Day of Judgment

Ce tome regroupe les 5 épisodes d'un crossover de 1999, ainsi que l'épilogue intitulé "Day of judgement secret files and origins". La minisérie est réalisée par Geoff Johns (scénario), Christopher Jones (mise en page des épisodes 4 & 5), Matt Smith (dessins) et Steve Mitchell (encrage). L'histoire principale du numéro spécial est écrite par Scott Beatty, dessinée par John McCrea, et encrée par Andrew Chiu. Ce numéro comprend également 2 pages de présentation des personnages écrites par Mark Millar et dessinées par Yannick Paquette, et 1 page écrite par Geoff Johns et dessinée par Jason Orfala.

Dans une région des Enfers, Neron (un criminel surnaturel, à l'origine d'un précédent crossover Underworld unleashed de Mark Waid et Howard Porter, en 1995) tourmente le démon Asmodel. Pour une raison qui ne sera révélée qu'à la fin, le démon Etrigan décide de libérer Asmodel et de l'aider à se venger en le liant au Spectre (une entité toute puissante de l'univers partagé DC, incarnant l'esprit de la vengeance divine). Cette nouvelle entité se manifeste sur terre et génère la création d'une porte ouverte entre les enfers et New York qui devient le terrain de jeu des démons. Les superhéros conventionnels n'étant pas très efficaces face à ces hordes démoniaques, le salut de la Terre dépend d'un groupe de superhéros aux pouvoirs magiques composé de Doctor Occult, Zatanna, Phantom Stranger, Madame Xanadu, Deadman (Boston Brand), Raven, Ragman, Sentinel (Alan Scott, le Green Lantern du Silver Age) et Sebastian Faust. Ce groupe se baptise Sentinels of Magic, et se divise en 3 factions : l'une restant sur Terre pour contenir les démons, un autre chargé d'une mission aux enfers, et le troisième d'une mission au Paradis.

Comme tout éditeur qui se respecte, DC Comics fait fructifier son catalogue d'histoires en rééditant ce qui semble digne d'intérêt ou vendeur. En 2013 (année de la présente réédition), Geoff Johns est un scénariste dont toutes les séries s'arrachent comme des petits pains, et "Day of Judgement" est un crossover d'envergure restreinte, donc a priori un produit facile à placer. Johns a depuis fait ses preuves sur plusieurs crossovers de grande envergure : Infinite Crisis (2005), Blackest Night (2009), Flashpoint (2011). Parallèlement à "Day of Judgement", Geoff Johns fait également ses classes avec une série où il introduit ses propres personnages : Stars and S.T.R.I.P.E..

C'est donc avec une certaine confiance que le lecteur aborde ce comics. Première déconvenue : Geoff Johns utilise une narration à destination d'un public d'enfants, digne de comics des années 1960. Les personnages n'ont aucune personnalité, ils ne se distinguent les uns des autres que la leur costume et leur pouvoir. L'intégration des Enfer et du Paradis s'effectue sous la forme la plus basique qui soit. Les enfers sont peuplés de démons qui torturent des âmes sans identité. Dès que le portail s'ouvre à New York, ils n'ont qu'une seule idée : détruire les humains. La séquence au Paradis (il faut reconnaître que Johns a le courage de développer cette séquence jusqu'au bout) débouche sur l'apparition De Saint Pierre (un bel ange blond avec un pagne et une paire d'ailes), une image insipide d'Épinal devant les Portes Nacrées (Pearly Gates) tout aussi cliché. Pour ne pas effaroucher le lectorat, il n'est même jamais question de Dieu ; il est désigné sous le nom de la Présence. Les Enfers sont tout aussi édulcorés, inoffensifs et dépourvus d'intérêt. Au final, le lecteur peut constater que Geoff Johns maîtrise bien l'univers partagé DC, et ses différentes familles de superhéros, avec une apparition d'Hal Jordan et du Green Lantern Corps (Johns leur apportera une crédibilité jamais vue à partir de Green Lantern rebirth, en 2004/2005). Mais pour le reste, cette histoire est désespérément creuse et vide, sans substance. Même les échanges entre superhéros sont uniquement explicatifs, au ras des pâquerettes.

Malheureusement les dessins sont en totale adéquation avec l'approche bébête du scénario. Il est visible que Matt Smith s'inspire du style de Mike Mignola pour essayer de tirer les visuels vers une forme d'abstraction mettant en évidence l'essence des individus et de la matière. Il est tout aussi visible que Smith réussit à copier l'apparence des compositions de Mignola au travers de l'usage des aplats de noirs, mais pas la substance. du coup le lecteur contemple des silhouettes rapidement esquissées pour des cases basiques avec des postures peu naturelles, des décharges d'énergie se limitant à des tâches de couleur, un travail qui semble avoir été réalisé par un très jeune dessinateur à destination de très jeunes lecteurs.

Le dénouement apporte un nouvel hôte pour le Spectre, ce qui débouchera à la fois sur "Green Lantern rebirth", mais aussi sur une forme de suite Day of Vengeance (2005) écrite par Bill Willingham.

L'épisode final "secret files and origins" est écrit et illustré dans le même ton avec encore plus de blabla pour aboutir au concept d'un groupe appelé "Sentinels of magic" qui apparaissait déjà sur la dernière page du premier épisode (c'est dire le chemin parcouru) et qui se compose des mêmes ou presque : Doctor Occult, Zatanna, Madame Xanadu, Ragman, Sentinel (Alan Scott, le Green Lantern du Silver Age), Blue Devil (Daniel Cassidy), et Sebastian Faust. Les 2 pages écrites par Mark Millar servent uniquement à présenter chacun des personnages, et la personnalité du scénariste ne transparaît aucunement.

À la lecture de cette histoire, il est impossible de deviner que Geoff Johns deviendrait le grand architecte de la mythologie des Green Lantern, ou l'une des forces créatives les plus importantes de l'éditeur DC à la fin des années 2000. Même en ayant un goût prononcé pour l'univers partagé DC avant l'opération New 52 et pour ses personnages les plus obscurs, il n'est pas possible de trouver de quoi se divertir dans ce tome, même au troisième degré.