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EAN : 9782919547524
275 pages
Editions Rue Fromentin (31/08/2017)
4.26/5   153 notes
Résumé :
Le livre :
Serge Le Chenadec doit se rendre à l'évidence : ses proches ne peuvent plus le supporter. Sa femme le
méprise, ses enfants le fuient ou, au mieux, l'ignorent. Peu à peu, il devient l'homme de trop dans sa propre
vie, l'homme surnuméraire.
Clément, en apparence, va mieux. Il vient d'accepter un poste dans une maison d'édition, essentiellement
pour faire plaisir à sa compagne. On lui propose un projet éditorial étrange : r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
4,26

sur 153 notes
Patrice Jean, auteur que je viens de rencontrer grâce au billet de Christophe, entre d'emblée avec le personnage de Serge le Chenadec propriétaire d'une agence immobilière, dans le vif d'une autopsie de nos sociétés contemporaines.
Ce monsieur Tout le monde au physique médiocre, arrivé à l'âge adulte se noie dans des questions existentielles superficielles. Il va vite retrouver ses repères dans une rencontre fortuite avec une femme « qui lui est supérieure », la rencontre se finalisant avec un mariage et deux enfants , « Vraiment, le mariage arrangeait tout : plus de solitude, fornication à volonté, respectabilité, approbation maternelle , sentiment d'être un homme. » Sauf que cette finalité qui rassure , s'avère très vite n'en être pas une. D'un père de famille, il est vite réduit à un simple domestique oeuvrant à la satisfaction matérielle des membres de cette même famille, qui le méprisent, pour son aspect physique, son manque d'intérêts culturels,....bref symbol de la difformité. « Serge le Chenadec, agent immobilier,quarante-cinq ans, marié, deux enfants : l'homme surnuméraire “, traduction : le loser qui n'a plus sa place dans nos sociétés contemporaines, un personnage en trop et superfétatoire. Alors qu'on se demande ce qui va s'en suivre car nous sommes qu'au tout début du roman, Patrice Jean change de perspective et nous introduit un second personnage « surnuméraire », Clément Artois, la trentaine, beau garçon, grand lecteur au chômage......mais qui va pourtant bientôt se lester d'un boulot éditorial assez particulier. Ce dernier consistant à faire subir des cures d'amaigrissement assez drastiques aux grands classiques littéraires, coupant dans l'oeuvre « les morceaux qui heurtent trop la dignité de l'homme, le sens du progrès, la cause des femmes..... pour les rendre humaniste». L'écrivain en profite pour se lancer dans une critique sans pitié des milieux éditoriaux, avec quelques piques aux lecteurs et lectrices, surtout à ceux ou celles qui ne se contentent pas de lire mais qui profèrent aussi ses opinions, comme nous par exemple 😁 ! Perso j'ai trouvé cette partie très divertissante, vu que c'est juste et lucide.

Ces deux personnages surnuméraires, qui n'ont strictement aucun terrain de rencontre, vont se croiser par le biais de la littérature. L'histoire de le Chenadec est un roman dans un roman, une mise en abyme. À travers l'analyse des relations sociales et privées des deux protagonistes,on débouche sur une satire brillante de nos sociétés actuelles . le snobisme des classes privilégiées envers tout ceux ou celles qu'elles ne voient pas dans leur rang (argent, milieu, capital culturel, salaire et même aspect physique et habillement ) ; le pédantisme des intellos des milieux universitaires dont les borborygmes deleuziens ou foucaldiens résultent dans des discours sans queue ni tête (« ...en gros il ne disait rien... »), mais qui face au désir charnel se réduisent à l'état de primate 😁 (revanche époustouflante de l'auteur et de son alter-ego fictif Patrice Horlaville).

Un livre intéressant qui touche à de nombreux thèmes.Doté d'une excellente prose et d'une structure particulière, sans tomber dans de profondes réflexions pédantes , l'auteur s'emploie à nous donner une piètre image de l'humain et de ses occupations existentielles , le couple, le sexe ( quand on emploie le mot copuler pour faire l'amour, c'est déjà autre chose ), l'amour, l'amitié, et les rapports sociaux. L'image d'une société scindée en deux, les gagnants et les perdants, achève ce tableau pessimiste, où l'on a d'yeux que pour les premiers, et qu'on méprise royalement les seconds , le « on » étant un très large public. Personnellement , j'ai aimé nos deux perdants, nos deux hommes surnuméraires qui restent fidèles à eux-mêmes quitte à rester "losers" !

