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4,52

sur 2499 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En bref: Finement ouvragé et truculent, ce roman est une des bonnes rencontres de l'année. Jaworski nous plonge ici dans un univers qui fleure bon la Renaissance italienne et démontre une fois de plus qu'il est un maître architecte, dans la construction de son monde comme de son intrigue. Mais le principal attrait de ce roman réside pour moi dans son héros, Benvenuto Gesufal, un fieffé salaud auquel on s'attache irrémédiablement. Roublard et doté d'un humour cynique absolument délicieux, il se sort des pires situations avec panache et se laisse détester avec amour. Il est également un narrateur des plus agréables à suivre. le verbe haut, de la gouaille à revendre et le vocabulaire aussi riche qu'imagé, il nous narre ici une histoire où manipulation est le maître mot.
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Quand la guerre est gagnée, il faut encore la gagner. Oui, ça parait compliqué mais c'est toute l'histoire de ce livre. Nous suivons Gesufal Benvenutto qui doit négocier la paix.
Ce livre de fantasy est vraiment passionnant. le style d'écriture particulier à travers le regard de Gesufal est vraiment agréable. Il y a des passages entiers totalement incompréhensible quand ils parlent dans leur jargon de la guilde des chuchoteurs mais ce n'est pas génant. Pas le temps de s'ennuyer malgré le pavé que représente ce livre. ça rebondit et même les passages politiques et géopolitiques sont intéressants.
Seul bémol … la fin en demi teinte.
Merci Stephibous de m'avoir permis de le garder plus longtemps que ce que la bibliothèque ne le permettait.

Challenge MULTI DEFIS 2016 : Un livre dont le titre contient un verbe à l'infinitif
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L'épopée, imprégnée de magie et de géopolitique, d'un exécuteur des basses oeuvres intelligent et rusé. le personnage principal est attachant, sa Cité - grandement inspirée de la république de Venise – et le monde qui l'entoure sont cohérents et le style d'écriture est original et adulte, fait de parler vrai et de réflexions pertinentes parfois digne d'Audiard ou de Céline (et de ses bons côtés, hein) ; il laisse entrevoir (ou confirme) chez cet auteur Français des qualités au-delà de la moyenne (des auteurs de fantasy, pour le moins). Seule l'intrigue, un poil trop longue/prévisible, empêche de qualifier Gagner la guerre de chef d'oeuvre. Mais nous n'en sommes vraiment pas loin.
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Quel récit mes aïeuls !

Gagner la guerre sort vraiment des sentiers battus et prouve, s'il était besoin, que nous, pauvres français, n'avons rien à envier aux anglos-saxons question littérature SFFF.

Dois-je revenir sur l'écriture de Jaworski ? Une écriture reconnaissable entre toutes grâce à son panache, son vocabulaire si riche et si varié (passant d'un registre soutenu à un registre argotique), ses évocations si imagées, son humour à toute épreuve. L'écriture est pour beaucoup dans le plaisir de lecture chez Jaworski, même si l'intrigue n'est pas en reste.

Car Gagner la guerre est un récit de cape et d'épée dans lequel notre héros, Benvenuto Gesufal, n'est rien d'autre qu'un assassin professionnel au service du Podestat Léonide Ducatore. Que de rebondissements ! J'ai eu peur d'être perdue parmi les intrigues politiques, les assassinats sur contrat, les manigances : que nenni ! L'auteur connait si bien les chemins qu'il fait emprunter à son lecteur que celui-ci ne s'y perd jamais.

Et que dire des personnages? Comme le dit si bien Benvenuto lui-même : "Vous qui êtes en train de me lire (...), quoique vous sachiez que je suis une inqualifiable crapule, n'êtes-vous pas un peu mon ami?" Eh bien si, et plutôt deux fois qu'une ! C'est si plaisant d'être du côté du méchant, capable du pire comme du meilleur. Il faut dire que la crapule est loin d'être la seule à hanter Ciudalia, ville décadente, au bord du gouffre, à la fois République et Empire.
Les personnages sont nombreux mais tous prennent de la place, quitte à la payer cher. Pour ma part, j'ai un faible pour le Sapientissime, qui n'a d'ailleurs pas résolu tous les mystères le concernant, ainsi que pour notre cher podestat (plus calculateur tu meurs).

