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Pays perdu tome 1 sur 2
EAN : 9782266143783
192 pages
Pocket (11/02/2004)
3.75/5   143 notes
Résumé :

Un soir de février, une voiture se dirige lentement vers un hameau isolé, au bout de l'autoroute, au-delà des collines, des friches et des bois.

Dans le véhicule, deux frères. L'un d'eux vient toucher l'héritage du cousin joseph, un ermite qui vivait dans une vieille masure. Un secret espoir les anime. ce sauvage a forcément dû laisser derrière lui un magot, des bijoux, quelques pièces d'or...

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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
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sur 143 notes
A l'origine, Pierre Jourde voulait juste écrire une nouvelle qui se limitait à la narration des obsèques d'une adolescente, fille d'amis paysans vivant dans un petit village du Cantal dont est originaire sa famille ; village perdu où il a passé ses vacances durant son enfance et où il est revenu ensuite chaque été avec sa famille.

Une fois la nouvelle publiée, fin 2001, influencé par Éric Nolleau, Pierre Jourde a décidé d'en faire un livre, en reprenant des souvenirs personnels et en modifiant les noms de lieux et de famille pour parler de la vie de son village.

L'enterrement de l'adolescente a ramené l'auteur à celui de son père, et à son histoire, alors que celui-ci ne s'était résolu à la lui raconter que lorsque qu'il a eu vingt-cinq ans. Toute sa vie attaché à son village, Pierre Jourde souhaitait montrer la rudesse du pays à travers certains secrets de famille. Il s'agissait de restituer un double sentiment : « des sensations trouvées nulle part ailleurs et un sentiment d'irréalité », tel qu'il a pu le vivre, durant ces séjours là-bas. Pierre Jourde ne perd aucune occasion de rappeler qu'il se sent appartenir à la société qu'il décrit et imaginait sans doute rendre hommage aux habitants de son village. Toutefois, en évitant de tomber dans la complaisance, l'auteur a pu involontairement se montrer parfois blessant dans sa description de protagonistes vivant dans de vieilles maisons inconfortables le long de ruelles où s'élèvent les vapeurs des tas de fumier.

