Aujourd'hui, ça m'étonne toujours les "réalisations pour enfants" dont parlent les architectes, il y a dans les nouveaux squares des nouveaux immeubles des bacs à sable, des toboggans, des balançoires, des tas de trucs. Conçus exprès, pour eux, par des experts possédant trois cent mille licences de psychologie enfantine. Et ça ne marche pas. Les enfants s'ennuient, le dimanche et les autres jours. Alors je me demande si tous ces spécialistes n'auraient pas intérêt à se demander pourquoi, nous, nous étions heureux dans ce quartier de Paris. Un Paris gris, avec les lumières des boutiques, les toits hauts et les bandes du ciel par-dessus, les rubans des trottoirs encombrés de poubelles à escalader, de porches pour s'y cacher et de sonnettes,il y avait de tout, des concierges jaillissantes, des voitures à chevaux, la fleuriste et les terrasses des cafés en été. Et tout cela à perte de vue, un dédale, une immensité de rues entrecroisées... On allait à la découverte.
Je n'ai jamais menti , murmure-t-il, vous étiez avec moi comme tous les enfants du monde le sont également. C'est même l'une des raisons pour lesquelles je suis prêtre, pour être avec eux.
Il est un vieux monsieur que j'admire beaucoup : Einstein.
Il a écrit de très savantes choses, il a dit qu'entre cinq minutes passées sur la plaque rouge d'une cuisinière et cinq minutes dans les bras d'une belle fille, il y avait, malgré l'égalité de temps, l'intervalle qui sépare la seconde de l'éternité.
- Jo !
On court après moi. C'est Zérati.
Il est un peu essoufflé. Dans sa main, il a un sac de toile qui ferme avec un lacet. Il me le tend.
- Je te fais l'échange.
Je n'ai pas compris tout de suite.
La phrase bien connue:
"Cours un peu, cela te réchauffera" est sans doute la plus grosse de ces innombrables bêtises que prononcent les adultes à l'intention des enfants. Je peux affirmer, pour avoir vécu l' expérience ce jour-là, que lorsqu'on a bien froid, courir ne sert à rien. cela essoufle, fatigue, mais ne réchauffe absolument pas.
Peut-être ai-je cru jusqu'à présent me sortir indemne de cette guerre, mais c'est peut-être cela l'erreur. Ils ne m'ont pas pris ma vie, ils ont peut-être fait pire, ils me volent mon enfance, ils ont tué en moi l'enfant que je pouvais être...
Dans le salon, dans le silence le plus intense que jamais sans doute salon de coiffure ait pu connaître, deux S.S. têtes de mort attendaient genoux joints au milieu des clients juifs de confier leurs nuques à mon père juif ou à mes frères juifs.
Dehors se gondolent deux petits Juifs.
C'est une bille de terre et le vernis est parti par morceaux, cela fait des aspérités sur la surface, des dessins, on dirait le planisphère de la classe en rédaction.
Je l'aime bien, il est bon d'avoir la Terre dans sa poche, les montagnes, les mers, tout ça bien enfoui.
Je suis un géant et j'ai sur moi toutes les planètes.
Il faut toujours se méfier : le moment où l'on croit être victorieux est toujours l'instant le plus dangereux.
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Maurice me regarde.
-Pleure pas tu vas l'avoir aussi ta médaille.
Bien sûr que je vais l'avoir, tout le quartier va l'avoir. Ce matin, lorsque les gens vont sortir ce sera le printemps en plein hiver, une floraison spontanée, chacun son gros coucou étalé à la boutonnière.