Un seul petit bémol à noter : quelques longueurs une fois le départ de Bourg-Preux. A partir de cet instant, le récit aurait gagné à perdre une bonne centaine de pages.

Pour faire bref : un récit haut en couleurs qui scotche son lecteur dès le 1er chapitre, des personnages inoubliables et une écriture à la verve déjà très populaire. Un chef-d'oeuvre de la fantasy quoi !

Challenge Multi-défis 2016
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Un excellent roman Fantasy.

Le début est génial : paf, direct dans l'action. L'auteur annonce la couleur. J'aime quand on ne passe pas par une longue introduction de l'univers, du héros… Là on se fait notre propre idée, on découvre les choses au fur et à mesure et on se laisse surprendre. C'est vrai que ça m'a quelque peu frustrée de ne pas avoir de description physique de Benvenuto, mais ça ajoute au charme de ce héros haut en couleur, avec un sens moral bien à lui, qui n'a pas froid aux yeux. Un chouette type !

J'ai juste adoré la narration. Que ce soit le style et le vocabulaire (20/20: d'une part j'avais envie de regarder un mot par page dans le dico et d'autre part j'ai savouré les termes orduriers - c'est là qu'on voit les avantages d'une version originale française par rapport à une traduction) ou la manière de raconter, du genre « je ne savais pas encore que cette attitude allait me coûter cher », « je ne comprendrai cette phrase sibylline que bien plus tard »… Ca tient le lecteur en haleine, ça le rend attentif aux détails presque malgré lui. Et d'un autre côté, ça évite d'avoir envie de relire le roman immédiatement, puisque l'auteur a lui-même pointé du doigt les indices !

Quant à l'histoire, elle est passionnante. Les lieux communs de l'univers fantasy sont évités, mais on en retrouve quand même certaines touches qui font plaisir (2/3 elfes, un tantinet de magie…).
Une chose qui m'a un peu gênée, c'est que finalement, à certains moments on n'a pas de but précis en tête. Plusieurs fois, je me demandais quel objectif Benvenuto poursuivait exactement, à part rester en vie…

Si j'ai été légèrement déçue, c'est parce que je m'attendais à plus. J'ai passé de très très bons moments de lecture, mais je n'ai pas été bouleversée, je n'en suis pas sortie un peu changée.
Un roman qui reste tout de même captivant avec un énorme point positif : son écriture !
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De mon point de vue, la principale qualité et originalité de cet entraînant roman est que le narrateur est complètement détestable. Au point qu'on a presque envie d'interrompre la lecture très tôt, lassée par les propos racistes et misogynes. Mais c'est l'angle de l'auteur : le narrateur infâme raconte son histoire entrelacée avec celle d'une République imaginaire mélange de la Rome antique et de la Venise de la Renaissance. D'ailleurs tous les personnages principaux sont détestables, ceux pour qui on pourrait avoir de l'indulgence ne prennent jamais beaucoup d'importance dans l'histoire. Ça crée un drôle de sentiment parce qu'on a l'habitude de s'attacher aux gentils ou en tout cas de chercher à le faire ; on lit aussi un peu pour ressentir de l'empathie, non ? Là, oubliez tout ça, l'histoire nous apprend que L Histoire est faite de coups tordus et que tout est permis. Tant qu'à faire, on regrette que l'auteur ne soit pas allé au bout de la démarche en rendant son narrateur plus cynique encore (au sens moderne du terme). Ici, on sent que le narrateur a pris un peu de recul et qu'il s'est même un assagi. On retrouve un côté fantasy avec elfes et nains qui ne sont pas vraiment indispensables. Même la magie amène peut-être plus de complications que de facilités dans le récit. L'ensemble est tout de même très solide, très bien ficelé et se lit très facilement. Je regrette surtout tous ces morceaux d'histoires qu'on effleure mais dont on ne connaît pas finalement la clef. Une très bonne lecture.
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Les bons romans ça m'ennuie toujours de les quitter, et là, j'en ai eu ma dose, j'ai pu m'en repaître, prendre mon temps, me réjouir de cet excès-même, j'ai suivi, enthousiasmée, éblouie, admirative !