Pierre Jourde a brisé le « culte du silence » qui se transmet de génération en génération dans ces hameaux. Son roman a suscité une vive émotion parmi les habitants de son village. Certains se sont reconnus ou ont reconnu des proches décédés. Les moindres détails ont été pris comme des critiques, des offenses, ou des indiscrétions malveillantes, et ont été considérés comme du mépris. Les réactions vives suscitées par ce livre seront reprises et commentées dans un second ouvrage de Pierre Joudre « La Première Pierre ».
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C'est le premier ouvrage de Pierre Jourde que je lis, avec fascination. Comment ne pas être happé par l'écriture jourdienne, qui épouse si bien les reliefs de la Montagne cantalienne, et les visages ravinés de ses autochtones? Quiconque connaît ce terroir du Centre de la France, cette terre d'oubli entre forêts sombres et villages de basalte noir, ceinturée par l'autoroute, sera sidéré par le travail littéraire, le tableau si expressif de cette solitude du fond des âges, qui échappe cependant au double piège du réalisme et du symbolisme, par un savant et infinitésimal dosage des deux, alchimie particulière réussie grâce au précipité de l'émotion et de l'âme.
Le titre sans doute m'a attirée, dans sa mélancolie et sa brutalité mêlées.
La référence proustienne, cependant inscrite dans le rapport de Jourde à la littérature, est ici balayée d'un revers de main. Ici toute recherche s'arrête, ici commence la rencontre avec un pays perdu depuis toujours, au sens du bled paumé comme à celui de la séparation subjective. Jourde ne risque pas même le mot de retour, puisque cet écrit qui parle tant d'humus, de racines végétales, mais aussi de cloaque et de destruction lente ou accidentelle des corps, résonne quelque peu comme un adieu. Il y a dans ce livre une triple référence à la mort d'un individu: celle du père de l'auteur, à qui semble dédié ce livre, la mort du lointain cousin, qui fait signe aux vivants en lèguant son maigre bien au seul des apparentés qui venait , de loin en loin, lui rendre visite, et celle, cruellement absurde, d'une fillette dont le sourire et la beauté enfantine marquent les souvenirs de l'auteur.
Le livre est construit autour d'un bref voyage afin de règler une improbable succession, et les obsèques d'une enfant, Lucie (lumière…), décédée de leucémie. Ce rituel funèbre, ainsi que la coutume des visites à la défunte sont le champ dans lequel entrent et sortent vivants et morts, ceux qui viennent et ceux qui ne viennent pas rendre ce dernier hommage. La caméra subjective, le regard de Pierre Jourde, nous fait découvrir en plan serré ou en champ-contrechamp toute une humanité isolée du reste de l'humanité, sculptée par le travail, à peine déviée de son cheminement sourd et aveugle au reste du monde par les unions dont certaines sont brèves, et les autres génératrices de coupures familiales définitives.
C'est là que la littérature devient réalité, et c'est là que prit naissance le ressort de la haine et du rejet, manifestée par une forme de lynchage des personnages de Jourde contre lui et contre sa famille, après la parution de Pays perdu..
Sans prendre position sur le fond, sûrement complexe, de l'affaire, sans revenir au débat sur l'auto fiction et ses conséquences, et sans remettre aucunement en cause la qualité littéraire de l'oeuvre ni l'intention de l'auteur,
je partage quelques réflexions, qui resteront sûrement superficielles.
La force et le pouvoir de l'écriture, est aussi, comme le disait magnifiquement Levi- Strauss, ce qui permet l'existence et le maintien d'une forme de domination. Face à ce qu'ils ont reçu comme une intrusion et une insulte, les personnages ripostent, non avec l'usage des mots dont ils n'ont pas la maîtrise, mais avec la violence qu'ils pensent leur être faite. Et ils chassent le traître du pays, obéissant à la même logique que celle qui anime Jourde, en n'en conservant que la versant du rejet. Car la fascination-répulsion de l'auteur pour ses origines a pu être traitée par l'écriture. Mais il n'en va pas de même pour ses personnages, qui n'ont pas sur eux-mêmes un regard transcendé par la littérature et la poésie, pour eux un mot est un mot, et une pierre est une pierre.
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Le voyage intérieur se poursuit inexorablement dans ce pays montagneux du bout du monde. le le titre du roman, en apparence si simple, si peu engageant, avec sa triste couverture, loin de nous perdre ou nous égarer, nous fait pénétrer dans un monde qui dévoile tout ce que nous avions ignoré ou oublié en faisant ressusciter un passé que l'on croyait enseveli ou qui n'avait peut-être jamais existé véritablement, cachant lui-même d'autres strates, d'autres palimpsestes encore plus mystérieux et inquiétants.

Les choses les plus insignifiantes deviennent "un opéra fabuleux". de la laideur et de la crasse, de cet alcoolisme et de cette brutalité, d'un coin d'ombre ou d'une éclaircie, tandis que surgit, à l'improviste, un souvenir rapporté par le narrateur, de toute cette "tristesse" parfois "majestueuse" naît une beauté singulière qui nous étonne et qui nous délecte.

Les portraits de villageois et villageoises, sortes de petits santons disposés tout autour d'une crèche provisoire et désaffectée, sont des chefs-d'oeuvres en miniature. le silence glacé qui règne, parfois, ou se disperse, quand la mort vient s'abattre avec injustice sur une jeune fille, fait sortir de leurs tombeaux vivants des êtres qui s'animent, de curieuse façon, et qui nous émeuvent.
Nous sommes dans le funèbre, mais le funèbre dont les feux follets n'ont pas fini de courir ici et là, pour révéler des secrets d'outre-tombe, qui semblent avoir choqué la plupart des habitants de ce village, après la parution du livre de Pierre Jourde.