Merci Christophe, ton billet ne m'avait pas donnée envie de le lire d'emblée, mais finalement la curiosité l'emportant , c'est toi qui me l'a fait lire 😁!

«  J'avais toujours été frappé par le dogmatisme bébêtes des philosophes, du moins des professeurs de philosophie que j'avais rencontrés.Même quand il citait le sceptique Montaigne, c'était pour fabriquer une théorie du scepticisme, où il ferait bon vivre, à l'abri de l'existence. »
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Les Editions Langlois ont lancé une collection « humaniste » publiant les chefs d'oeuvres de la littérature mondiale expurgés de leurs contenus « politiquement incorrects ». Etienne Weil, le directeur de collection, est secondé dans ce jeu de massacre par Clément Artois un jeune diplômé que Lise, sa fiancée, a pistonné en jouant de ses relations universitaires.

Weil et Artois ont mis un mouchoir sur leurs scrupules de « censeurs » quand ils ont vu le succès médiatique et financier de la collection … rapidement copiée par les concurrents. Certes effacer quatre-vingt pour cent d'un livre de Céline n'est pas anodin, mais les lecteurs se délectent de l'ouvrage aseptisé et les rares critiques sont rapidement pulvérisées par le talentueux Etienne Weil, redoutable polémiste et référence morale inattaquable dans le milieu germanopratin qui dicte sa loi aux médias.

Doté d'un regard incisif et d'une plume caustique, humoristique et ironique, Patrice Jean régale son lecteur en décrivant les éditeurs, les universitaires, les sociologues et les modes qui façonnent l'édition. D'une écriture élégante il peint la réussite des lancements « humanistes ».

Mais tout se corse quand il s'agit de rewriter « L'homme surnuméraire », ouvrage commis par l'obscur Patrice Horlaville dont la conclusion, notamment mais pas seulement, est jugée « incorrecte ». La vie romanesque de Serge le Chenadec, Claire son épouse, leurs deux enfants et leurs amants respectifs va devoir s'inscire dans cet « humanisme » pour nous offrir le feu d'artifice final.

Il y a du Houellebecq en Patrice Jean et je suis ravi de le voir désormais publié par Gallimard qui va le sortir de sa « Tour d'ivoire » et le révéler. Quel art pour jongler entre deux couloirs narratifs en menant le lecteur de rebondissement en rebondissement. Quelle liberté de propos pour s'amuser de nos « précieuses ridicules » qui encombrent les médias avec leurs expressions préfabriquées ! Quelle empathie vis à vis des petites gens (Chantal), des provinciaux et des paysans.

Et surtout l'auteur plaide pour la culture classique, les humanités, la littérature … de quoi le classer du coté des nostalgiques soupçonnés de collusion avec qui vous savez.

Dois je avouer que je me suis délecté avec ce chef d'oeuvre qui évoque « Le Voyant d'Étampes » ?
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L'Homme Surnuméraire de Patrice Jean est un excellent roman. Il ne propose nulle évasion, nulle illusion, nulle émotion qui valoriseraient le lecteur. Il contient deux récits alternés : celui dont Serge le Chenadec, agent immobilier malheureux en ménage, est l'anti-héros, et celui que raconte Clément, jeune oisif littéraire embauché par une maison d'édition pour réécrire et résumer les passages incorrects des grands chefs-d'oeuvre. Voici deux personnages qui ont tout du "loser" : deux "mâles blancs hérérosexuels", dont on sait aujourd'hui ce qu'il faut penser. Ces deux hommes si différents sont des perdants de la guerre des sexes : donc, leur point de vue sur le monde est particulièrement intéressant, précieux, drôle et lucide. Flannery O'Connor disait que le Sud des Etats-Unis n'aurait pas donné naissance à ses grands romanciers s'il était sorti vainqueur de la Guerre de Sécession. Un bon roman, c'est le récit du vaincu.