" C'est un des charmes de Ciudala : tous ces grands qui se détestent sont voisins de palier, et ils n'ont qu'à faire deux pas dans la rue pour saluer le sénateur qui a voté le bannissement de leur père ou le patricien dont ils ont empoisonné le fils aîné. "


C'est Benvenuto Gesufal, maître-assassin gouailleur, racaille notoire , baroudeur irréfléchi et invincible qui raconte ses heures de gloire et ses déboires, en connivence directe avec le lecteur. Ce héros, qu'on suit génialement dans tout le premier chapitre ridiculement abattu par le mal de mer, est un personnage parfaitement amoral que Jaworski arrive à nous rendre éminemment sympathique, et dont on partage les victoires, l' emprisonnement, l' évasion rocambolesque, le long voyage vers l'exil , le retour dans un triomphe ambigu : ses heures de peines et ses galéjades, ses fanfaronnades et ses coups de force.

Il est au service de Leonide Ducatore, l'implacable Podestat de Ciudala, capitale de la République, maître sans pitié, intrigant sans scrupules . A travers eux, c'est toute la politique des vieux Royaumes, perpétuellement en guerre , qui est dévoilée, avec ses intrigues de palais, ses trahisons, ses combines foireuses, ses coups fourrés. Tout cela sur fond de sortilèges, croisant au passage quelques elfes et quelques nains, c'est un magnifique hommage à Tolkien, aux romans de cape et d'épée, aux récits mythiques d'une façon générale, rien que ça!

C'est une grandiose épopée, une leçon d'Histoire fictive dans des mondes alternativement étranges et familiers : on est si proche de nos Etats malsains. Jaworski, y met comme toujours sa faconde hallucinante, mi-noble, mi-truculente, son sens du détail , ses amples descriptions et... on y est : ces paysages magnifiques et ces villes grouillantes, on s'y promène, ces bagarres au destin prévisible, on en suit le déroulement avec angoisse, ce palais en feu, on en ressent la brûlure...On se laisse emporter par ce récit fantasmagorique où la bravoure est le maître mot. Il y a là un souffle, une présence, une proximité à ce réel surnaturel : Jaworski est un conteur qui m'a emportée au pays des rêves.
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Voici donc l'histoire du pauvre Benvenuto Gesufal, un homme de main à la fois garde du corps, assassin, informateur et messager, au service du politicien cynique et calculateur à la tête de Ciudalia, une république aux airs de cité-état italienne de la fin du 15ème ou milieu du 16ème siècle.


Contrairement à ce que vous pouvez vous dire, notre protagoniste n'est pas un ninja à la Assassin's Creed qui déboite ses adversaires à coups d'art martiaux ou en sautant depuis les toits... Il y a bien une scène où il saute de toits en toits (représentée sur la couverture d'ailleurs !) mais c'est pour sauver sa misérable vie. Car loin d'avoir la classe, notre "héro" est une crapule et quand il lui arrive de devoir tuer, c'est rarement de manière très fair play. Il n’empêche qu'en l'entendant raconter son histoire à la première personne, on finit par s'attacher à ce vicelard qui n'est pas dénué d'humour ! On observe tout au long de son récit comment il va s’empêtrer dans les manœuvres politiciennes de son patron et comment il va essayer de s'en dépêtrer.


