Le denier de chair

La seule option dans les cas lourds, c'est la greffe. Ally était sur la liste des receveurs en attente. Mais... C'est déjà si compliqué pour les adultes... Alors trouver un cœur d'enfant, compatible... Le don d'organes est un acte difficile pour les proches, d'autant plus lourd que le chagrin de la disparition d'un être aimé noie tout le reste. Alors, je vous laisse imaginer les ravages que cela peut engendrer dans le cas d'un enfant. Autoriser le prélèvement revient pour les parents à accepter, dans les minutes qui suivent le décès, que leur petit est bien mort, que c'est définitif. Ce genre de monstrueux traumatisme provoque souvent une phase de déni, surtout chez les mères. Nier la mort de l'enfant correspond à une sorte de soupape inconsciente. Je me demande si ce n'est pas un moyen de laisser la souffrance s'installer, vous envahir, sans qu'elle vous grille complètement. Et puis, je vous passe le reste, la visualisation involontaire de ce qui va se passer chirurgicalement, de cet organe que l'on va extraire d'un petit corps tant aimé. L'enfer... le mot n'est pas trop fort, je crois. Il faut un courage extraordinaire pour supporter, résister à tout cela.

Il y a une phrase que j'aime beaucoup, parce que j'ai vérifié sa véracité : "une coïncidence, c'est un hasard, deux c'est une improbabilité acceptable, trois c'est un système". "Système" implique une volonté d'ordre et de logique. Bref, une structuration dirigée.

Je pense que ce que l'on nomme "intuition" est le résultat d'une culture, au sens le plus large du terme. Par culture, j'entends tout ce qui a été appris, assimilé. Parfois si bien assimilé qu'on finit par oublier qu'il s'agit d'un apprentissage. Ça permet des comparaisons ultrarapides, des analogies inconscientes ,des déductions si immédiates qu'on a le sentiment de ne pas avoir cherché, réfléchi. Comme si la solution s'allumait spontanément dans votre esprit. Faute d'autres mots, on baptise cela intuition.

Caroline relut les notes gribouillées plus tôt et déclara :
- Ils étaient au moins deux. Les agresseurs de Pierce, je veux dire.
- Qu'est-ce qui te fait dire cela ?
- Un type seul n'aurait pas pu le maîtriser et le blesser de la sorte. Tu sais... J'ai une impression bizarre... Je prends l'affaire. Je vais le demander à Fairfax dès demain.
Exaspéré, Oliver Davies rétorqua :
- Je t'ai dit que ce n'était pas notre priorité.
- Je m'en tape ! D'autant que cela n'empêche pas de m'occuper de Valerie Machin.
- Rumbelow. Ça va diviser nos forces.
- Foutaises. On a la force qu'on s'autorise.
- Tu as trouvé cette maxime d'une grande profondeur au dos d'un paquet de corn-flakes ?
- Non... Sur un emballage de serviettes périodiques, très absorbantes. Je te donnerai la marque, si tu veux.

Un renard ne chasse jamais avec les chiens, parce qu'il sait d'expérience, que tôt ou tard, ils se retourneront contre lui.

Une louve ne tue que lorsqu'elle protège ses petits, nul n'est alors plus impitoyable. S'ils meurent, elle tombe sans presque songer à se défendre.

Putain de circulation ! C'était de pire en pire, ne semblant plus jamais s'amenuiser, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Le "Boston Driver" trimbale une réputation déplorable dans tout le pays. Le genre à ne pas savoir qu'il existe un truc baptisé "clignotant" qui permet de signaler une intention de tourner, ou à considérer que les passages piétons sont optionnels. Quant aux files de circulation, les bandes hachurées peintes sur la chaussée qui les délimitent sont toujours un mystère pour nombre d'entre eux. Cette "poésie" routière a pour résultat une cacophonie dangereuse, qui devient encore plus inquiétante lorsque la circulation s'allège, plus personne ne faisant alors attention à ce qui l'entoure. Le plus distrayant de l'histoire, c'est lorsque les piétons ulcérés prennent à leur tour le volant, changeant instantanément de comportement pour rejoindre le troupeau des conducteurs irascibles set imprévisibles.

Grandir, c’est parvenir à faire le deuil de cette avarice injuste. C’est mener l’enfant qui pleure encore parfois vers une acceptation : le non-amour ne se transmute pas en précieux métal. Il restera ce qu’il fut toujours : terne, stérile, blessant. Espérer le contraire est un leurre dévastateur.

La trouille que la logique efficace n'ai raison, que vos constructions moralisatrices ne soient une escroquerie confortable .

On ne peut pas racheter la parcimonie d’amour et d’attention. Aucun bon point n’y suffit, si prestigieux soit-il.