Si l'on s'en tenait là, L'Homme Surnuméraire ne serait qu'une variation romanesque sur un motif déjà illustré magnifiquement par Michel Houellebecq : satire irrésistible du contemporain, de ses "auteures" (incroyable pastiche de Léa Lili, mais aussi, au chapitre VII, un autre pastiche possible d'Etienne Weil, l'ennemi des auteures à moraline, des pondeurs rebelles de polars bien-pensants) ; on y rit de ces éditrices citoyennes de livres pour enfants ("Le petit renard qui voulait être imam"), de ces Bovary habiles à travestir leurs intérêts égoïstes en causes généreuses, sans parler des sociologues, des universitaires. Depuis Cervantès et Molière, les vrais écrivains ne se lassent pas de rire des Père-La-Vertu et des Tartuffe sous leurs masques divers (aujourd'hui, de la Diversité). Cette veine est classique dans le roman français, même contemporain. Patrice Jean va plus loin dans l'art et l'ironie.

D'abord, le destin singulier de ses personnages est un miroir de notre monde : loin des sociologues, ces astrologues du quotidien, le romancier nous montre la société (et nous-mêmes, lecteurs) et nous aide à la connaître. Ensuite, il sait jouer des miroirs infinis du roman pour faire rimer ses récits entre eux, pour inclure les lecteurs, les critiques, les éditeurs et nous-mêmes, dans la réception de l'histoire. La fiction se négocie entre un auteur (nommé ici M. Horlaville, surnom du romancier qui dit bien qu'on écrit toujours à distance), des lecteurs, des cuistres universitaires, des éditeurs, des étudiants, et la meute journalistique. Cette construction du roman rappelle fortement "Jacques le Fataliste" de Diderot, cauchemar des esprits simplistes qui le font figurer dans leurs "pires souvenirs scolaires". Ce jeu sauve le roman de l'engagement sartrien. C'est à première vue "un livre réac", comme disent ses lecteurs dans le livre même : significativement, ceux qui portent un tel jugement n'ont lu que le premier chapitre (ce sont des étudiants, et leur professeur). Or ce n'est pas un pamphlet anti-moderne, engagé dans une Cause généreuse contre les pouvoirs culturels établis. Avec sagesse, Patrice Jean nous fait bien voir que le combat frontal entre idées et intérêts opposés perpétue le règne de la bêtise au lieu d'y mettre fin.

Il faudrait encore parler d'un dernier débat dans le livre, évoqué en peu de pages par souci de légèreté : celui qui oppose les sciences, surtout "humaines", nouvelle figure de la bêtise et du mensonge, et la connaissance du monde par l'art. Patrice Jean le signale avec discrétion par une citation de Gombrowicz en exergue du roman, et par l'image du sein féminin tel que le voit un médecin qui pratique une mammographie, et comme le contemple un amant. Cette échappée théorique, la parabole de la mammographie, est laissée à la curiosité du lecteur et à son enquête ultérieure.