Premier petit bémol, le récit à la première personne présente des avantages, comme une caractérisation plus profonde du personnage principal, mais aussi des défauts; la caractérisation des personnages secondaires est vue à travers les yeux du héro, ce qui la rend forcément plus superficielle. Le fait que l'on sache très bien que le protagoniste va s'en tirer – car c'est lui qui raconte son histoire après les évènements – enlève un peu de piquant à certaines scènes.


Second bémol, pour moi il y avait un peu trop de descriptions. Le monde est bien construit et j'apprécie ça quand il s'agit d'expliquer l'histoire ou le fonctionnement d'une société. Mais à côté il y pas mal de bloc descriptifs d'ambiance qui alourdissent un peu le récit. Ce n'est pas du tout mal écrit, au contraire même : là où Scott Lynch et Joe Abercrombie passent soudain d'une scène d'action au discours descriptif de manière très abrupte et sans transition, pour nous pondre un paragraphe qui tient plus de la liste de caractéristiques que de la description vivante (Ces deux auteurs anglophones ont du talent, mais il faut reconnaitre qu'ils décrivent un décor avec la spontanéité d'une encyclopédie et l'amènent comme un cheveux sur la soupe. Ils sont talentueux dans leur domaine, comme la caractérisation pour Joe Abercrombie, mais pas dans le discours descriptif en lui-même), Jean-Philippe Jaworski lui nous fait passer plus subtilement de l'un à l'autre et ses descriptions sont toujours du point de vue personnel et ressenti de son héro/narrateur.
Il y a d'ailleurs dans le premier tiers du livre une bonne description des os brisés et des plaies en train de s'infecter de notre héro. C'était absolument ignoble et donc absolument génial !
Hélas toutes ne sont pas aussi utiles ou personnelles, et il est vrai qu'elles représentent une grosse proportion des 980 pages de ce roman ce qui plaira à coup sûr à certains mais pas forcément à tous. Même si elles sont sympathiques, je trouve un peu lourd quand il y en a plusieurs pages d'affilé et elle finissent forcément par ralentir le rythme dans un récit ou les rebondissement sont déjà trop peu nombreux au vue de la longueur du livre


A propos de la construction du monde, difficile de dire précisément la période historique de référence car d'un côté on note l'absence d'armes à feu dans l'infanterie ou d'artillerie sur les galères, ainsi que l'emploi fréquent de demi-armures, qui suggèrent au plus tard la fin du 15ème; mais de l'autre l'autre des éléments de mode (pourpoint à crevés) ou des armes (apparition des premières rapières) suggèrent un 16ème siècle déjà bien avancé. Mais évidement c'est un monde imaginaire qui ne se situe pas dans un contexte historique donc cela ne porte pas à préjudice, au contraire ça m'a même intéressé !


