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Citations sur Comment Blandin fut perdu (précédé de) Montefellóne (17)

Au vrai, ce n'étaient pas forcément les récits les mieux troussés qui se révélaient les plus précieux. Au détour d'une digression ou d'une réticence, le centenier flairait parfois un éclat de vécu ; une anecdote banale ou narrée de façon plate possédait un fumet de réel. En fait, Gaidéris accordait souvent le plus grand prix à ce qui était mal raconté ; la vie ne s'y était pas encore fardée de mots.
("Comment Blandin fut perdu")
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Blandin était plus doué pour peindre que pour parler. Quand il se décida enfin à me livrer son histoire, je m'attendais à je ne sais quel roman tragique, à une ballade poignante, voire à quelque conte de fées qui aurait pu donner sens au charisme énigmatique d'Alma... Je fus quelque peu déçu. Le récit qu'il me rapporta, heurté d'hésitations et de langueurs, s'ouvrit sur un béguin d'une grande banalité.
Alma avait été le premier amour de Blandin. Il s'agissait d'une novice qui avait reçu son éducation à Havreval. Comme la plupart des monastères de la Vieille Déesse, cette maison accueillait une double communauté, masculine et féminine. Toutefois, les deux chapitres étaient bien séparés et, hormis les offices, frères et moniales n'avaient que de rares occasions de se croiser. Ainsi, Blandin avait-il passé une grande partie de son enfance à deux pas d'Alma sans même soupçonner son existence. Quand il avait commencé son apprentissage de miniaturiste, le garçon avait participé à des sorties hors du monastère afin d'identifier les différentes terres qui fournissent les pigments des couleurs chaudes ou des nuances de vert. A cette occasion, il avait fait la connaissance d'élèves de la soeur apothicaire, qui apprenaient à herboriser. Parmi elles, il y avait Alma.
Cette première rencontre avait été rien de moins que superficielle et timide. Elle avait toutefois été parée par une impression de liberté et d'espace, conférée par cette promenade hors de l'enceinte du monastère. Quoique Blandin ne m'eût pas présenté les choses ainsi, je compris qu'il avait confondu l'éblouissement provoqué par la beauté d'Alma avec l'ivresse que lui avaient apportée le ciel, les prés et les bois, la découverte d'horizons immenses au-delà des murailles monastiques. La jeune fille, qu'il continuait à voir à l'autre bout de la nef pendant les offices, avait formé son échappée belle dans l'austérité du monastère.
(Comment Blandin fut perdu)
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Ce conseil de guerre partagé ne fait que refléter l'hésitation qui est la sienne. Il se sait au tournant de son existence. Un poids terrible pèse sur ses épaules lasses, car il réalise que de son choix dépendront non seulement son honneur et sa vie, mais aussi le destin de ses fils, de sa maison, et peut-être de tout le royaume de Léomance. Qu'il opte pour la mauvaise voie, et Montefellone, cette bourgade éventrée qui trébuche au bord de l'abîme, scellera la ruine de sa lignée et de la couronne. 
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Malgré toutes les misères du siège, la puissante bande qui marche vers le rempart est chamarrée comme pour une fête. Les caparaçons bariolés, les cottes d'armes chatoyantes, les cimiers extravagants se déploient dans un faste de tournoi. Les longs écus marqués de barres, de bâtons péris et de bordures affichent qu'il s'agit de fils de grandes maisons : c'est la fine fleur de la noblesse d'Arches qui s'apprête à lancer l'assaut. Lorsqu'ils arrivent au bas des volutes poudreuses, les combattants mettent pied à terre, lancent les rênes de leurs montures à leurs écuyers, empoignent de longues épées ou de délicates masses à ailettes. Un grand chevalier caracole orgueilleusement au pied de la muraille, au risque d'être couché par un trait d'arbalète; son heaume orfévré est sommé par un cygne au col gracile, ses spallières et ses gantelets rutilent aussi fluides que du vif-argent, et sa puissante monture parade en une pavane arrogante. La cotte d'armes de l'insolent est ornée de couleurs prestigieuses : écartelées, d'azur au soleil de Leomance et de gueules aux tourelles rangées. Il s'agit des armoiries ducales : le lambel qui frappe le haut de l'écu signale seul qu'il s'agit de l'aîné des princes.
