La Caste des Méta-Barons, Hors-série : La Maison des Ancêtres

Juan Gimenez : "ma collaboration avec Alexandro Jodorowsky sur "La Caste des Méta-Barons" a changé pas mal de choses dans ma façon de dessiner paysages, personnages et décors, par rapport à mes albums précédents.

Ce qui m'a frappé à la lecture du scénario d'Alexandro, c'est le mélange parfaitement réussi de technologies futuristes et d'archaïsmes médiévaux. En outre, c'était une histoire de science-fiction, certes mais qui racontait le passé d'un héros.

J'ai cherché à donner une représentation graphique maximale de ces éléments contrastés, hybrides, et porteurs en cela d'une nouvelle forme de réalité.

J'ai donc mis en scène à la fois des machines très sophistiquées, de haute technologie, et des costumes inspirés, par exemple, du Moyen Age ou de la Renaissance, en tentant de faire en sorte que ces ingrédients à priori anachroniques ou hétérogènes aient bien l'air pourtant d'appartenir au même monde.

Le recours à un certain exotisme m'y a aidé, notamment la culture et l'art japonais, le Méta-Baron n'étant pas sans filiation avec les samouraïs et les arts martiaux.

L'esthétique des derniers films de Kurosawa m'a fourni une extraordinaire source d'inspiration.

Nous prions les dieux, père, pour qu'un jour prochain ils nous envoient deux hommes aussi vaillant et nobles que tu l'es...

Le guerrier ne doit pas cheminer si lentement que la mort le rattrape, il ne doit pas cheminer si vite qu'il rattrape la mort.

Juan Gimenez : "Je visite souvent les musées pour y trouver des idées. Ainsi les couvertures de La Caste des Méta-Barons sont des "à la manière de..." Rembrandt. J'ai voulu faire chaque fois un portrait. J'aimerais en faire d'autres, dans cette famille des Méta-Barons. Des groupes, un personnage assis avec d'autres debout à ses côtés, un animal au premier plan - un animal extraterrestre, bien sûr."

L'atmosphère de la Renaissance m'attire. Ainsi que celle qu'on trouve dans les tableaux de l'époque napoléonienne, les grandes toiles de David. Ces compositions riches m'influencent.

Mais je m'intéresse aussi au travail d'illustrateurs plus modernes, tels Norman Rockwell. Moins connus sont les obscurs illustrateurs italiens du début du siècle qui réalisaient les couvertures de la "Domenica del Corriere", mettant pour cela en scène des évènements, des actions, des batailles, des faits divers, remplis de personnages et de détails réalistes.

Je cois que profondément que l'évolution actuelle des techniques de manipulations génétiques va conduire quelques soient les résistances du moment, à une modification profonde du règne naturel. Par le clonage et la manipulation , on mélange allègrement végétal, animal, humain...

Ce que l'on regarde aujourd'hui comme des monstruosités ou des curiosités science-fictionnelles deviendront des normes demain. Petit à petit, les frontières entre ce qui est permis et/ou concevable reculent. Peut-on vraiment croire que lorsqu'on saura fabriquer, modeler, sculpter à volonté la matière vivante on se l'interdira ?

Alexandro Jodorowsky : "Je l'avoue : à l'origine de la création du personnage de Tête-d'Acier, il y a un défi que m'a lancé Juan Gimenez. Je dois l'expliquer. Lors de chaque étape de l'initiation d'un nouveau Méta-Baron, je mets en scène une mutilation, chaque fois différente.

Le père mutile le fils, systématiquement.

Il y a l'oreille du Méta-Baron actuel, arrachée par un père qui avait eu lui-même la main coupée. Othon broie les pieds d'Aghnar. C'est le rituel. Juan en dressait un jour l'inventaire et, goguenard, me demanda : "Le prochain, que vas-tu pouvoir lui couper ? Que reste-t-il que tu n'as pas encore fait ? La tête ? "

C'était une boutade, évidemment. Comment concevoir un personnage sans tête ?!? Sans me démonter, comme si cela était déjà parfaitement prévu, je dis oui, bien sûr la tête, c'est cela...Juan parut vaguement inquiet, mais je le quittai en lui assurant que c'était possible, pas de problème, j'avais l'idée.

Finalement, Tête d'acier est devenu l'un des personnage les plus complexes du cycle, et l'un de ceux auxquels, tant Juan qui moi-même, nous sommes le plus attachés."

Au débuts de La Caste des Méta-Barons, l'alliance du pirate et de la fille des Castaka nous annonce que nous pouvons tous devenir noble - si l'on devait isoler un message positif dans La Caste des Métas-Barons, ce serait celui-là. Ensuite Aghnar, le deuxième fils d'Othon, tombe amoureux de la fille d'un roi. De même Tète d'Acier veut-il à tout prix obtenir l'amour de la fille du souverain Don Nacanor.