La musicalité et le phrasé, ciselés par la main d'un orfèvre génial, nous laissent dans l'émerveillement que nous éprouvons au Louvre, devant les sculptures ou les tableaux des plus grands maîtres. Pays perdu - où chaque mot est médité et profondément recherché, à la manière de Flaubert - est un chef d'oeuvre, un acte de pur héroïsme et de liberté d'écrivain. Il aurait manqué à la littérature contemporaine, à la littérature universelle, s'il n'avait pas été écrit.
Merci, Monsieur le Professeur. On ne vous oubliera jamais
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Il est inutile de refaire le dix huitième résumé de la trame narrative de ce roman, de revenir sur les polémiques, violences et excès qu'il a forcement suscités.
Tout d'abord, pour moi, une évidence : l'exercice de style. Pour qui a un peu fréquenté Joris-Karl Huysmans, la parenté est flagrante. Jourde en est l'admirateur, le descendant brillant. L'alcoolisme, la dureté, la violence de ces existences paysannes offraient autant de sujets à cette prose d'une rare force évocatrice. Mais qui paraît inadaptée ici. Puis, l'étude ethnographique dans laquelle Jourde semble aussi se plaire d'autant qu'il sait profondément, viscéralement de quoi il parle. Etude portée par l'amour, même si cela semble paradoxal, de son sujet et par la révolte que suscite sa condition misérable.
Maintenant, l'auteur s'est-il laissé stupidement dépasser par la jouissance créatrice que lui offraient ces deux champs ? Très certainement, au point d'être parfois absurdement maladroit, manquant de discernement comme lorsqu'il compare cette dent unique à un monocle porté par dandysme !
Avait-il besoin de s'empêtrer dans des histoires banales d'adultères, de s'approcher au plus près des vices ou excès des uns et des autres au point qu'ils se reconnaissent, sûrement pas.
Enfin, a-t-il fait preuve de réalisme orienté, de naturalisme obtus ? Je ne le pense pas. Pour qui, comme moi a fréquenté le monde paysan durant de longues années, tout ce qu'il décrit ici, était et est toujours la pure vérité. Beaucoup plus que chez le trop médiatisé Depardon, il faut aller chercher chez le plus discret Pierre Collombert ces photographies de ces pays et paysans perdus, oubliés de tous. Alcool, consanguinité, pauvreté, saleté règnent toujours au fin fond du Tarn, du Gers, de l'Aveyron et de bien d'autres départements français. Moins sûrement qu'autrefois mais il n'y a plus grand monde pour briser les langues de bois de nos politiques ou de nos travailleurs sociaux à ce sujet.
Le service d'Urgence où je travaille, reçoit encore aujourd'hui de ces vieux paysans empestant le purin, la sueur et le feu de bois, de ces vieilles lavées une fois la quinzaine, abandonnées de tous et dont les pieds tombent sous la gangrène et les vers, de ces jeunes agriculteurs en comas éthyliques, dès le vendredi soir. C'est la France invisible, celle des sans dents, bien loin des entrepreneurs agricoles rutilants que courtisent les semenciers et les médias.
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Pierre, le narrateur et son frère quittent pour quelques jours la ville afin de se rendre dans un hameau perdu de vingt cinq habitants dans le Cantal où ils ont eu l'habitude de passer leurs vacances durant leur enfance. le vieux cousin Joseph a fait du frère de Pierre son héritier, c'est dans une masure crasseuse à la ressemblance de l'infâme solitaire qui y vivait, que les deux frères débarquent. A leur arrivée, ils apprennent le décès de Lucie, la fille des voisins avec laquelle ils ont partagé quelques heures de leur enfance. Dans ces terres reculées les veillées funèbres sont l'occasion de se souvenir et de rencontrer les habitants du village restants, ceux notamment que l'auteur a connu puisqu'ils l'ont vu grandir au fur et à mesure qu'il venait en vacances. Ainsi l'auteur fait le portrait de ces villageois d'un autre temps où le froid et le désoeuvrement les amènent à se noyer dans l'alcool avec des conséquences impitoyables. Un roman âpre et rugueux qui décrit un monde paysan désuet que l'on préfère ignoré de l'intérieur de notre petit confort douillet. Cette chronique autobiographique a d'ailleurs valu un procès à l'auteur, tant les villageois se sont insurgés contre ce qu'il avait écrit sur eux. Pour connaître la région et le monde paysan, j'ai trouvé les portraits authentiques et la vie des uns et des autres très réalistes. Avec une certaine poésie l'auteur fait passer de vraies émotions tout en assumant de dire avec ces mots ce que ces villageois auraient sans doute voulu ne pas étaler au grand public !
Lien : http://ma-bouquinerie.blogsp..
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Ces visages que le froid colorie violemment, sous les casquettes, beaucoup ont été sculptés par l'alcool, ces corps fabriqués par lui ou démembrés par lui. L'alcool préside aux besognes du fer, de la pierre, du bois, de la corne. Il tuméfie les faces, cogne les épouses, ruine les exploitations, déforme les membres, ourdit les accidents. Lui, et lui seul. Ceux qui lui ont vendu leur âme ne sont plus que l'alcool, le corps provisoire et titubant de l'alcool. Il travaille au lent retour vers la confusion des formes, vers les créatures du chaos, il fabrique des succédanés de titans.

