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Paru en 2002, La littérature sans estomac décortique avec une férocité salutaire, les perversions d'un système éditiorial qui consistent à faire passer un produit de consommation pour de la littérature. Que ce produit soit lu n'a aucune importance, l'essentiel étant qu'il se vende. Des critiques ou des journalistes, au lieu de dénoncer la fabrication d'ersatz d'écrivains, prêtent (ou plus sûrement vendent) leur complaisance, leur docilité et leur soumission à ceux qui dirigent le monde de l'édition d'une poigne dictatoriale et formatent les goûts des lecteurs, en laissant sur le bord du chemin de nombreux talents, malheureusement pour eux, pas suffisamment bankébeules, ou trop subversifs pour la pensée unique. Pierre Jourde, professeur d'université spécialiste de Huysmans et de Vialatte, déboulonne dans cet essai pamphlétaire, bon nombre d'écrivants reconnus comme l'élite de la littérature contemporaine française, grands vendeurs et rafleurs de prix prestigieux, squatteurs de plateaux de télé, invités ressassés d'émissions de radios ou d'articles de presse rassis. Les exemples et extraits choisis par l'auteur sont d'une évidence implacable, pour mettre en exergue les tics de style, la vacuité de la pensée, la pauvreté de l'écriture, les histoires insignifiantes, le langage inepte, les personnages banals. Pierre Jourde possède le style riche, précis et lumineux qui fait défaut à tous ceux qui sont cités, l'intelligence et l'érudition qui rendent ses propos légitimes, et surtout un humour qui rend la lecture de son essai, souvent hilarante. Et comme il le dit, page 181 : « Il y a peu d'honneur à tirer de l'extermination des insectes. […] Mais aucune oeuvre n'est complètement dépourvue de conséquences. Il s'agit d'une question plus grave que la nullité de tel ou tel auteur. L'invasion de ces niaiseries étouffe la littérature française. » Une lecture hygiénique à méditer, plus que jamais, en cette période de pré-rentrée littéraire ! + Lire la suite |