tu es bête… Plus bête que méchante… »
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J'ai découvert ce petit texte ( extrait de " La jeunesse d'Adrien Zograffi") par hasard, dans une caisse de livres. Il m'a tout de suite attirée .J'étais curieuse de lire pour la première fois un auteur roumain, que je ne connaissais que de nom.

" Mes départs" , récit autobiographique,raconte la fin de l'enfance et les premiers pas dans la vie de l'auteur, entre douze et vingt-trois ans. Nous sommes à la toute fin du 19ème siècle à Braïla, petit port du Danube, en Roumanie.

Quel texte ! Quel mélange saisissant de désespérance et d'énergie pour survivre ! Et surtout, quel goût d'apprendre, de lire, chez ce jeune garçon pauvre, exploité, battu par un caissier brutal et sans scrupules, chez son employeur grec, un tenancier de café! Il trouvera en lui des forces impensables pour relever la tête et ne plus être martyrisé.Il dénoncera par ses mots et sa révolte intérieure cette oppression faite aux enfants, alors.

Quelques affections , celle de sa mère et d'un pauvre capitaine déchu fréquentant le café où il travaille, la lecture,l'apprentissage du Grec et la contemplation éblouie du Danube, " le Danube éternel des enfances millénaires" seront ses lumières qui l'aideront à survivre.

Après la mort de son ami le capitaine, il s'embarque , pensant aller en France, la patrie rêvée, mais se retrouve à Naples, où il souffrira horriblement de la faim.Puis ce sera Alexandrie...

En lisant la biographie de l'auteur, j'ai été surprise par le tumulte qu'a été sa vie, notamment cette tentative de suicide se terminant de façon très romanesque puisque un de ses amis trouve sur lui une lettre pour Romain Rolland, que l'auteur admire, et qui lui facilitera ensuite la publication d'un de ses romans.

J'ai aimé cette saveur des mots, ce lyrisme pour évoquer pourtant les tourments physiques et moraux d'une enfance, ce chant du pays natal, cet élan vers les livres, cette soif de savoir, qui auront permis à l'auteur de sortir de sa condition et de s'élever l'âme, même au prix de la souffrance.

Une belle découverte, qui me donne le désir de découvrir l'univers d'Istrati.
" Mes départs", comme autant de portes ouvertes sur un ailleurs, au-delà du désespoir...
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"Je fis ma valise." "Cette opération s'accomplit tragiquement, quand on est vagabond, misérable et ami abandonné, mais de cela que sait le monde? de ce qu'une valise peut enfermer de douleur, quand elle a été faite, lors du premier départ, par les mains calleuses d'une mère qui sanglote; de ce qu'un bon fils doit sentir dans son coeur, quand toute une banlieue glapit qu'il s'est lié à un "vaurien"; du désert qu'un tel " vaurien" peut créer dans l'âme d'un adolescent effréné, quand il le quitte " pour, peut être, ne plus le retrouver", après lui avoir parlé désespérément, de tout cela, le monde, qu'en sait-il? Sait-il, seulement comment on fait sa valise, lorsqu'on est certain de ne pas pouvoir payer le voyage. Multiples sont les ressources que la vie offre à notre amour, et inflexible le courage que le désir engendre". Voici la langue de Panaït Istrati. Voici le départ d'Adrien Zograffi. C'est toujours avec émotions que je lis les mots d'Istrati. Langue vive et humaine, poétique et éternelle.
Astrid Shriqui Garain
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Nous sommes en Roumanie, au bord du Danube. Un jeune garçon décide de quitter l'école pour aider sa mère, blanchisseuse qui peine à rendre la vie de sa famille plus simple et confortable. Et il va en falloir de l'énergie à ce petit garçon pour y parvenir. Des efforts, du travail difficile avec des patrons hargneux et de la maltraitance... Et ce n'est pas le seul enfant à vivre cette lutte quotidienne. Il va tenir et s'accrocher grâce à l'amour de sa mère et son envie d'apprendre à lire.

C'est un livre court et autobiographique où nous suivons l'auteur du début de l'adolescence à son entrée dans la vie d'adulte. On apprécie de découvrir cet enfant qui garde la hargne pour l'espoir d'une vie meilleure. On oscille entre l'innocence et les plaisirs de l'enfance et la violence d'hommes sans scrupules.
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Gamin dans une ville roumaine le long du Danube, le narrateur rêve d'aventures et d'horizons lointains.

Curieux et débrouillard, il découvre le monde à travers son dictionnaire universel et travaille dans une taverne jusqu'au jour où les circonstances le poussent à quitter son pays. Il s'embarque en rêvant de la France...