D'ailleurs à propos des armes, si certains combats ne payent pas de mine au début, le dernier tiers du livre nous offre un superbe duel avec un bon emploi de termes d'escrime historique très anciens – Caver, pour signifier un contournement de la lame adverse pour passer la sienne de gauche à droite ou l'inverse, serrer pour se rapprocher, mesure pour indiquer la distance de combat, ou ricasso, la base de la lame, généralement non-aiguisé.
Au cours du récit il m'est arrivé de me demander le type d'épée utilisée. Après tout, les systèmes qui emploient l'épée et la dague existent aussi bien pour l'épée de côté – comme on peut le voir dans Cabinet d'escrime de l'espee et poingnardt du Capitaine Péloquin, écrit fin 16ème – que pour la rapière.
En fait, historiquement il n'y a pas de délimitation précise entre les deux, la rapière est une épée de côté qui s'est allongée progressivement sans qu'un chiffre arbitraire ne viennent déterminer si l'on a affaire à l'un ou à l'autre. Mais même si l'une est une évolution de l'autre, les deux sont restées utilisées pendant la même période. La tendance générale étant que l'épée de côté, un peu plus courte et un peu plus large, permette toujours des coups de taille relativement efficace en plus des coups d'estoc, tandis que la rapière, plus fine et plus longue, abandonne sa capacité à infliger une taille profonde au profit de l'estoc.
Mais revenons en au livre : au cours d'une séance d'entrainement, Benvenuto note qu'il est tellement pas en forme que son adversaire arrive à caser des coups de taille, plutôt une épée de côté donc. A un autre moment, il indique qu'un personnage porte une épée civile, probablement une rapière. Ce qui indique que, comme historiquement, les deux existent dans cet univers. La différence, s'il s'agit du tout début de la rapière, ne doit pas franchement sauter aux yeux. Le contraste est plus marqué par le système d'escrime employé que par les quelques centimètres de lame en plus.
Mais revenons en justement au superbe duel dont j'avais commencé à parler : c'est dans celui-ci que j'ai enfin pu me dire que Benvenuto utilise une système de combat caractéristique des débuts de la rapière italienne (qui était encore appelée spada da lato – italien pour épée de côté – à l'époque), tel que présenté par Camillo Aggripa (celui dont parle Inigo Montoya dans Princess Bride !) dans son célèbre traité "Trattato di Scientia d'Arme, con vn Dialogo di Filosofia" écrit en 1553. En effet l'emploi de certains termes spécifiques ne trompent pas : tierce et quarte sont deux des quatre gardes que comportent l'école italienne.
Aggripa a été le première maitre d'arme à préconiser l'emploi prédominent de l'estoc sur la taille. Mais cette dernière n'a pas totalement disparu (elle le fera chez les maitres d'armes suivants, à mesure que les lames s'allongeront), il est donc normal de la voir mentionnée dans ce livre si l'on est en pleine transition entre l'épée de côté et la future rapière, même si les coups d'estoc deviennent dominant.
Ainsi j'ai résolu mon problème qui n'en a jamais été un (et dont vous vous fichez probablement) et je peux me faire une idée exacte de l'épée que don Benvenuto emploie :
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Tout ça pour dire que l'auteur a fait ses recherches ! Pour une fois, on évite le piège de la fantasy avec des grosses épées magiques ridicules ou de l'escrime hollywoodienne. On peut, au contraire, apprécier un réalisme et des ressemblances historiques cohérentes dans ce monde imaginaire.


Pour résumer, j'ai aimé les rebondissements qu'offrent les manœuvres politiciennes, bien qu'ils ne soient pas assez nombreux pour un livre aussi long. J'ai apprécié le ton léger et totalement désabusé du héro par rapport à la "sombreur" de la situation, l'emploi d'un peu d'argot dans la narration, ainsi que l'inspiration historique de laquelle est tirée la ville de Ciudalia. Le récit à la première personne m'a plu pour son côté personnel mais m'a aussi laissé froid par rapport à tout ce qui ne touche pas directement au héro. Enfin, les descriptions sont à double-tranchant car malgré leur qualité elles alourdissent trop l'histoire à mon goût. Je mettrais 3,5 étoiles si je pouvais.
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Après que mes chatons aient dévoré les trois dernières pages de mon exemplaire de Gagner la guerre, je n’ai eu d’autre choix que de le réserver à la plus proche bibliothèque. Grand bien m’en a pris, car d’une part c’est le genre de livre qu’il faut savourer jusqu’à la fin ; et d’autre part, il ne leur a fallu que 48 heures supplémentaires pour achever leur œuvre si bien commencée… Quinze minutes d’inattention et mon lit était recouvert de morceaux de pages mâchouillés.
Vous pouvez croire que désormais, je mets mes lectures du jour sous clé.

Pour en revenir à Gagner la guerre, Benvenuto Gesufal n’est pas n’importe qui. Membre de la Guilde des Chuchoteurs, maître-espion de son excellence le Potentat Léonide Ducatore, c’est un acteur de premier plan dans la guerre qui se joue ente Ciudalia et Ressine. Non pas en tant que guerrier, mais en tant qu’assassin – que « seconde lame ». C’est un personnage de l’ombre, habitué à toutes les roueries, tous les méandres et ténèbres de l’âme humaine. Et pourtant, il est doté d’un humour noir et d’un sens de l’autodérision particulièrement mordants !
Son pragmatisme à toute épreuve lui permet de tirer parti des pires situations et de toujours sortir son épingle du jeu. Trimbalé à droite à gauche, il se met dans des situations rocambolesques dont il va être contraint de se sortir bon gré mal gré. Son patron est très exigeant ; tout comme l’auteur, qui n’hésite pas à le défigurer et à le faire passer par des épreuves particulièrement vicieuses. Malgré son mauvais caractère, je n’ai parfois pas pu m’empêcher de le prendre en pitié.

