AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le voyage du canapé-lit (37)

Les académiciens ne sont pas encore arrivés.(...)
Tout à coup, les gardes républicains se mettent à rouler le tambour. Entrée en grande pompe, par le haut des gradins, de l'Académie française.
Un frisson me parcourt.
C'est l'entrée des morts-vivants.
C'est donc ça, me dis-je, le sens de l'adjectif « immortel » pour désigner les académiciens : la zombification des écrivains.
Le spectacle est affreux. George Romero n'aurait pas fait plus effrayant et plus désolant. Les grands médecins, les avocats célèbres, les écrivains glorieux titubent, se risquent à tout petits pas jusqu'au bord des marches, comme s'ils parcouraient, non pas en habit chamarré, mais en haillons déchiquetés, les rues boueuses d'un village désert du Tennessee.
Et commence la descente. Là, c'est une autre image qui s'impose. La vingtaine de marches prend autant de temps que s'il s'agissait de la face nord des Grandes Jorasses. Ils s'agrippent à la rambarde, se tiennent les uns aux autres, crochètent désespérément tout ce qui passe à portée de leurs mains tavelées et noyées de rides, tout branlants, tout tremblotants, on se dit que si l'un fait un faix pas, c'est la cordée qui va basculer dans le vide.
La salle retient son souffle, frémit comme à une projection de "Vertical Limit" au Grand Rex. Vont-ils arriver entiers ? Qui va y laisser son col du fémur ? Faudra-t-il récupérer derrière eux un dentier, des ongles, un œil de verre ? Prévoit-on d'éponger discrètement des traces d'urine ? De là-haut, on a vue sur des calvities intégrales ocellées de taches brunes, ou des portions de crânes sur lesquels poussent des touffes de cheveux grisâtres et secs semblables à des colonies de lichens. Et les tambours roulent durant tout le temps que dure la représentation, comme pour dramatiser le numéro accompli par une bande de vieux clowns arthritiques qu'on aurait invités à se produire, par compassion, dans un spectacle de charité.
Commenter  J’apprécie          50
De plus, Pierre Jourde raconte avec un mépris souverain sa soirée à l'Académie française, où il est invité pour recevoir le prix de la critique. Il décrit avec un allant indigné les vieillards cacochymes qui peuplent ce petit monde, mais ce qu'il écrit pourrait aussi bien se dire des pensionnaires d'un Ehpad... Se moquer de la vieillesse, qu'elle soit habillée d'un costume vert ou pas, c'est ignoble. Et une question se pose: si M. Jourde méprise à ce point les académiciens, pourquoi diable a-t-il accepté le prix qu'ils lui ont décerné? Rien ne l'y obligeait! Mine de rien, il ne crache pas sur 1500€... Ecoeurant!
j'espère vraiment que ce livre figurera dans la prochaine édition du Jourde & Naulleau!
Commenter  J’apprécie          41
De ses déambulations amérindiennes, mon frère rapportera d'ailleurs en France un stock de sacs, de bracelets et autres colifichets indiens dont il espérait tirer profit. De sorte que, inversant les rôles, nous nous retrouverons un an plus tard, à Allanche, Cantal, un jour de foire, à tenter de négocier ces objets tout ce qu'il y a d'authentiques et tout ce qu'il y a d'utiles à des commères auvergnates plus basanées, plus anguleuses et plus corpulentes que des indiennes, mais qui n'en achetaient pas. Car l'Auvergnat, peu friand de verroterie, contrairement à l'indien, ne lâche pas son or comme ça. D'ailleurs les conquistadors ont renoncé à envahir l'Auvergne, c'est dire.
Commenter  J’apprécie          40
- Ça se tire, dit mon frère. Si tout va bien, on arrivera dans trois quarts d'heure. Disons vers cinq heures. Il fait beau. Pas un poil de nuage.
- Oui, pile à l'heure du retour des troupeaux pour la traite, quand les ombres s'allongent. A tous les coups on aura les vaches sur la route à Anliac, devant chez la Chuquette, et si ça se trouve celles de Thierry qui remonteront du Liveï, à Rocheplane.
- Ouais, j'aime bien.
- Moi aussi.
- Les mufles baveux qui s'entassent autour de la carrosserie.
