De prime abord, on pourrait croire qu'il s'agit d'un simple récit d'un homme qui navigue dans le monde de l'élitisme littéraire et du monde édifiant des beaux-arts. Mais sous cette surface tranquille se cache une éruption de vérités inconfortables et d'idées réactionnaires qui ébranlent nos convictions.
Ici,
Patrice Jean nous sert un personnage, Antoine Jourdan, un homme qui semble avoir été jeté dans une fosse aux lions, sans armes ni armure. Il y a quelque chose de profondément ironique à voir un homme qui porte si haut l'étendard de l'élitisme se retrouver écrasé par le poids de son propre isolement et de ses frustrations. C'est le tarif à payer quand on se tient debout face à l'époque qui danse sauvagement autour de soi, en ignorant délibérément la chorégraphie collective.
Et pourtant, malgré toutes ses défaillances, "La
Tour d'Ivoire" reste un récit saisissant. Pas parce qu'il est particulièrement novateur ou même agréable, mais parce qu'il n'a pas peur de se démarquer. Il y a quelque chose de presque admirable dans la façon dont
Patrice Jean s'efforce de creuser sous la peau de la société contemporaine, d'exposer ses nerfs à vif et de les disséquer sans ménagement. Il est rare de trouver un auteur capable de s'éloigner autant des sentiers battus sans tomber dans la facilité.
Mais on ne peut ignorer que le style de Jean, qui flirte parfois avec le kitsch, nuit parfois à l'impact du récit. Les idées réactionnaires du personnage principal sont, à mon sens, bien trop lourdes pour être véritablement subversives, et l'intrigue du roman semble être réduite à un simple prétexte pour faire avancer le discours de l'auteur. Voici ici une oeuvre qui, bien que parfois maladroite, dépeint une image sincère et désabusée de notre époque.