Que les choses soient claires : c’est un livre de fantasy, mais la magie n’est qu’au second plan de l’intrigue. Le protagoniste étant particulièrement terre à terre, tout ce qui touche au surnaturel le rebute. Il y a bien quelques personnages importants qui tâtent de la magie, mais très peu. Tout juste si l’auteur a bien voulu placer des Elfes et des Nains dans son histoire.

Cette lecture m’a beaucoup plu, mais j’ai quand même été un peu déçue. Le résumé laissait penser que les coups bas, les rebondissements, les assassinats allaient être légions. En fait, je m’attendais à une histoire de la tempe de Martyrs, d’Olivier Peru. Et finalement, c’est complètement différent. Benvenuto est retors, mais pas autant que je le pensais. Il appartient à une maison noble, et c’est un homme de main fidèle à « son patron ». Le personnage le plus fourbe, celui qui veut à tout prix atteindre le pouvoir, c’est le Potentat. Quelques opposants tenteront de lui mettre des bâtons dans les roues, certains y arriveront, mais il est le seul à comploter ainsi.
D’ailleurs, c’est mon personnage préféré. L’auteur le dépeint comme un homme très charismatique, mais ni beau ni imposant. Extrêmement intelligent et calculateur, il veut, à terme, l’assurance du pouvoir pour lui et sa famille. Toutefois, lorsqu’on se retrouve à la tête d’un État doté d’un Sénat, impossible de tout prévoir ! Il a beau jouer admirablement de la nature humaine, c’est un objectif particulièrement difficile qu’il s’est choisi d’atteindre. Sa soif de pouvoir est la source de toutes les aventures et de tous les rebondissements de Gagner la guerre. À tel point qu’on pourrait presque dire que c’est lui le personnage central de l’histoire.

Benvenuto n’est pas le seul à avoir de l’humour : l’auteur n’hésite pas à le faire tourner en dérision, à lui faire prendre la mer un bout de temps alors qu’il n’a pas du tout le pied marin – mais qu’il est issu d’un peuple de marins, quelle ironie ! Certains rebondissements sont cocasses, comme l’apparence de la Rose virginale, ou la découverte du don narratif de Benvenuto. Et puis Gagner la guerre est un authentique roman d’aventure, héritier de ceux du 18e siècle – d’autant plus que Benvenuto a l’habitude de s’adresser au lecteur : c’est une stratégie qu’on retrouve dans quelques romans d’aventure du Siècle des Lumières (Vie et opinions de Tristram Shandy, Jacques le Fataliste et son maître, ou, mieux encore, La Mouche ou Le Chevalier de Mouhy : c’est le héros lui-même qui raconte son histoire à la première personne et interpelle son lectorat).

Pour en venir aux quelques points négatifs du livre (car il en faut !), je pense qu’intégrer des Elfes et des Nains était superflu : ils cadrent mal avec le reste de l’histoire. Jaworski, adepte des descriptions, nous livre quelques pavés de paragraphes pas toujours utiles, et surtout, il n’y a pas de carte. C’est honteux !
Mais c'est tout ce que je peux lui reprocher.

Pour finir, j’aborderai quelques détails qui ont fait tout le croustillant de ce roman, et notamment, les noms à consonance italienne. C’est agréable, ça change de tous ces noms inventés et imprononçables qui ont cours dans la fantasy. Par ailleurs, ça donne une atmosphère de Renaissance italienne qui ancre le récit dans le réel – d'autant plus que l'auteur a su saisir la noirceur de la nature humaine, l'égoïsme et l'hypocrisie des hommes politiques. Finalement, comme le souligne Gwen21, on est réellement du côté des méchants, dans ce roman.

