Ce que l'on peut déjà dire, c'est combien le titre de ce recueil souligne le sentiment de désenchantement qui traverse ces six nouvelles et place l'ensemble de l'oeuvre sous le signe de l'ironie. En effet, si quelque chose caractérise bien les différents personnages rencontrés au fil des pages, c'est leur manque de chance, malgré les efforts qu'il développent afin de se sortir des situations dans lesquelles il se sont retrouvés, volontairement ou non. Impossibilité d'empêcher la mort d'un proche, un bébé qu'on abandonne dans votre voiture, une femme qui, condamnée par un cancer, fait un triste bilan de son existence, des fabricants nord-coréens de billets de loterie condamnés à fuir en Corée du Sud… Voilà un petit aperçu de ces destins « souriants » !
Tous les personnages sont à un carrefour de leur vie. Vous savez le moment où vous vous arrêtez et vous vous demandez comment continuer à vivre ou si revenir en arrière ne serait pas la solution au mal-être qui s'empare de vous quand tout vous semble vous échapper. On tente alors tout avec plus ou moins de réussite (et ici, c'est plutôt moins que plus). On s'émeut devant certains d'entre eux, on tombe en empathie ou on se montre moins compréhensifs avec d'autres. Pour ma part, le personnage de Nonc (« Ouragans anonymes ») est sans doute celui qui m'a le plus touché avec ses interrogations : comment s'occuper d'un enfant tombé du ciel, dont il n'est même pas certain d'être le père ? Comment être un bon père quand on n'a pas eu la chance d'avoir eu soi-même un modèle dans le domaine à admirer enfant ? Sa détermination à trouver des « solutions » m'a bouleversé car après tout, en plein climat de catastrophe naturelle, rien ne l'empêchait de se débarrasser du mioche, ni vu ni connu. A l'opposé, le personnage du directeur de prison de la STASI («
Georges Orwell était un de mes amis ») m'a profondément horripilé avec son incapacité à se remettre en question et son obstination à défendre un système politique auquel il a contribué activement malgré les exactions commises.
Chose également surprenante : les nouvelles semblent fonctionner en binômes. Par exemple, « Nirvana » et « le saviez-vous ? » mettent respectivement en scène un homme se préparant à la mort de son épouse, mort qu'il sait inévitable et qu'il refuse désespérément, et une femme atteinte d'une cancer qui, décrivant les effets de la maladie sur son corps mais également le regard qu'elle porte sur ses proches, finit par réaliser que l'on n'est finalement que de passage. de la même manière, «
George Orwell était un de mes amis » et «
La chance vous sourit » mettent en scène des personnages en proie avec un passé historique dont ils se révèlent prisonniers avec cette incapacité à se remettre en question et à vivre dans le présent. Quant aux deux dernières nouvelles, « Ouragans anonymes » et « Prairie obscure », c'est une thématique qui les lie : l'enfant, mais avec des intentions totalement différentes. Dans la première, un père « un peu malgré lui » se prend finalement d'affectation pour ce fils « abandonné » par sa mère dans une voiture et se lance dans une quête d'une légitimité paternelle et d'une vie meilleure pour lui et le petit Geronimo dans une Amérique ravagée suite à des ouragans dévastateurs. Ou comment faire pour repartir sur des bases solides quand tout est détruit autour de vous. Concernant la deuxième nouvelle, c'est sans doute la plus dérangeante dans la mesure où elle met en scène un pro de l'informatique pédophile qui lutte avec ses démons intérieurs alors tout ce qui l'entoure semble constituer à ses yeux des sources de tentations.
Au final, un recueil de nouvelles très différentes les unes des autres mais là encore, qui met en avant des questions sociétales qui parlent à tous : le couple, la maladie, la sexualité, la patriotisme… Une très belle découverte.
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