J'ai croqué dans une Portugaise en sablé. Loin de se fermer comme une huître, elle s'ouvre au monde et exprime toutes ses souffrances et ses espoirs.
Le sablé, il s'effrite comme du sable, petit gâteau sec à pâte friable.
Sec, mais friable, tel est le caractère qui m'est apparu à la lecture de ces bouts de fin de vie, de ces morceaux d'existence déclinante, à la fois durs et craquants, faits de résistance et de colère, mais aussi fondants en bouche, qui s'effritent en miettes, sous l'effet de la vieillesse et de l'épuisement.
Lidia Jorge nous relate la dernière année de la vie de sa mère en EPHAD, qui a enregistré ses propos, pour se souvenir à défaut d'écrire, quand l'oral laisse une trace là où la main ne peut plus former des mots, prononcer pour ne pas oublier.
« Malgré tout, je recours à la mémoire pour sortir de ces murs et triompher de mon état de recluse. Etre en vie c'est se souvenir des mouvements du temps et du rythme de la floraison ».
Faire fonctionner son esprit pour maintenir le corps en vie, relater ses pensées pour rester dans le présent.
L'opinion c'est l'avis, l'espoir c'est la vie.
« Je suis de ces personnes qui ne pensent pas que l'espoir est le dernier à mourir. Je pense que l'espoir est simplement immortel ».
Mais le corps ne répond plus toujours à l'esprit, difficile alors de cacher la décrépitude.
« Le sac m'avait glissé des mains, et mon miroir, mon peigne, mon mouchoir, mon portable, le cadre avec la photo de ma fille avaient roulé sur le sol, et pendant qu'on ramassait mes effets éparpillés, j'avais souhaité que descende du plafond une épidémie, douce, invisible, vénéneuse, sans bruit ni douleur, qui ferme les yeux de tous ceux qui se trouvaient dans le salon ».
Prémonition infaillible, elle viendra cette épidémie, un fiasco qui a fait le vide, sous la forme de la Covid.
Pourtant, c'est encore l'heure du partage, ces moments de dialogue nocturne avec l'insomnuit, c'est quand l'insomnie nuit pendant la nuit.
Parler à défaut de dormir, quand la mémoire envoie un bas coup, comme ne plus se souvenir du mot Azerbaïdjan.
« Nous étions des êtres à l'abandon que les soins de la résidence berçaient d'illusions. Nous vivions une sorte d'heure de vérité. La décrépitude de chacun s'amplifiait face à la décadence de tous et aboutissait à la honte ».
La vieille dame essaie de garder le lien avec sa fille, qui se réfugie dans l'écriture de livres pour éviter de voir le monde en face.
« Elle fait l'amour avec
L Univers ».
L'amour c'est l'amor, la haine c'est la mort.
Et les Terriens sont en détresse.
« Pourquoi je vis, pourquoi je meurs,
pourquoi je crie, pourquoi je pleure » ?
Starmania dénonçait les attentats, « le monde est stone ».
« Tous les genres humains sont hébergés ici, et comme dans la vie dehors, les mauvais passent par-dessus les autres ».
La colère et la vengeance prennent le pas sur la grâce et le pardon.
Il y a de quoi vouloir en finir avec la vie.
Mais la nourriture terrestre a vaincu la faim.
L'immortalité de l'espoir.
Misericordia !
Ce récit, relaté comme un conte, est un formidable témoignage de la faiblesse humaine.
Croire en l'amour pour ne pas être happé par le vide.
Rêver, quand il ne reste plus rien d'autre.
Quand l'arbre s'abat, il n'y a plus que la Souche.
« Et si en plus il n'y a personne... »
Merci à Babelio et aux Editions Métailié pour cet envoi dans le cadre de la Masse critique.