Citations sur Roy Grace, tome 5 : La mort n'attend pas (30)
À sa gauche, prêt à bondir à la moindre alerte, se trouvait son collègue de la circulation, le lieutenant Ian Upperton, un jeune homme élancé, mince, vêtu d’une veste jaune fluo et d’une casquette. Les deux officiers étaient frigorifiés.
La plupart ne voyaient pas la BMW break, au quadrillage bleu, jaune et argent, garée dans une rue adjacente, derrière un abribus, et se faisaient flasher de bon matin.
Le lieutenant Tony Omotoso avait installé le pistolet laser sur le toit du véhicule et visait chaque plaque d’immatriculation. Il photographia celle d’une Toyota : 71 km/h. Le conducteur l’avait repéré et avait eu le temps de freiner. Conformément aux directives officielles, il tolérait un dépassement de 10 % plus trois. La Toyota continua sa route, feux stop allumés. Puis Tony vérifia la vitesse d’un Ford Transit blanc : 69 km/h. Une Harley Davidson Softail passa à toute allure, si vite qu’il n’arriva pas à la flasher.
C’était un bon endroit pour piéger les automobilistes en excès de vitesse. Les banlieusards qui travaillaient à Brighton empruntaient cette section de Lewes Road et savaient que, malgré la limitation à 65 km/h, ils pouvaient accélérer sur plus d’un kilomètre, entre les feux et le premier radar.
Le docteur Ross Hunter avait deux façons d’accueillir ses patients. Un sourire accueillant, sincère, chaleureux, « content de vous voir » – son expression habituelle, la seule que Lynn lui connaissait. Et un pincement mélancolique de la lèvre inférieure. Grimace qu’il détestait, mais qui lui dévorait le visage aujourd’hui.
Caitlin était parfois si fatiguée qu’elle s’endormait en classe. Elle avait dû arrêter de jouer de son cher saxophone, car elle avait du mal à respirer. Et, à l’adolescence, elle avait commencé à se rebeller, à exiger une réponse : pourquoi moi ?
Question à laquelle Lynn n’avait pas de réponse.
Depuis qu’elle et Mal s’étaient séparés, elle avait une piètre image d’elle-même. À trente-sept ans, elle était pourtant encore attirante, et le serait encore davantage si elle suivait les conseils de ses amis, de son frère et de sa sœur regrettée, et reprenait les nombreux kilos qu’elle avait perdus. Elle était efflanquée, elle s’en rendait compte quand elle se regardait dans un miroir. Elle se faisait du souci pour tout, surtout pour Caitlin, et ces six années d’anxiété l’avaient rongée de l’intérieur.
Les trente-sept années de sa vie n’avaient été qu’une succession de désastres. À sept ans, elle s’était coupé un petit bout d’index dans une portière, et depuis, elle était tombée de Charybde en Scylla. Enfant, elle avait déçu ses parents ; mariée, elle avait déçu son époux ; mère célibataire, elle décevait sa fille, adolescente.
Le docteur Ross Hunter est l’une des rares constantes de ma vie, songea Lynn Beckett en sonnant à la porte de son cabinet. Elle aurait eu du mal à en citer d’autres. Ah si ! L’échec. L’échec était bel et bien une constante dans son existence. Pour ça, elle était douée. Championne du monde, même.
Nat déposa un second baiser sur ses lèvres, redescendit, puis enfila son casque et ses gants en cuir et sortit, dans le matin glacial. Le jour se levait quand il poussa sa lourde cylindrée, laissant la porte battante du garage se refermer bruyamment derrière lui. Le sol était gelé, mais il n’avait pas plu depuis plusieurs jours, la chaussée ne serait donc pas verglacée.
Il leva la tête vers la fenêtre de la chambre et démarra sa chère moto, pour la dernière fois de sa vie.
(...) lorsqu’une femme se marie, son objectif, c’est de changer son homme.
Susan, qui s’y employait à merveille, avait dégainé l’arme fatale de l’arsenal féminin : six mois de grossesse. Bien sûr qu’il était fier comme Artaban. Mais conscient qu’il allait bientôt devoir prendre ses responsabilités. La Fireblade allait céder la place à un véhicule plus pratique. Un break ou un monospace. Et, pour satisfaire aux exigences écologiques de Susan, sans doute une voiture hybride diesel-électrique. Mon Dieu… Peut-on imaginer plus excitant ?