Ma pire ennemie

Je préfère une minute en enfer avec toi qu'une éternité au paradis sans toi

Pourquoi as-tu fait ça ?! Comment as-tu pu me faire ça ?! Comment ai-je pu ne rien voir venir ? Ne rien deviner ? Comment est-ce possible ? Pourquoi, maman ? Pourquoi ?!

Quand tout va mal dans notre existence, on cherche un sens caché à ce qui nous arrive. On finit par se persuader qu'il doit nécessairement y avoir une raison. Que peut-être, quelque part, quelqu'un détient les réponses... nos réponses. Et on veut croire qu'il existe forcément une cause à nos tracas, nos malheurs... Mais pourquoi y aurait-il la moindre logique, en fait ?

Mes problèmes... désespoir... haine... souffrance... accablement... des mots totalement vides. Fourre-tout. Derrière lesquels se cache celui que personne n'ose me dire tout haut : dépression !

Tout cela à cause de Lucy Richardson...
Infirmière dévouée à ses patients...
Deux fois sacrée Miss Louisiane...
Au QI nettement au-dessus de la moyenne...
Mais aussi... à ses heures perdues... tueuse en série !
Lucy Richardson... ma mère !
Alors, comment en vouloir à ces gens de penser que je ne suis que la fille d'une meurtrière ?!

— Je ne sais pas comment l’expliquer ni si ce sont les mots justes. Ceux qui expriment ce que j’éprouve réellement, mais ta présence me fait du bien, Jo. Tu me fais du bien dans ma tête, dans mon corps…

J’ai du mal à respirer. J’ai autant envie d’entendre tout cela que de lui crier de se taire. J’ai subitement froid. Puis chaud. Tremblante et d’une main hésitante, je fais glisser mes doigts sur son front, ses joues, ses lèvres, tandis qu’il continue d’une voix basse et rauque :

— C’est un peu comme si j’avais découvert un îlot de paradis au milieu de mon enfer et j’ai seulement envie que ça continue…

Plus il me parle, plus l’étau se resserre. J’ouvre la bouche, toutefois aucun mot n’en sort. Parce qu’aucun mot ne pourrait décrire le chaos qui règne en moi. La peur panique qui me submerge. Ni l’espoir insensé que suscitent ses paroles. Et surtout, j’ignore ce que je ressens réellement. Non, si je veux être parfaitement honnête avec moi-même, je sais que je ne veux rien ressentir pour lui, car je ne peux pas me le permettre. Je ne dois rien ressentir pour lui. Rien !

Je pourrais rester des heures à la regarder dormir dans mon lit. Nue. Le corps à moitié recouvert par les draps. Son adorable visage perdu au milieu de toutes ses boucles sauvages. Je soulève la masse de ses cheveux pour enfouir mon nez dans sa nuque. J’adore cette odeur vanillée et fleurie qui me donne envie de la croquer. Mes lèvres glissent sur sa peau comme sur de la soie. Je souffle tout doucement sur son épaule, puis la mordille. Encore et encore. J’adore la réveiller de cette façon.

Je veux le croire ! Je veux croire que ce que je ressens pour lui est tout ce qui compte à ses yeux. Qu’il n’a pas besoin de tout savoir. De tout connaître de moi. Qu’il n’a pas besoin d’apprendre toute la vérité. J’ignore la petite voix de Cooper dans ma tête qui me chuchote que je ne suis qu’une dégonflée. Une lâche. Je la repousse de toutes mes forces.

— J’ai besoin de toi, Joanna ! Tu es mon univers, mon air, mon paradis… mon enfer. Le monde ne serait rien si tu n’y vivais pas ! Je t’aime, bébé !

Deux petits mots qui me font l’effet d’une bombe. Le cœur soudain erratique, la gorge paralysée de peur, j’essaie en vain de parler. Je veux le garder encore auprès de moi. Aussi longtemps qu’il le pourra.

Le sourire qui illumine son visage à cet instant me submerge comme une vague de bonheur gigantesque. Je voudrais pouvoir m’y noyer. Me laisser emporter et oublier tout le reste. Soudain, j’ai la sensation d’être la seule en ce monde à détenir ce pouvoir suprême : le rendre heureux. Un pouvoir réciproque. Dangereux.