La Poursuite de l'idéal

— Tu te trompes : il n’y a aucune psychologie dans James Bond, uniquement des rapports de force… Quand 007 couche avec une fille, la plupart du temps cette dernière cache un revolver ou un couteau dans son porte-jarretelles, elle utilise l’amour pour tuer l’espion britannique… Si James ne se méfiait pas des femmes, il serait mort depuis longtemps ! Eh bien, en amour, c’est pareil : tu dois être sur tes gardes, ne pas te laisser entraîner par les sentiments, tu dois les dompter, les maîtriser, ne pas en être le jouet ! Oblige-toi à être méchant, entraîne-toi, séduis une fille, puis laisse-la tomber… Cesse d’être un nigaud qui sublime l’autre sexe… Regarde en toi-même, si tu es sincère, reconnais qu’il n’y a pas que du bon en toi, il y a de la lâcheté, de l’égoïsme, de l’envie, eh bien dis-toi que c’est la même chose pour les femmes… Olga comme les autres… Être trop tendre, c’est aller au combat sans armure, sans arme, la poitrine offerte aux fusils de l’ennemi !

Plus tard, la beauté sera primordiale : la reproduction est une déesse qui exige son lot de beaux jeunes gens ; elle sacrifie les ratés de la création ! Le sexe, c’est le diable ! Je n’y connais pas grand-chose en étymologie, mais j’ai au moins retenu que le mot “diable” signifie “ce qui divise” ; or le sexe disjoint les hommes…

« Charmant spectacle ! commenta Baudouin, depuis une terrasse où il buvait un verre de bière avec Cyrille. Charmant spectacle, mais dans quinze ans, peut-être moins, cette scène sera devenue impossible… Et pourquoi ? Parce que la séduction aura tout changé : pour que le garçon espère que sa petite copine l’embrasse, il devra être beau, charmant, grand ou que sais-je ? Et pour que la fille attire le petit garçon elle devra être belle, douce, sensuelle… L’Éden de l’amour pur prend fin à l’adolescence, peut-être avant, quand le sexe s’invite dans la partie...

Il était difficile, en ces moments, de ne pas penser à l’équivoque situation d’une jolie jeune fille entourée de deux jeunes hommes, dont l’un avait même essayé, quelques jours plus tôt, d’embrasser la première.

La politesse, dans le domaine amoureux, est une calamité. Cyrille eut envie de l’envoyer promener, de lui dire « ne fais pas semblant de t’intéresser à moi ni à ce que j’ai fait hier ! ».

Depuis l’adolescence, il se demandait pourquoi les hommes se contentaient de si peu, alors que l’extase était à portée de main. Il se souvenait d’un camp de vacances où, si les filles s’étaient montrées plus licencieuses, l’ennui aurait battu en retraite, la queue entre les jambes ; et il ne comprenait toujours pas par quelle folie elles adoptèrent la sagesse.

les vieux ont, pour la plupart, plus de quatre-vingt-dix ans ; aucun n’est beau… C’est même pire que ça, ils sont laids… On dirait même que les sexes s’effacent, les hommes s’affaiblissent, se dévirilisent, et les femmes grossissent, perdent leurs cheveux, certaines ont de la moustache… Le grand jeu de la vie est terminé… Ils me font bien rire, les zozos avec leur théorie du genre ! Le mélange des genres ! Il suffit d’aller faire un tour dans l’antichambre de la mort… visiter une maison de retraite !

Le Chaplin que tu appelles un beau vieillard a dans les soixante ans… Non, la beauté, c’est la jeunesse, c’est le moment où l’espèce doit se reproduire : la nature offre à tous une beauté qu’elle détruira plus tard… Au fond, la nature n’avait pas prévu que les humains vivraient si longtemps, c’est pour ça qu’elle n’a pas prolongé la durée de la beauté, de la reproduction…

Le grand secret de la vie, le voilà : ce qu’on appelle la beauté, ce n’est rien d’autre que la jeunesse. On veut faire croire que la beauté n’est pas dépendante de l’âge, mais rien n’est plus faux. On peut seulement reculer le vieillissement, c’est tout… Tous les deux, vous êtes beaux, mais dans cinquante ans vous ferez moins les fiers. Même la belle Olga aura perdu sa peau blanche comme du lait, ou alors ce sera du lait caillé !

Olga se contenta de sourire, de sorte que notre héros se dit, une fois de plus, que les filles étaient bien mystérieuses, et qu’il en était ravi à certaines fois, que d’autres jours ça l’emmerdait. Pour cette occurrence, il n’aurait su dire laquelle de ces réactions était la sienne. Ce n’était pas l’heure de tenter un nouveau baiser.