Une jeune fille entre dans la pénombre d’une salle vide du musée de Nouméa. Il y a juste un rai de lumière. Elle cherche l’interrupteur. Dehors, on entend des bruits divers, un brouhaha. C’est une manifestation. Elle trouve l’interrupteur, allume, se retourne et aperçoit un socle recouvert d’un manou. Elle s’approche. Par curiosité, elle enlève le manou. Elle hurle en voyant le masque sur le socle et se colle au mur.
MOI : Qu’est-ce que c’est ? Un monstre ! Une gar¬gouille… Non, une tête. Une drôle de tête sur un socle. Cette tête est d’une laideur effrayante. Comment peuvent-ils exposer de telles horreurs ? À moins qu’ils ne tentent de la cacher dans cette salle vide. C’est répugnant !
…
Ce n’est qu’un masque. Bon sang, quelle frayeur !
Le masque semble se réveiller.
ATAÏ (aparté) : Un souffle dans mes narines, sur mes yeux, sur mon front. Un souffle de vie.
MOI : Une tête au milieu de rien. Des yeux morts qui m’épient.
ATAÏ (aparté) : Mes paupières frémissent et se lèvent. Ah ! la lumière !
MOI : Un genre de spectre à l’allure meurtrière.
ATAÏ (aparté) : J’étais dans la forêt d’oubli, dans la nuit des banians.
MOI : C’était peut-être un arbre. Quelque chose de grand…
ATAÏ (aparté) : Le sang danse à mes tempes le pilou des naissances.
MOI : … un colosse qui s’essaye…
ATAÏ (aparté) : Je suis sans résistance ;
MOI : … à devenir un homme…
ATAÏ (aparté) : Ma pensée se réveille ;
MOI : … tiré de son sommeil…
ATAÏ (aparté) : Je sens comme une odeur d’effroi ;
MOI : … on dirait bien un ogre, prêt à manger sa proie.
ATAÏ (aparté) : J’ai faim.
La jeune fille s’adresse à Ataï de façon familière :
MOI : Dire que tu m’as fait peur ! Toi !
ATAÏ : Ah ! Tu me tutoies.
MOI : Quoi ?
ATAÏ : C’est à moi que tu parles ?
MOI : Il me parle, le masque me parle. Ah…
Elle s’évanouit