Soyez tranquille, disait Corot, je travaille pour les oiseaux. On pourrait tout aussi bien dire que les oiseaux travaillent pour nous. Leur présence discrète mais obstinée nous accompagne, que nous le sachions ou non, des moindres gestes ou événements de la vie aux plus graves ou aux plus tragiques. Les fragments ou tweets de ce livre sont une manière de leur rendre ce qu’ils ne cessent de nous donner. Une intensité de vie devenue intensité de langage et une intensité de langage devenue intensité de vie. Indissolublement. Ecrire ici, ce serait alors non seulement écrire avec ou pour les oiseaux, mais écrire les oiseaux — et le monde avec.
L. et les oiseaux — On voit ses mains dans la lumière au milieu des ailes. Sa tête levée vers le ciel. Va-t-elle s’envoler elle aussi ?
La vitre et les oiseaux — Les navettes de haut en bas. Les fils tissés. Ils tournent dans le poudroiement sans fin.
Le crépuscule et les oiseaux — On voit à peine. Le bleu s'assombrit. Un cri roule comme une perle.
Le soir et les oiseaux — Une vibration d'encre. Rien qui bouge. La mangeoire seule se balance.
Les ombres et les oiseaux — Ce qui va et vient. Ce qui tremble. L'une ou l'autre? L'ombre qui devient l'oiseau ou l'oiseau son ombre ?
La nuit et les oiseaux — Elle tombe des arbres. Ils y montent, s'y cachent. De l'une aux autres un bruissement léger, aile ou feuillage ?
L'aube et les oiseaux — Il y a comme une attente. Frisson d’encre sur la blancheur, jet vertical. Lueur ou bec ou goutte ou perle.
Le matin et les oiseaux sont un seul éblouissement. On ne les voit pas mais on les entend. Comme si la lumière chantait.
Le jour et les oiseaux — Surprise de lumière. L'herbe tremble avec les ailes. Quelque chose s'avance. On entend.
L'après-midi et les oiseaux — Tout est suspendu et tremble. Un insecte bourdonne. Aucun cri, aucun vol. Le ciel est trop bleu pour être vide.
Les cris et les oiseaux — On entend les uns on voit les autres. Ou inversement : cris volants, ailes sonores : un instant, ils ne sont plus qu'un.
etc.