Lien : http://les-amours-de-livres-..
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Panaït Istrati (1884-1935) est un écrivain roumain de langue française. Il naît dans un petit port roumain sur le Danube, fils d'une blanchisseuse et d'un contrebandier grec qui sera tué par les garde-côtes alors qu'il est encore bébé. Dans les dernières années de sa vie, il publie des articles dénonçant les injustices sociales de son temps. Il meurt de la tuberculose dans un sanatorium de Bucarest, vilipendé tant par les communistes que par les fascistes. Figure très célèbre de la littérature de l'entre-deux-guerres, Panait Istrati tombe dans un oubli quasi complet pendant plusieurs décennies et son oeuvre est interdite en France durant la guerre, et en Roumanie durant le régime communiste. Elle est peu à peu rééditée en France à partir des années 1960. L'écrivain est surtout connu pour son livre Kyra Kiralina.
Court récit autobiographique, Mes départs nous conte les débuts dans la vie de Panaït Istrati. Elevé par une mère ayant bien du mal à joindre les deux bouts, il doit quitter l'école très vite à la déception de son maître qui entrevoyait des possibilités chez le jeune garçon. Il trouve un boulot dans une taverne appartenant à un Grec, Kir Leonida, occupé par de multiples activités autres. L'apprenti est chargé des besognes les plus difficiles, s'épuisant à courir des caves à la salle, dix-neuf heures par jour, deux journées de repos par an, maltraité par le caissier qui gère la boutique tout en volant le patron. Une vie d'esclave mais le gamin est costaud et ambitieux, il veut apprendre la langue grecque, celle de son père envolé, et puis le fleuve Danube l'attire comme un aimant, symbole de la vie qui court là-bas au loin.
Dans ce cabaret pas très bien famé, il croisera le destin du capitaine Mavromati devenu le souffre-douleur des autres employés de la taverne, qui lui fera un cadeau inestimable, un dictionnaire avec lequel le jeune Istrati s'enrichira intellectuellement, dès qu'il pourra avoir un instant de répit dans sa longue journée. Après le décès tragique du capitaine, le garçon est comme libéré de ses dernières attaches, il quitte son job et part à la découverte du monde.
Passager clandestin d'un navire en route vers la France, démasqué il est débarqué à Naples. Là durant plusieurs semaines il connaît la misère et la faim. Enfin, il trouve le moyen de réembarquer, toujours sans billet, sur un autre bateau qui l'emporte ailleurs.
Souvenirs de jeunesse de l'écrivain, roman d'apprentissage, Panaït Istrati sait ce que vie dure veut dire. Après avoir quitté une mère qui l'adorait, il connaitra la maltraitance, les dures conditions de travail et les brimades mesquines par son employeur. Attiré par la liberté mais sans boulot, il subira la faim et les nuits à la rue en terre étrangère à Naples. Mais toujours poussé par l'envie de vivre et la soif de savoir, les voyages seront son moteur. Voir ailleurs si l'herbe est plus verte.
L'écrivain aurait pu choisir un ton dramatique en nous plongeant dans les affres de la misère, au contraire il adopte un style tragicomique. Les épreuves endurées sont dites mais sans s'appesantir, parfois suggérées dans une ellipse élégante. Une écriture vive et épurée, truffée de mots étrangers en grec ou roumain pour rendre vivant le cosmopolitisme de cette aventure d'homme en devenir. Au détour des pages, des règles de vie : « Espère toujours le mieux. Quand on ne le peut plus, alors tout est fini », « Qui ne sent pas la nécessité du combat ne vit pas, mais végète », une constante dans la pensée d'Istrati, se battre, toujours. le crédo des émigrants d'hier comme d'aujourd'hui.
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Trés beau récit d'enfance dont j'ai pu lire des extraits à la soirée lecture chez mamoune fin janvier 2006.
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Panaït Istrati est surtout connu pour avoir écrit "Kyra Kiralina" et la suite, mais toutes ses oeuvres sont intéressantes.


Dans ce petit récit, il nous ramène à son enfance en Roumanie. Son père, contrebandier grec, ayant disparu à sa naissance, sa mère, roumaine, très pauvre, a bien du mal à l'élever. Bien qu'assez doué pendant les quelques années où il va à l'école, il doit travailler très jeune et, fasciné par le pays de son père, choisit de s'engager comme garçon à tout faire (c'est-à-dire toutes les tâches les plus dures, dix-neuf heures sur vingt-quatre ! ) chez un Grec dans une taverne sur le port, le long du Danube. C'est là qu'un employé le prend en amitié et lui offre ce qui sera déterminant pour son avenir, un dictionnaire roumain-grec ! Il y découvre le monde et n'a plus qu'un idée, s'embarquer sur un de ces paquebots qui partent du fleuve. Il sera passager clandestin, puis jeté dehors à Naples où il manquera mourir de faim avant de repartir... n'importe où !


Le récit s'arrête là mais c'est pour lui le début de nombreux voyages où il développera son sens de l'observation et où il puisera plus tard l'inspiration pour ses romans. Sa rencontre avec Romain Rolland en 1921 sera déterminante et l'amènera à écrire son oeuvre en français. Vivant, réaliste et truculent, son style met en valeur les personnages et les anecdotes qui ont marqué sa jeunesse.

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Assez sympathique, m'a permis de passer le temps mais court (144 pages).
Lecture fluide, simple
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