Donc, outre les quelques défauts, c’est un très bon livre, original par son personnage principal, par le choix des noms et par l’univers, si proche de la Rome de la Renaissance. Je conseillerai à des lecteurs chevronnés, mais pas forcément adeptes de la fantasy.
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Un roman entièrement porté par une écriture hyper addictive et très stylée.



Je vous le dis tout de suite, ce roman, je ne serais pas allée vers lui toute seule. Il aura fallu bien des efforts à une de mes copinautes pour me convaincre. Il est énorme, la couverture ne m'attire pas du tout, le titre encore moins (la guerre, je ne suis pas sûre qu'il y ait un sujet qui puisse moins me donner envie quoi... Les hémorroïdes peut-être ?) (et encore !), et l'auteur était pour moi un illustre inconnu jusqu'à ce qu'elle (la copinaute, appelons-la Yu pour garder intact son anonymat, mdr) m'en parle avec beaucoup d'enthousiasme et... d'insistance ! :D

Et encore à ce moment-là, je crois que je me le suis déniché surtout pour lui faire plaisir, et pour remplir ce qui pourrait se comparer à "ma part du marché". Elle a lu Rose Morte parce que j'avais fait un peu de ramdam sur ce titre, elle souhaitait donc à son tour me faire découvrir son "best ever".

Donc voilà, je me suis décidée, toujours pas très convaincue, à démarrer cette lecture.

Sur les premières pages, je me suis dit, "tiens, vraiment original dans le style d'écriture en tout cas !" Et plus j'ai avancé, plus j'ai aimé ça.

Jean-Philippe Jaworski a vraiment une empreinte profonde lorsqu'il écrit. Son style a une vraie personnalité. C'est vraiment bourré d'humour (pas du gros lourd qui tâche hein, c'est judicieusement parsemé, et intelligemment disséminé), et c'est un mélange extrêmement déroutant d'un texte vraiment soutenu, avec beaucoup de familiarité. En tout cas, il est explosif, ce mélange ! J'ai A-DO-RE sa plume, vraiment ! On a quand même un langage très noble-médiéval, avec des gens de la haute et tout et tout, qui se mélange avec un assassin qui a une sale gueule et qui ne se gêne pas quand il faut appeler un enculé "enculé", lol. Et j'avoue sans mal, c'est un mix qui a super bien marché avec moi :D

Heureusement du reste, parce que comme je le craignais, l'histoire, elle, m'a moins transportée. Effectivement, ça parle de la guerre, déjà. La vilaine gueguerre politique entre des clans ennemis, qui s'amusent à qui a la plus grosse pour obtenir pouvoir et domination et territoire. Normalement, ce genre d'histoire, pour moi c'est "no way". Ca ne m'intéresse tout simplement pas.

Or là, même si je ne peux pas vous dire en toute sincérité qu'elle m'a passionnée, l'histoire a quand même su me tenir en haleine. Mine de rien, ce beau bébé pèse quand même ses 1000 pages. Je veux dire, si ça m'avait vraiment rebutée, et désintéressée, je ne serais jamais allée au bout. Pis bon, en 17 jours, et en travaillant, je ne trouve pas ça si mal, finalement ! (Même si, je ne vous le cache pas, ça m'a quand même paru long tant que j'étais dedans, de passer autant de jours sur un seul livre.)