Enfin, on ne sort pas intact d'une telle lecture. Non, on ne "prend pas des claques", on n'a pas des "coups de coeur" devant pareille "pépite", comme on dit à France-Culture, et autres ressentis vertueux. On est un peu vexé, on rit beaucoup, mais jaune. Une belle page, déjà citée deux fois sur Babélio (la p. 166), ridiculise les critiques improvisés d'internet (avec deux réactions comiques de clients d'Amazon) : comment oser écrire sur Babelio une critique de plus ? Eh bien, on dira de moi que "ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît". Patrice Jean s'amuse à écrire un cours d'université imaginaire où le professeur débite de pompeux contresens sur ... L'Homme Surnuméraire. Alors ...
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Cher Patrice Jean,
je vous écris par l'intermédiaire de Babélio pour vous parler de votre livre, « L'homme surnuméraire ».
Ici, comme un peu partout de nos jours, le simple lecteur / utilisateur peut donner son avis, une note, distribuer bons et mauvais points, de manière relativement détendue et unilatérale, car possiblement anonyme... internet, quoi. Un système basé sur la popularité et l'assiduité hiérarchise avec plus ou moins de bonheur les interventions de chacun, créant une myriade de micro-sociétés plus ou moins spécialisées, s'égayant sur un site ayant érigé comme vertu totémique la Bienveillance. Elle a du bon, quand il s'agît de pacifier, voir de nettoyer les trolls en bandes organisées, protégeant les échanges des dérives obligatoires, omniprésentes sur toute plateforme proposant un espace d'expression… Et comme il faut bien faire tourner un bazar pareille, la politique éditoriale n'a d'autres opinions que celles financées et commandées par les éditeurs, cela va de soit… comment leur en vouloir…?
Tout ceci implique forcément un découpage par genres littéraires bien identifiés, sans aucune « hiérarchie », chacun ses goûts, et tout ira bien… Voyez-vous où je veux en venir…? Oui, ça glisse… et je risque d'écraser un ou deux chats mignons au passage (pas les miens, ils m'auront vidé de mon sang avant que je n'ai le temps de lever la main…), mais j'ai la faiblesse de penser que toute chose n'équivaut pas une autre, subissant le concert de problèmes « moraux » engendrés par cette assertion…
Je vous parle d'abord de ce lieux, car il est aussi peuplé d'un grand nombre d'amoureux de la littérature ou de la bande-dessinée, celle qui marque, appelle ou fait débat. Avec un peu de patience et d'application, on peut en faire un outil merveilleux.
A l'heure où certains auteurs annoncent, spécialistes, n'écrire que des « cosy-mystery avec animaux », rappelant par là les chapelles bien délimitées de la pornographie « kink-specialized » (abyssal…) : il y en a pour tous les goûts, et c'est bien ça le problème… car on oublie que notre richesse, notre profusion, nos choix, ne sont que le produit d'une société qui vit bien au dessus de ses moyens, énergétique en premier… Il y en a juste beaucoup trop, on verra bien où cela nous mènera…
Votre livre de « lettré » nous parle de tout cela, avec un profond cynisme, qui vous place d'emblée dans la case-express, telle une laverie-automatique, d'héritier de Michel Houellebecq
Phénomène troublant du mauvais bord, celui de la presse brune ricanante, qui aime à citer ou placer, comme vous, le nom de De Montherlant, balançant des seaux d'eau bénite sur le progressiste effarouché, mais qui au final nous parle peut-être des livres dont on se souviendra… Preuve en est avec l'oeuvre de jeunesse de Nikolaï Leskov, « A couteaux tirés », dont seuls Valeurs Actuels et Causeur en ont salué la sortie tardive (sic)…
Car selon moi, et d'où ma lettre, le problème se situe bien là… ce cloisonnement idéologique car moral, entre deux mondes qui auraient tout à gagner à se regarder… Votre roman ne devrait faire changer d'avis, malgré sa richesse conceptuelle, à ceux qui vous identifient comme réactionnaire, hélas !
Il faudra peut-être attendre de la grande Lionel Shriver qu'elle arrête de courir plusieurs lièvres à la fois, et qu'elle nous sorte le grand roman contre-intersectionnel qu'elle a dans les tripes, pour ouvrir ces discussions qui restent chacune dans leur boite bien étiquetée, rangée bien séparée, chacun ses…
J'ai donc pas mal aimé votre roman, son habile construction, sa langue avec juste ce qu'il faut de manières et d'érudition, ses clichés fédérateurs, tout cela… Mais l'impression pénible d'un propos qui s'arrêtera sur les frontières du cynisme et de l'ironie.
C'est le premier livre que je lis de vous, pas le dernier sûrement… Petite suggestion : un livre sous pseudonyme (Jenny Patricia ?) édité dans la collection « Sorcières » de chez Cambourakis (on en reparlera à l'occasion : un cas d'école du capitalisme triomphant que cette maison d'édition…), s'emparant jusqu'à la nausée des codes en vigueur, tel le magnifique canular académique d'Helen Pluckrose et de James Lindsay envers les études de genre… Allez-voir, c'est vraiment très drôle et légèrement rassurant…
Inconvenablement vôtre.
Paul

