Installée confortablement dans le TGV qui me ramène chez moi, bercée par le bruit assourdi et régulier de la rame, enveloppée de nuit j'ouvre avec impatience "
Noces de neige".
J'embarque aussitôt pour un autre voyage. de son écriture concise, limpide et très précise
Gaëlle Josse me transporte dans d'autres espaces temps. Deux voyages en train sur une même ligne, à plus d'un siècle d'intervalle. Unité de lieu, unité de temps.
Au printemps 1881 Anna Alexandrovna, jeune aristocrate russe, rejoint Moscou après une villégiature de six mois à Nice avec sa famille. Elle me raconte son voyage, sa laideur, ses passions, ses secrets.
Ce récit alterne avec celui d'Irina que me raconte l'auteure. En 2012, cette jeune beauté russe vivant dans les banlieues défavorisées quitte sa vie à Moscou pour rejoindre à Nice Enzo, l'homme qu'elle n'a jamais vu mais avec qui elle échange sur internet.
Au fil des chapitres les histoires alternent, s'entremêlent. Même lieu, cocon feutré des cabines, deux histoires de solitudes, de passion. Même immobilité contrainte. J'imagine le sujet traité par Hopper, lumière froide, solitude, fenêtre, couleurs chaudes, tout y est. Je partage le temps qui s'écoule lentement, pensées multiples et brouillonnes, rêves mais doutes aussi. La vie semble suspendue. Je m'immisce au sein des espoirs, des désillusions, des secrets de famille, des drames.
Je pense à Tchekov.
Avec elles je regarde par la fenêtre les immenses forêts de bouleaux et je vois un tableau de Klimt. J'assiste voyeuriste aux bifurcations de vies de ces jeunes héroïnes russes. le hasard peut-être si bienveillant ou si cruel. Tout est soft, subtil et pourtant violence et passion heurtent de plein fouet Anna et Irina.
Je relirai Tchekov.
L'apparition surprise d'un nouveau personnage relie les deux récits, fait lien entre passé et présent. Cet homme donne de l'épaisseur, insère les deux vies dans
L Histoire. Zoom arrière vision plus large, histoires de vie ballotées dans le grand monde.
Un très beau texte.