Un jour d’été qui vous remplit de joie doit être savouré – pas expliqué. L’amour ne doit pas être analysé, il faut s’y abandonner.
Leurs mondes étaient différents, beaucoup de leurs opinions aussi, mais il est curieux de voir à quel point le rayonnement individuel des gens fait que leurs différences se développent en points de vue irréconciliables-voire en conflit- ou bien se résorbent dans l'acceptation généreuse qu'il faut de tout pour faire un monde.
Martin avait un jour montré le calendrier de l'école au grand chasseur, le vieux Juanse. Il lui avait expliqué comment un calendrier comme celui-là permettrait d'évaluer d'un seul coup d'œil le temps dont on disposait. Juanse avait trouvé que le calendrier était très beau - celui-ci était illustré d'un ennuyeux monument de Copenhague - mais personnellement il se refusait à en posséder un . Pour lui, pareil objet mettait justement l'accent sur le temps qu'il manquait. Et ça, il n'en avait pas besoin. C'était même une drôle d'idée de tenir la comptabilité de ce genre de choses
Si un être humain vous paraît ne pas avoir de cœur, c'est peut-être votre propre position qui ne va pas. Et c'est peut être celle ci qu'il faut changer afin de découvrir cette personne sous un angle nouveau.
Il se mit à fouiller dans le congélateur. Le contenu des congélateurs est toujours rangé selon un principe très particulier : ce dont on a besoin se trouve forcément au fond.
Les difficultés ne sont pas un obstacle - au contraire : elles sont le chemin. Si l'on évite les difficultés, on n'arrive pas au but.
Puis il fut jeté dehors par Naja, qui déshabilla Martin, le frotta avec des serviettes et le mit au lit avec tout ce qu'ils possédaient de couvertures. Elle se hâta d'ôter ses propres vêtements et se coucha auprès de lui pour le réchauffer comme les femmes groenlandaises ont de tout temps réchauffé leurs hommes transis.
Demain, toute la ville le saurait. Oui, toute la ville devait le savoir!
Que Naja habitait là.
Que lui aussi habitait là.
Qu'ils habitaient là.
Mais, jusqu'à demain, ils étaient les seuls êtres au monde à le savoir.
Sur la plupart des traineaux on était deux, mais c'est rarement sa propre fiancée qu'on emmenait avec soi - plutôt une soeur. Et ce en vue du dansemik qui ferait suite au match. En réalité, c'était cette fête, et ce qui en découlait, le véritable but du voyage. Sans que cela fût dit, tout ce remue-ménage avait pour fin première - outre une nouvelle démonstration esquimaude des mille formes possible de la fête - d'éviter les unions consanguines. Et des privilégier leur contraire.
On appréciait donc fort que toutes les soeurs ne fissent pas partie du voyage de retour - mais que le nombre de personnes sur les traineaux fût le même.
Une idée très romantique - et, comme on l'a dit, extrêmement festive!
- Des machines à laver? demanda Martin. Mais est-ce qu'il y a assez d'eau pour des machines à laver?
- C'est justement le problème! répondit le médecin avec un geste désespéré. Il est dingue! Il a fait calculer par un de ces crétins de l'Organisation des Techniciens groenlandais que si tout le monde se procurait une machine à laver et une douche à Umànaq, il n'y aurait plus une goutte d'eau dans le lac au bout de dix ans!
- Et après ces dix ans? ou même quinze? voulut savoir Martin.
- C'est exactement ce que j'ai demandé! Mais alors ce crétin m'a répondu que dix ou quinze ans, c'était long, et que d'ici là quelqu'un aurait sûrement inventé quelque chose!
Jorgen Andersen se frappa le front.
- C'est quand même un endroit spécial, ici !
- Mais c'est la même chose, pensa Martin. La même chose que partout dans notre monde. Ici, c'est seulement condensé, ce qui rend plus criantes la bêtise et les vues à court terme.