P.S: Et parmi les autres critiques de ce livre, il y en a une que vous trouverez, sûrement, particulièrement savoureuse...
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Serge le Chenadec se fait progressivement évincer par sa famille, sa femme a rencontré des amis beaucoup plus intéressants « intellectuels souriants, préoccupés par les droits de l'homme, le sort du monde, » en un mot « de belles personnes »à côté de qui, lui, pauvre agent immobilier a l'air d'un plouc. Descente, prévue depuis le début par la meilleure amie « on n'embrasse pas une femme qui a bu ! C'est dégueulasse ! Bérénice avait même conseillé d'appeler les flics.
Son bureau, de débarras, devient un dépotoir. Lui aussi. Par rapport aux vraies questions sociétales et au réchauffement de la planète, ce gros beauf ne fait pas le poids, ni devant Claire, sa femme, une autre Emma Bovary, qui se met à étudier la linguistique et à se passionner pour les luttes sociales, ni devant ses enfants. Il a perdu pied, point.
Un deuxième anti-héros, Clément, dans ce monde pétri des idées morales indéboulonnables ( au contraire des statues)voit sa relation, elle aussi, contaminée par les intellectuels que fréquente sa femme : un philosophe traduit en vingt quatre langues, et qui attend éminemment la traduction « de son oeuvre en wolof, à laquelle il portait une tendresse particulière, ne voulant pas priver l'Afrique noire de sa pensée », un Grand professeur d'Université, un prix Goncourt. Clément perçoit, lui le chômeur, bien vite que derrière les discours Starobinsky-Genette- Foucault, se cache la tyrannie pas avouée du sexe.
Puis, renversement admirable ( tout le livre est admirable, par sa perspicacité sur les tartuferies de notre temps) le roman « L'homme surnuméraire » est un roman , justement, comme s'il sortait du livre lui même ; son auteur s'appelle Horlaville-(Hors la-ville)et le grand universitaire va le démonter avec son jargon « roman où la verticalité s'absente … Et pose la question : qu'a voulu dire l'auteur ?Le cercle carré répétitif , puis les dérives inadmissibles ( ???) le condamnent de toute façon, comme son héros est condamné et banni. Dehors, le livre que l'on a commencé à lire.
Enfin, récit dans le récit, les bonnes pages de Léa Lili, racontant la délivrance de Claire, avec des mots modernes, scandés, sa reprise en main, sa promesse de protéger ses enfants « contre les maris, contre la finance, contre les chiffres. Elle en fait le serment. A elle-même. Dans le silence du crépuscule. Dans le silence de son coeur : » !!!Bonnes pages à tomber par terre de rire !

Mais Patrice Jean ne s'arrête pas là. Clément est embauché dans une maison d'édition qui se propose d'expurger certaines oeuvres littéraires, à commencer par le Dom juan de Molière, dont le rapport abject à la paysannerie contrevient à la morale élémentaire.
J'ai beaucoup ri, j'ai beaucoup analysé nos travers, j'ai parfois eu peur de ce monde puritain qui interdit de plus en plus, au nom d'une tolérance qui accouche de l'intolérance. Plus personne, à la fin du livre ne peut se permettre de lire le Bloc Notes de Mauriac( en tant que croyant, n'est-il pas partie prenante de l'Inquisition ?) et le lire dans le métro, c'est plus que manquer de respect à la neutralité de l'espace public, c'est provoquer.
Bien sûr, le vitriol porté sur des expressions, des tics de pensée, sur « le vertige de l'indignation hypocrite » dont parle Philip Roth dans la Tache, m'a paru congruent.
Le vrai sujet, cependant, à mes yeux, du livre de Patrice Jean, est la place donnée aux idées, pouvant aller jusqu'à détruire les couples. Idées qui sont souvent pétries d'idéologie, idées ne permettant plus la remise en cause, idées toutes faites, et pourtant toutes puissantes. Idées qui, elles et leur contraire, parlent la plupart du temps d'autre chose et véhiculent Dame bêtise.
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critiques presse (2)
LeFigaro
11 juin 2018
L'auteur de L'Homme surnuméraire s'interroge sur la vague du politiquement correct qui caractérise «notre période ultramoralisatrice» et qui gagne le monde de l'édition.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeFigaro
11 décembre 2017
Dans L'Homme surnuméraire, Patrice Jean brosse un tableau de la misère masculine contemporaine. Il y mêle une satire des milieux universitaires et plus largement conduit une critique déterminée de la modernité.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (88) Voir plus Ajouter une citation
Le grand secret de l’existence est que l’être humain ne pense pas : c’est une marionnette bredouillant avec orgueil un texte collectif, banal et sans surprise.
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Le chiffre d'affaires explosa, d’autant que « Littérature humaniste » battait son plein. D'autres maisons d'édition s'engouffraient dans le même secteur de vente, et l'on vit des collections expurgées fleurir à l'étal des libraires : « Belles-lettres égalitaires », « Romances sans racisme », < La Gauche littéraire » et la plus célèbre, conçue pour les enfants, « Bébé, Sade, Maman ».

