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Critique de Christophe_bj


Romain est un membre convaincu du Parti Révolutionnaire (PR) qui associe le marxisme le plus sourcilleux aux tendances woke les plus avant-gardistes. du parti, il a reçu la mission d'aller à la rencontre d'Edgar Winger, le théoricien génial qui a inspiré ses thèses puis a disparu. Comme Edgar Winger a semble-t-il été aperçu dans un café à Nice, Romain est envoyé dans cette ville et passe ses journées au Café de Lecce pour espérer avoir la chance de le croiser et ainsi l'inciter à reprendre ses réflexions théoriques pour de nouveau nourrir le corpus idéologique du PR. ● Patrice Jean poursuit son chemin que d'aucuns appelleraient «réac » après La France / La Philosophie selon Bernard, Revenir à Lisbonne, L'Homme surnuméraire, Tour d'ivoire et La Poursuite de l'idéal, toujours pourfendant les ridicules du progressisme woke. ● Cette fois, son roman prend des allures plus théoriques, en raison même du sujet traité, puisqu'on suit un personnage membre d'un parti, révolutionnaire woke convaincu, qui nous fait part de ses thèses, que ce soit dans ses propres réflexions ou dans ses échanges avec d'autres personnages. ● Par conséquent, l'intrigue est malheureusement des plus minces, comme le montre l'absence de fin, ou plutôt la fin en queue de poisson, en tout cas bien décevante. ● Bien sûr, l'auteur ne perd pas une occasion de nous montrer les ridicules du personnage, tout en lui accordant des moments de doute pour éviter un manichéisme trop évident. On voit cependant clairement le parti de Patrice Jean, comme dans ses autres romans du reste : « Malgré les stages et les universités de formation du PR, tu n'as pas compris qu'en t'invitant chez un dominé tu imposais à celui-ci ton corps blanc, ta prose de Blanc, ta posture de dominant. Si on accepte, dans le parti, des bourgeois, c'est parce que personne ne doit être stigmatisé à cause de sa peau, pas même les Blancs. Mais en contrepartie, ils ne doivent jamais oublier la violence symbolique que leur existence impose aux racisés. » ● « Convoquez les membres du prolétariat que vous connaissez, imaginez-les au pouvoir, débilités par la richesse, enivrés de puissance, et, sans faiblir, osez dire qu'une autre classe aurait amélioré, plus que ne l'a fait la bourgeoisie, la condition misérable de l'homme sur terre. » ● « J'ai assez d'ennuis avec ma propre vie, alors changer la face du monde, ce n'est pas mon problème… Et je les ai connus, les révolutionnaires… Quand on les a fréquentés de près, on doute que ces songe-creux puissent instaurer un jour une société plus juste… Ils passent leur temps à se tirer dans les pattes… Comment voulez-vous que des gens qui ne sont pas meilleurs que les autres construisent un monde meilleur ? » ● Mais il me semble que ce roman-ci n'est pas au niveau de ses trois précédents dans lesquels l'intrigue était plus développée. Ici, on a un peu l'impression d'un essai plus ou moins adroitement déguisé en roman où l'intrigue sert seulement de prétexte : « Celui qui se veut progressiste, n'est pas plus honnête ni moins vicieux. du reste, de nos jours, le capitalisme prétend appartenir – et à juste titre – au camp du progrès : il lutte pour la planète, pour l'égalité entre les hommes et les femmes, contre le racisme. En se confondant avec ces combats politiques et sociaux, il détourne l'attention sur la bassesse de ses objectifs : faire du fric. Comment pourrait-on l'accuser d'être vil quand il ne pense qu'à dénoncer le racisme, l'islamophobie, le sexisme ? Les bourgeois qui sans ces combats d'arrière-garde (présentés comme d'avant-garde) auraient honte d'être des bourgeois peuvent, en toute bonne conscience, poser sur leur chef la couronne de l'anarchiste et le béret du progressiste. Ils cracheront sur les pauvres, les exploités, les sans-grade, en les accusant de sexisme ou de racisme : avant la Révolution française, la noblesse méprisait le paysan comme on rabroue un animal (lisez La Bruyère) ; aujourd'hui, la noblesse de gauche méprise le petit Blanc comme on se moque des attardés et des ploucs. » ● « En s'imaginant être du bon côté de la morale, on devient immoral, c'est dans ce paradoxe qu'il faut chercher l'origine du Mal. » « J'ai fini par me dire que nos sociétés sont miraculeuses. Les hommes sont si fragiles, leur vie si brève, leurs intérêts si opposés, parfois ennemis, tout est si troué de mort et de maladie que l'établissement d'une société où règnent (bon gré mal gré) la paix, le confort, l'entraide, la civilité et la sécurité relève de la grâce. Alors, tout casser pour établir des cités plus justes que celles qui se sont lentement érigées avec les siècles, c'est une folie, et, pourquoi ne pas l'écrire, une manifestation du Mal. Il ne faut vraiment avoir aucune intelligence du tragique de l'existence pour croire qu'un autre monde est possible. » ● Pourtant Patrice Jean chante la supériorité du roman : « J'ai toujours cherché à saisir la vie comme on attrape une anguille dans un ruisseau, d'un geste guerrier, qui ne rate pas sa cible. Les concepts de la philosophie sont trop larges, trop épais, la vie est fluide et fragile… le roman révèle la conscience des individus, il est amarré au réel, quand la théorie s'envole dans les généralités. » ● Ainsi, j'ai été plutôt déçu par ce roman (qui cependant est quand même très bon), par rapport aux autres du même auteur, et je conseillerais au lecteur qui ne connaît pas cet auteur de commencer par La France de Bernard, L'Homme surnuméraire ou bien La Poursuite de l'idéal. ● Deux détails pour finir : il m'a paru curieux que l'auteur parle de l'océan en voulant dire la mer Méditerranée : « des filles en maillot de bain offraient leur épiderme aux rayons du soleil, d'autres, debout, regardaient l'océan ou marchaient vers la mer. » (P. 61, on est à Nice). ● Patrice Jean n'a toujours pas compris que le terme « ci-devant » signifie non pas « de façon flagrante » mais « antérieurement » ; ainsi parle-t-il d'un « ci-devant progressiste » (p. 65) en voulant dire que le personnage est « excessivement progressiste ».
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