Nous montrions une certaine propension à nous mettre en danger, à chercher le conflit et les embêtements, en vertu d’un caractère de cochon dont on se demande bien d’où il pouvait provenir.
Notre mère était une institutrice qui avait la réputation de ne pas badiner avec la discipline. D’ailleurs, durant l’année que j’avais passée dans sa classe de cours préparatoire, je ne l’avais appelée que « Madame », et dans mon souvenir il me semble toujours avoir eu affaire à quelqu’un d’autre que ma mère.
Ma grand-mère tenait la veuve de son père pour une usurpatrice. Ce qui aggravait la chose, c’est que ma mère adorait cette femme, qu’elle considérait comme sa véritable grand-mère, et peut-être même un peu comme sa mère. Ma grand-mère, qui ne s’était jamais beaucoup occupée de sa fille, ne supportait pas de la voir reporter son affection sur quelqu’un d’autre, une étrangère qui en outre avait pris la place de sa propre mère, les histoires de famille paraissent toujours évidentes quand on les vit, mais on n’arrive jamais à les expliquer simplement.
Le tableau de mes grands-parents était une sorte de pub vieux-papes. La vie, la vraie vie dans toute son intensité, c’était la chasse, le sang, la boisson, l’alcool, la bouffe, les femmes. Pour des bouchers, qui passaient leur temps à manier le sang et la chair, ça paraissait naturel, mais la fadeur de l’intérieur et des conversations de mes grands-parents démentait si complètement cet idéal de vie que je comprenais le sentiment de bizarrerie qu’avait suscité en moi l’image.
L’art était principalement représenté, dans la salle à manger, par un majestueux tableau à l’huile témoignant d’une sorte d’aspiration au beau, si le terme « beau » n’est pas excessif pour qualifier cet objet. Une telle aspiration me laissait perplexe lorsque je la rapportais à mes grands-parents, anciens bouchers qui ne s’étaient jamais intéressés, dans toute leur existence, qu’aux côtelettes, à la macreuse et au gîte à la noix, ainsi qu’à l’argent que ces divers morceaux pouvaient leur faire encaisser.
Ce n’est pas pour être insultant, mais je crois fermement que si vous preniez une cordelle au hasard, après l’avoir étendue bien droite de tout son long au milieu d’un champ, il vous suffirait de lui tourner le dos trente secondes pour découvrir, en la regardant de nouveau, qu’elle s’est rassemblée toute en un tas, au centre du champ, et s’est entortillée sur elle-même et toute remplie de nœuds, qu’elle a perdu ses deux bouts et qu’elle n’est plus que boucles. Vous mettriez une bonne demi-heure, assis là sur l’herbe et sans cesser de jurer, pour la débrouiller.
Telle est mon opinion sur les cordelles en général.
JEROME K. JEROME
Les finitions du canapé Docteur Freud sont particulièrement soignées, les coutures sont impeccables, le piétement en chêne verni légèrement biseauté, ainsi que les clous en laiton mats, participent à l’élégance de ce canapé unique.