Dans le métro, on n'osait plus lire un roman qui ne fût justifié par l’une de ces collections, de peur d'affronter le regard réprobateur des passagers. Les journaux se plurent à rapporter les brimades qu'un lecteur de Mauriac en version originale, non expurgée, dut subir de la part de femmes outragées par cette scène qu'elles qualifièrent, par la suite, d'obscène : un homme lisant le Bloc-notes ! Devant des enfants ! Que le romancier de Thérèse Desqueyroux ne fût pas le plus scandaleux des écrivains, et même un catholique scrupuleux et moral, n*y changeait rien : ces mères en colère n'en voulaient rien savoir. Pour quelles raisons, expliquèrent-elles, si les livres de Mauriac ne sont pas des immondices, les publie-t-on dans des collections qui en suppriment les passages orduriers ?
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Tous les corps de métier inventent un lexique singulier. Nous n’échappâmes pas à cette règle universelle. Ainsi naquit le verbe « céliner ». Lorsque Beaussant m'informait qu'il avait céliné une œuvre, c'est qu'il n'en restait, dans le volume et dans l'esprit, presque rien. Le verbe, on l'aura compris, se référait à Céline : Voyage au bout de la nuit, gros roman de plus de six cents pages, avait subi une cure d'amaigrissement, de sorte qu'il se présentait, dans notre collection, sous la forme d'une petite plaquette d'à peine vingt pages, dont le contenu guilleret, printanier et fleuri, n'aurait pas choqué les séides les plus soumis au politiquement correct. C'était devenu une bluette pour jeunes filles naïves (s'il en restait), qu'elles auraient pu déposer dans un panier d'osier, à l'arrière d'une bicyclette, parmi les framboises et les bouquets de marguerites, lorsqu'elles pédalent à travers les chemins de campagne, les beaux soirs de juin.
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Mais où trouver de nos jours une prostituée qui lût les Évangiles ? Et si ni son épouse, ni ses enfants, ni personne ne l'aimaient, pourquoi Dieu lui accorderait-il cette faveur ? Cependant, il comprit que son désarroi l'obligeait à s’interroger sur la foi : pour Dieu, il n'y avait pas d'hommes en trop ; chacun, du plus miserable au plus glorieux, relevait de son administration miséricordieuse. Certes, si tous étaient élus, aucun ne l'était plus qu'un autre ; c'était un peu embêtant, mais au point où il en était, il n’allait pas faire la fine bouche.

Il devait bien reconnaître qu’il n'avait jamais pensé sérieusement à Dieu. La vie était déjà assez compliquée comme ça, avec l'école, le lycée, l'université, puis les traças professionnels à l'âge adulte ; sans compter la quête d'une femme, l'entretien d'une famille, plus tard, et les courses chez Leclerc. Si, en plus, il fallait jeter Dieu dans la bataille, on ne s’en sortait plus !
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Au fond, le Serge ressemblait à un oignon, on pouvait en dénombrer plusieurs couches, sans qu'aucune fût plus essentielle que l’autre : une couche du Serge souffrait de l'insignifiance universelle, une couche plus ancienne continuait de peinarder dans la vie conjugale, une autre couche (très récente) souffrait de jalousie, une couche ombreuse songeait au suicide, etc.

Si un philosophe avait tenté de réduire Serge à une essence, une idée, il aurait été bien embêté, c'était le bazar là-dedans, la confusion, le chaos. Il fallait bien s'y résoudre : l’unité du Serge était une vue de l'esprit. Et de ce millefeuille, de ces mille Serge, l'intéressé n'avait pas une conscience très précise : aucune contradiction, à ses yeux, entre le sentiment d'inutilité de tout et la tristesse d'être largué. Or, si tout est insignifiant, pourquoi souffrir d'un fait aussi banal qu'une séparation (fût-elle la vôtre)? Une seule réponse : l’oignon et ses mille feuilles !
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Videos de Patrice Jean (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Patrice Jean
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