- Les croupes tatouées à la merde sèche.
- Le chien frisé qui cavale autour.
Commenter  J’apprécie          20
A Aigueperse commence l'odeur de l'Auvergne, ou plus exactement celle de ces vieux bourgs, sans grande beauté, dont le charme se dissimule sous l'apparence austère, Champeix, Ambert, Manzat, Orcival, Murat, Allanche.... ils sentent le froid, la cave, la croûte de fromage, la fumée, c'est un parfum bistre et noirâtre qui n'appartient qu'à eux, une sorte d'hiver traînant toujours dans le fond même de l'été, et qui, dirait on, reposait déjà dans l'âme avant même qu'on les connût.
Commenter  J’apprécie          20
Vous croyez que ça existe encore, des adolescents qui rougissent ? Il me semble qu'on en voit plus. Ça va devenir une manifestation physique qu'on ne trouvera plus que dans la littérature, comme les torrents de larmes du XVIIIe siècle ou les évanouissements de dames. Ça devait être charmant. Le rougissement aussi, c'était charmant, souvent, sur les joues, et même le décolleté d'une gracieuse jeune fille. Mais cela impliquait une certaine relation entre le quant-à-soi et le social qui n'a sans doute plus lieu d'être.
Commenter  J’apprécie          20
Se souvient-on du presse-purée ? Je crains que le presse-purée ne soit tombé en désuétude, mais on s’en souvient sûrement. C’était un instrument de l’ère des spoutniks. Il ressemblait à une sorte de module lunaire archaïque, avec ses pieds dépliables. La manivelle était amovible. Sans sa manivelle, le presse-purée (à moins qu’il ne s’agisse plutôt d’un moulin à légumes) pourrait aussi, à la rigueur, ressembler à un chapeau.
Commenter  J’apprécie          21
Le transport du canapé constituait l’apogée de la malédiction des objets qui me poursuivait depuis ma naissance. Et je commençais à comprendre obscurément le rôle central que certains de ces objets avaient pu jouer dans des épisodes désastreux, dangereux ou grotesques de mon existence. Ils étaient toujours là quand il y avait un mauvais coup à faire. J’aurais quasiment pu raconter ma vie à travers eux.
Commenter  J’apprécie          20
Et pourtant, les objets donnaient l’impression d’avoir une sorte d’intériorité inaccessible. Comme pas mal de gens, il m’arrivait d’imaginer qu’une fois que j’avais le dos tourné, ils tombaient le masque, et devenaient enfin ce qu’ils étaient réellement, et que je ne pouvais pas voir. Peut-être qu’en me retournant très vite, je parviendrais à les surprendre. Mais je n’y avais jamais réussi. Je les soupçonnais de comploter contre moi. Cette hypothèse était corroborée par leur constante mauvaise volonté. Avec une obstination sournoise, ils se brisaient, chutaient, refusaient de s’ouvrir, de se fermer, tombaient en panne, roulaient dans les coins où l’on était sûr de ne jamais parvenir à remettre la main dessus, me cognaient, disparaissaient mystérieusement et à jamais. Ils paraissaient avoir la capacité d’attirer et de condenser tout l’ennui, toute la mélancolie diffus dans l’air ambiant.
Commenter  J’apprécie          20
Ma grand-mère avait une santé en acier suédois. Lorsqu’elle s’est décidée à trépasser, j’ai espéré que c’en serait fini de la salle à manger Art déco, des chiottes bleues, de la négresse, du berger allemand hochant la tête, et du salon. J’ai cru que c’en serait fini des visites du dimanche.
C’est peut-être chez mémé que j’ai commencé à nourrir une certaine méfiance vis-à-vis des objets. Des objets en général. Ils me paraissaient trop silencieux pour être tout à fait honnêtes. Ils se fermaient sur eux-mêmes, sur un mutisme chagrin qui ne me disait rien qui vaille. Ça devait cacher quelque chose.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (255) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les écrivains et le suicide

    En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

    Virginia Woolf
    Marguerite Duras
    Sylvia Plath
    Victoria Ocampo

    8 questions
    1754 lecteurs ont répondu
    Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}