On parcourt le territoire d'une mauvaise plaisanterie mythologique, la parodie grinçante des puissances originelles. Cet attelage impressionnant que vous avez croisé sur la route était mené par Jupiter en personne, torse nu, maîtrisant avec facilité la puissance du monstre grondant qui tire son char, on reconnaît sa barbe, sa musculature et son regard étincelant. Derrière lui, juché sur l'amoncellement de barres odorantes qui brillent au soleil, massif et brut, Vulcain vous considère. Plus tard, on trouvera Vulcain trébuchant, la parole empâtée, un peu d'écume sèche au coin des lèvres.

Rares sont les maisons où l'alcool n'a pas ses victimes, ses esclaves. Il y a ceux qu'il a ruinés, ceux qu'il a mutilé. Les couples défaits, les fortunes dispersées, les professions abandonnées. Ce jeune homme de trente ans, intelligent, doué, et qui a dû être assez beau ne conduit plus sans embarquer son petit fût de mauvais vin dans la voiture : le voici métamorphosé en polichinelle bouffi et violacé, comme s'il portait un masque monstrueux, ou qu'un démon facétieux lui avait soufflé les vapeurs éthyliques à l'intérieur de la peau. Il y a perdu son métier et se retrouve cantonnier.

L'alcool est entré dans le sang, il engendre, il fait partie de la famille, on reconnaît ses traits dans le visage des enfants. Il prescrit les destins, on se conforme à ses impératifs, avec fatalisme, sans en retirer de plaisir ni d'oubli véritable. Il s'agit d'autre chose avec l'alcool.

Nulle grandeur d'ailleurs, nulle tragédie dans cet acharnement. Les histoires d'alcool appartiennent au registre comique. C'est pourquoi il est difficile d'en dire du mal. Les plaisirs qu'il donne sont de toute espèces, parfois subtils, parfois brutaux. Il réchauffe, il aide à parler, anime les conversations, leur donne une matière, crée des complicités, solennise les transactions, dénoue la méfiance, soutient la vie sociale. Il marque tous les moments de la vie, tout ce qui assure l'être humain dans son humanité et l'homme dans sa virilité. C'est un petit dieu rieur et familier.

Les hommes seuls lui rendent un culte. Aucune femme ne boit jamais, ici, ou presque, à part certaines petites filles ou quelques vieilles isolées dans leurs villages morts. La plupart, prétextant n'en pas avoir le goût, refuseront obstinément le verre de vin, de muscat ou de porto que l'on propose avec insistance. À l'heure rituelle de l'apéritif, où les hommes se réunissent autour de la table, elles ne s'assiéront même pas, soit qu'elles servent, soit qu'elles vaquent à d'autres occupations. Cela fait partie d'une forme persistance de distinction des sexes. Chacun son type de travail et son lieu.

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Si lourdes les montagnes et si perdues d'aspect, entrelaçant les friches et les bois, si petit, si indistinct le bout de village enfantin qu'on dirait une illusion. On est dans le loin. On aura beau avancer se dit-on, on n'ira pas au-delà. Le village là-bas, quelque effort qu'on fasse, on se demande si on l'atteindra jamais. Quel chemin prendre, d'ailleurs, pour franchir tant de vide ? Par où passerait-il ? On n'aperçoit que des courbes où pénètre le ciel comme une mer, des reliefs qu'il a écrasés, et qui s'allongent, s'étalent, s'enfoncent dans des trous sans fond. La montagne ne s'élève pas, elle s'abaisse, se rétracte, et l'on sent la poussée, la présence invisible et tyrannique de l'espace. Si ces minuscules maisons semblent reculées, c'est qu'elles constituent l'axe d'un paysage où tout ne cesse de régresser dans l'immobilité. Lorsqu'on y sera, on se demandera encore si on est bien dans ce qu'on a vu, si on a pas aperçu un mirage, un village fantôme ; mais la montagne passant la gueule entre tous les murs, ou l'horizon, plus grand qu'ailleurs, où se déversent et se vident les maisons les chemins et les prés, rappelleront à chaque instant qu'on y est : loin.