Je pense, après de longues délibérations avec moi-même, que l'histoire aurait été vite relou si le côté fantasy avait été plus poussé. En effet, c'est quand même assez léger à ce niveau, du coup, on peut vraiment se concentrer sur ce que l'auteur veut nous dire, les vendettas, les pactes, les contrats, qui contre qui, qui avec qui, qui ment, qui trahit, qui filoute...sans être trop déconcentré par des explosions magiques, des créatures incroyables dans tous les sens et tout un univers nouveau à appréhender. Il y en a oui de la magie, un petit peu, c'est vraiment très secondaire. Limite il n'y en aurait pas eu du tout que ça n'aurait peut-être pas tellement changé les choses. (enfin, y en a quand même qui auraient eu du mal à se remettre d'équerre arrivés aux portes de la mort, mais bon)

L'univers n'est pas un monde inventé de toute pièce non plus. J'ai trouvé ça assez dommageable pendant un temps, au final, je me dis que ce n'est pas plus mal pour se concentrer sur le reste. En ce qui me concerne, même si je ne connais pas vraiment le pays, ça aurait pu se passer dans l'Italie moyen-âgeuse en fait, entre le nom des rues, des personnages, des villes, ça sonne bien rital tout ça. Disons que les décors ne sont pas spécifiquement étiquetés "fantasy". Et croyez-moi, c'est voulu, ce n'est en aucun cas une défaillance de l'imagination de l'auteur, ou de sa capacité à décrire les choses. Car à côté de ça, il te fait de ces descriptions, le Jean-Phi, un truc de malade ! Il y en a d'ailleurs plutôt pas mal, dans le roman (certains vont penser "beaucoup trop", même, j'en suis sûre ! Ce sont ceux qui n'auront pas aimé lire Tolkien pour les mêmes raisons !) Personnellement j'ai bien apprécié tout ce côté descriptif, même s'il faut admettre que ça allonge grave le roman (1000 pages, dois-je le rappeler ?) Ca m'a permis de vraiment bien visualiser les choses, de les imaginer avec beaucoup de réalisme, de crédibilité.

Après, je peux quand même admettre que ce côté light fantasy m'a perturbée. Pour moi, la fantasy, c'est plus... fantaisiste que ça justement. Nouvel univers totalement imaginaire, des rencontres étonnantes... Ca me permet de rêver éveillée, pour de vrai. Il m'a donc tout de même manqué de quoi faire s'emballer mon imagination, parfois. Et pourtant, je sais que ça aurait beaucoup compliqué la compréhension, et donc, je valide tout de même le choix de l'auteur de faire "léger" de ce côté-là.
Mais bon, n'empêche que j'ai manqué de "merveilleux" et de "fantastique" sur ce coup. Ma copine Yu a dit quelque chose de très vrai sur le sujet, c'est que c'est un livre qui peut permettre aux néophites en fantasy de se lancer en douceur, sans s'en prendre plein la gueule du premier coup, juste avec les codes primaires de base de la fantasy, et un texte d'une belle qualité.

Mais à dire vrai, tout ça, on s'en fout complètement. Parce que ce qui fait de ce livre ce qu'il est. Ce qui en fait son immense qualité. Ce qui fait qu'alors même que l'histoire ne nous attirait pas et ne nous passionne d'ailleurs pas énormément en cours de lecture, on avance on avance on avance sans aucune difficulté et avec un immense plaisir, ce qui fait qu'on passe un SI BON MOMENT avec cette lecture, c'est l'auteur. L'auteur et sa façon de s'adresser à son lecteur. L'auteur et son talent. L'auteur et ses mots. J'avoue, je suis totalement subjuguée par l'écriture découverte ici. de toute façon, sans ça, on n'aurait pas de 4/5 alors que j'ai trouvé l'histoire un peu bof. Mais j'ai un vrai coup de coeur pour son style, clairement, qui m'a littéralement envoûtée. du début à la fin !

Je pense que je vais me laisser tenter par un autre titre de Jaworski, histoire de le découvrir sur une histoire qui me parlera peut-être un peu plus, et décider si vraiment, lui et moi, on est faits pour s'entendre.
Quant à gagner la guerre, mon ptit public, oui, je crois que tu dois le découvrir. Je crois que tu dois rencontrer ce texte, parce que ce sera une belle rencontre, je te le promets.

Cali
Lien : http://calidoscope.canalblog..
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