Montefellone
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Montefellone doit tomber.
Il n'y aura plus de répit ni de trêve.
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Ta tête est si grise de sottises que voilà longtemps que tu n'aimes plus qui tu aimes : c'est toi qui est ta propre hantise. Comprends-tu enfin ? Alma n'est autre que toi-même. Elle est le cristal de ta folie, le souvenir qu'ont festonné toutes tes chimères. Elle est ton obsession, ton génie, la formule de ton art, le coeur de tes misères.
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La muraille a croulé dans un vacarme de carrière éventrée. Le rempart noirci de fumées, bréchu sous les tirs de mangonneau, s'est d'abord bombé en douceur; puis il a glissé avec la puissance irréelle d'une cataracte. Le sol a tremblé dans toute la ville; mais la secousse a aussi couru sous les bottes et les solerets des combattants, au-delà des douves comblées, des glacis défoncés, des palissades et des engins de siège, des bivouacs fangeux et des forges de campagne, jusqu'au grand pavillon ducal pavoisé de tapisseries et bannières.
Montefellone
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Au vrai, ce qui gouverne Guilhem, c'est le panache, le goût de l'aventure, le charme déraisonnable des coups d'audace et de fortune. C'est même ce qui lui confère sa séduction : malgré sa haute naissance, son éducation courtoise et sa vaste culture, Guilhem a toujours agi comme un bachelier un peu fol.
(Dans Montefellone)
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Les clans d'Ouromagne passaient le plus clair de leur temps à se faire la guerre, disait-il, parce que le pouvoir de leurs chefs reposait uniquement sur le partage du butin. Du coup, ils ne taisaient leurs querelles que pour se lancer dans des expéditions de pillage; et les troupes de voyageurs qui longeaient les collines de Mainganach, comme nous allions le faire, formaient des proies tentantes. Bove affirmait que les Ouromands méprisaient les anciens qui n'étaient plus capables de tenir une arme; ils tuaient même les infirmes et les vieux qui ne servaient plus à rien. A leurs yeux, seule la mort violente était honorable, ce qui faisait des barbares des combattants féroces, insensibles à la peur. Chez eux, il était d'usage de couper la tête de l'ennemi, de la faire bouillir, de l'écharner, de la scier et de sertir le crâne pour en faire une coupe à boire. Comme nous découvrions cette coutume avec une certaine alarme, Bove se moqua de nous. Nous n'avions rien à craindre, nous railla-t-il : seuls les adversaires de renom bénéficiaient de cet honneur. Dans notre troupe, il n'y avait guère que le chevalier de Landefride et le prieur Ebles qui pourraient trinquer de la sorte. Le simple soldat, on se contentait de lui fendre la panse et de le dépouiller. Quant aux non-combattants, on les réduisait en esclavage; une fois qu'ils étaient parqués chez leur nouveau maître, les guerriers ouromands se bornaient à leur trancher un jarret pour les attacher à leur terre.
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Le centenier Gairédis aimait faire parler les gens.
On pourrait conclure un peu précipitamment que ce trait de caractère était dû à sa charge d'officier. Certes Gaidéris avait parfois besoin d'obtenir des renseignements, des aveux ou des dénonciations, et il se révélait alors fort utile de savoir tirer les vers du nez à un fâcheux. Sa perspicacité lui permettait régulièrement d'entrevoir la vérité dans les contradictions ou les mensonges trop bien ficelés que lui servaient de tristes sires. Il arrivait aussi que la sottise de certains gredins s'avérât si lamentable qu'elle rendait transparents les dénis les plus farouches. Parfois, malheureusement, la rouerie et la manipulation ne suffisaient point; Gaidéris devait alors employer la manière forte.
Comment Blandin fut perdu
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