Déjà le jour faiblit, de grands pans de terre baignent dans l'ombre. Deux ou trois points lumineux se sont allumés parmi les maisons, vacillants, si fragiles qu'ils se réduisent presque à des signes, réabsorbés de temps à autre par le noir, pour en ressortir tout de même. C'est à eux que doivent ressembler ces lueurs aperçues dans la forêt par les héros des contes, et qui les perdent. À les voir, on sent déjà le froid plus vif, le vent roulant deux feuilles dans les venelles noires, le passage d'un chien silencieux, le souffle d'une bête à corne invisible et puis, s'avançant au ras de végétations indistinctes, humide et chargé d'odeurs lourdes, le mufle de la nuit.

Difficile d'estimer à quelle distance se trouve le lieu que désignent les lumières, les obstacles qui en séparent, si cet emplacement qu'elles s'efforcent si faiblement de marquer encore un peu l'idée de lieu, en dépit de tout, alors que tout l'espace est occupé par les longs mouvements de l'obscurité qui se déploie, théâtralement, en vastes plissements.

À nouveau, comme si on ne devait jamais en finir, descendre entre les hauts sapins noirs, à nouveau remonter en lacets qui mènent la voiture tantôt ici, tantôt là, nez vers la roche, nez vers le vide. Les incessants changements d'orientation modifient les perspectives et les paysages, et la route a l'air de ne jamais décider dans quel pays elle va, au fond des forêts, dans les hauts pâturages ou sur le rebord des plateaux. On n'a pas seulement abandonné la ligne droite, mais encore la logique même de l'orientation. La route se transforme doucement en lieu. Les virages ne sont plus des détours, ils valent pour eux-mêmes.

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C’est un des lieux du monde qui m’est le plus familier, c’est un de ceux, aussi, que je préfère.

Les dalles qui mènent à cette entrée sont généralement bien conchiées. L’étable est disposée tout en longueur, mais pas dans le prolongement de l’entrée. Elle s’enfonce vers la droite. Elle est aussi dépourvue de fenêtre. Qui entre lorsque les lieux sont vides d’animaux n’y voit d’abord que du noir. L’odeur assaille d’autant plus violemment, fumet acide et rongeant, qui empoigne, qui révolte, qui bouleverse l’âme. Juste à droite de l’entrée stagne le marigot de merde et d’urine dans lequel, tout enfant, je suis tombé, vêtu d’un impeccable tablier blanc. Les stalles des vaches sont disposées de part et d’autre, dans la longueur. Les bouses tombent dans une rase qu’on nettoie régulièrement. Y tombent aussi, lors des naissances de bêtes, les eaux et les poches placentaires, amas roses veinés de rouge que les chiens dévorent.
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Que les qualités de ce qu'on aime nourrissent en secret des chagrins, on l'ignore presque toujours. On ne veut pas le voir. On le pressent cependant, dans la crainte qui s'attache aux choses belles, on tourne autour, on se garde d'ouvrir la porte, sachant ce qui se tient derrière, avec sa force atroce. Vivre n'est possible que si la porte est fermée.
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M. Soubeyran était extraordinairement maigre et osseux. À l'arrivée d'un visiteur, ou de clients, lorsque l'auberge fonctionnait encore, il se fendait d'un mince sourire. Fendait est le terme exact, car M. Soubeyran disposait de très peu de peau pour effectuer cette opération. […] L'œil de verre lançait un éclat. Le sourire de M.Soubeyran faisait paraître une tête de mort à la place de son visage. Il est probable qu'il n'y pouvait rien, peut-être était-il un bon vieillard, mais son sourire a toujours empêché qu'on voie en lui autre chose qu'un squelette déguisé en homme.
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Une version scénique et inédite de « Bookmakers », par Richard Gaitet, Samuel Hirsch & Charlie Marcelet
Avec Télérama et Longueur d'ondes
En dialoguant avec 16 auteurs contemporains qui livrent les secrets de leur ecriture, decrivent la naissance de leur vocation, leurs influences majeures et leurs rituels, Richard Gaitet deconstruit le mythe de l'inspiration et offre un show litteraire et musical.
Avec les voix de Bruno Bayon, Alain Damasio, Chloe Delaume, Marie Desplechin, Sophie Divry, Tristan Garcia, Philippe Jaenada, Pierre Jourde, Dany Laferriere, Lola Lafon, Herve le Tellier, Nicolas Mathieu, Sylvain Prudhomme, Lydie Salvayre, Delphine de Vigan et Alice Zeniter.
En partenariat avec Télérama et le Festival « Longueur d'ondes »
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