La réflexion sur la normalité me hante jusqu'à la passion.
Elle m'assure bien des tourments, bien des blessures.
Au début, je brûlais d'être comme tous les autres.
J'aurais tout donné pour devenir enfin normal.
Celui qui dès sa naissance cotoie la souffrance ou la douleur entame l'existence pourvu d'un réalisme bienfaiteur. En définitive, trop tôt avisé que la vie s'accompagne inexorablement de peines, il sombre moins aisément dans le décoragement et, savourant la nécesssité du combat, reconnait et déjoue polus aisément la cruauté de son adversaire
Je croyais être formé. Assurément, je n'étais qu'un déformé parmi tant d'autres.
Esprit né dans un corps secoué de spasme, le "légume" pense.
Quand mon voisin n'apparait plus que comme dépressif, quand autrui disparait sous l'étiquette de diabétique, de veuf, ou de Noir, la réduction à l’œuvre dans maints regards pèse, meurtri la personnalité et ouvre des plaies secrètes.
L'algodicee est d'abord l'esperance exigeante que l'épreuve qui m'accable ne m'anéantira pas. Je me dois de lui opposer une résistance, de poursuivre à tout prix l'exercice de ma liberté, de ne pas me laisser vaincre afin de conserver ma joie comme une arme indispensable.
Ce que la plupart des gens perçoivent, c'est l'étrangeté des gestes, la lenteur des paroles, la démarche qui dérange.
Ce qui se cache derrière, ils le méconnaissent.
Spasmes, rictus, pertes d'équilibre, ils se retranchent derrière un jugement net et tranchant, sans appel : voici un débile.
Difficile de changer cette première impression, douloureux de s'y voir réduit
Suivie de bien des lectures, une rencontre m'a appris la valeur insoupçonnée d'un nouveau combat. (...) Pour la première fois je prenais conscience que l'esprit (ou l'âme, comme on voudra) mérite quelque attention. Adolescent, j'ai deviné auprès du vieillard les charmes de la philosophie (...). Dès lors, deux hommes veillèrent souvent à la lueur d'une lampe studieuse. Les discussions roulaient, les arguments s'affûtaient. Je m'armais pour la vie. Les yeux usés ouvraient ceux du jeune homme, les oreilles que l'outrage du temps avaient bouchées écoutaient sans complaisance les rumeurs confuses d'un coeur gonflé d'incompréhension.
Les adversités rencontrées constituent ainsi un terreau sur lequel l'existence vient se construire.