L’aéroport est comme une fourmilière, les gens courent d’un côté à l’autre, se croisent, s’ignorent, tiennent leurs enfants par la main, changent brusquement de direction… Tant d’effervescence m’étourdit, je n’y suis pas habituée. Le cœur battant, je me laisse aspirer par les portes coulissantes, et quand je les franchis, la chaleur me frappe de plein fouet, me coupant le souffle. Cuba est un pays chaud, le pays de l’été éternel, alors ce ne sont pas réellement les températures qui me perturbent.
Je parle bien anglais, mais cela m’est inutile, tout est inscrit en espagnol. L’aéroport de Miami est un lieu de passage vers l’Amérique latine, ce qui explique l’omniprésence de cette langue partout autour de moi.
J’aurai au moins le voyage de retour, dans deux ans, la durée de mon autorisation gouvernementale pour rester hors du territoire cubain afin de parfaire ma formation académique. Je vais suivre un premier master en génie civil pour compléter mes connaissances avec les techniques américaines, puis un master en architecture. Cuba va entrer dans l’ère moderne, c’est inévitable. Les changements sont au coin de la rue, et je veux participer à son développement. Nous avons un patrimoine architectural riche, autant le préserver.
Ses mots sont porteurs d’une vérité contre laquelle je ne peux pas lutter. Les dollars nous aideront à rembourser sa dette plus vite. Sa dette qui est devenue la nôtre quand il a fallu régler la facture de la clinique pour une cure de désintoxication afin de le libérer de son addiction aux drogues en tout genre, cette même addiction qui aurait pu me conduire à commettre l’irréparable, vendre mon corps pour payer le prix de sa liberté auprès du plus gros dealer de l’île.