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Critique de Fabinou7


Le jeune James Joyce, en dépit du titre, ne nous lègue pas exactement un guide du routard pittoresque avec “Gens de Dublin”. L'emblématique auteur irlandais, adepte du “courant de conscience” use de la (désormais) capitale d'Irlande comme d'un ancrage, certes tangible, mais au second plan. Car ce sont avant tout les pensées, fluctuantes, les entrailles des personnages, sur fond d'une banalité parfois insoutenable, qui font l'attrait de ces nouvelles. Les sentiments sont sans frontières, ainsi nous sommes tous et chacun ces gens de Dublin.

Joyce, bien qu'ayant sacrifié à quelques facéties d'éditeurs sur son style, affirme déjà la suprématie de la vie intérieure des personnages dans la narration, rejoignant ainsi au panthéon des écrivains du “flux de conscience” Italo Svevo, Henry James, Marcel Proust et bien sûr, Virginia Woolf. D'ailleurs en matière de style, si vous êtes effrayé par “Ulysse”, sachez qu'avec “Gens de Dublin”, vous ne risquez rien ! C'est un livre très abordable, simple dans son écriture.

Le recueil se compose d'un certain nombre de petites histoires, certaines sont des “épiphanies”, comme Joyce les qualifiaient. C'est-à-dire une fulgurante clairvoyance où le personnage se trouve à un moment de bascule et donne impulsivement un coup de volant tantôt à gauche, tantôt à droite, marquant la bifurcation irrémédiable de son destin. Une technique efficacement éprouvée dans la nouvelle “Eveline” par exemple.

Les vies de ces “Dubliners” sont tourmentées dans leur nostalgie par une cruelle amertume, à l'image de Gretta Conroy, l'épouse de Gabriel, dans la dernière nouvelle “The Dead” ou encore du guichetier “Mr. Duffy” dans “A Painful Case”.

La dernière nouvelle, “The Dead” est bien plus longue et représente assez bien le côté déroutant de James Joyce. On a presque l'impression de deux histoires en une… et pourtant c'est bien là tout l'intérêt, derrière l'histoire sociale, celle d'une soirée bourgeoise où, à l'ombre des chants frivoles, des palabres politiques (nous sommes quelques années avant l'indépendance de l'Irlande) se joue l'histoire profonde de deux époux, leur “humus intime” comme disait Robert Musil. L'ouvrage fera l'objet d'une adaptation cinématographique fidèle par John Huston, et Gretta Conroy renaîtra pour le spectateur sous les traits aquilins de sa fille, l'envoutante Anjelica Huston.

Ce film est d'un grand intérêt car Huston donne une interprétation très inspirée et éclairante de cette nouvelle, pleine de pénombre. Mais le fameux flux de conscience reste hors de portée de sa caméra. Notamment dans l'exercice impossible de la description des pensées du personnage de Gabriel, que les équivoques et ambiguïtés d'un jeu d'acteur tout en nuance ne peuvent suffire à faire sentir au spectateur, sans le recours, parcellaire et comme un aveu d'impuissance, à la voix-off…

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