La vérité… je peux au moins lui offrir celle de mon cœur. Ce serait déjà un bon début en attendant de lui avouer qui je suis réellement.
La vérité, ma pire ennemie…
J’ai parfois l’impression que je ne connais même plus la définition exacte de ce mot. Depuis des mois, je ne dis plus la vérité à personne. Je me contente de naviguer entre les frontières floues de l’omission, du non-dit et du mensonge.
Un sourire – ce sourire si spécial qui me réchauffe de l’intérieur – illumine ses traits lorsqu’elle lève les yeux de son téléphone et me découvre. Sourire trop bref et qui laisse rapidement place à un visage grave. Je n’ai alors qu’une envie : tout faire pour qu’il réapparaisse. Et que j’en sois l’unique destinataire.
Tout serait tellement plus simple si j’étais amoureuse de mon meilleur ami, et non de Scott. Si je n’étais pas la fille de ma mère. Si ma mère n’était pas ce qu’elle est. Je monte dans le tram et m’installe sur un siège libre. Pendant tout le trajet, une question tourne en boucle dans ma tête.
N’est-il déjà pas trop tard pour moi ?
Parce qu’après tout, c’est quand même à cause de ma mère que je vis un cauchemar depuis des mois ! Ma mère, cette femme au QI supérieur à 150, avec un physique magnifique, blonde, les yeux verts – l’American Dream Girl – et surtout, Blanche ! À qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Alors que moi, Afro-Américaine, physique lambda et à l’intelligence moyenne, qui ne doit surtout pas oublier ses papiers d’identité dès qu’elle met un pied dehors, sans oublier tout le reste…
Certaines vérités ne sont pas bonnes à énoncer devant tout le monde…
Pourquoi les gens ont-ils la fâcheuse habitude de ne penser qu’au plus mauvais ? De ne retenir que les brebis galeuses d’une corporation ou d’une communauté et d’en faire une généralité ?
Je sais que je devrais me taire. Que c’est la meilleure chose à faire en face d’un représentant de la loi pour une personne de couleur, comme moi. Toutes ces remarques que je garde – parce que c’est plus simple ainsi, pour ne pas faire de vagues, ou parfois parce que c’est moins dangereux – finissent par me pourrir encore plus. Je les entends depuis ma plus tendre enfance. À force, je me suis habituée.
Il me connaît si bien qu’il ne me servirait à rien de chercher à lui dissimuler quoi que ce soit. Et de toute façon, je n’en ai pas la moindre envie. J’ai toujours été d’une totale honnêteté avec lui. Dans tous les domaines. Et réciproquement. Il est le seul à me comprendre si bien. À savoir comment je fonctionne. Ce qui lui donne la capacité de lire en moi comme dans un livre ouvert. Il est le seul en ce monde dont je suis aussi proche et à qui je n’ai pas peur de tout dire. Avec qui je peux vraiment être moi. Pas celle que j’ai été ou que j’aimerais être. Juste celle que je suis. Tout simplement.
travail. Il n’a jamais – jamais ! – C’est un homme d’une grande probité. Impartial. Intègre. Qui aime la justice et croit aux principes fondamentaux de notre pays. Alors pour me proposer un truc pareil, soit il a perdu la tête soit, ce qui est le plus vraisemblable, il pense que c’est moi qui ne suis pas loin de perdre la raison.