99
Il n'y a pas de retour. La vie a pourtant des inversions qui renversent le sens du voyage. Des fleurs qui renouvellent leur floraison comme si elles cherchaient les visages de l'origine. Des regards qui se font circulaires comme s'ils poursuivaient l'extrémité du regard d'hier. Des pensées qui altèrent leurs voeux et soudain prennent en charge l'enfance de la pensée. Des mots qui séparent leurs lettres comme s'ils souhaitaient les unir différemment. Il n'y a pas de retour, mais toute chose vit en se palpant le dos, en marchant de dos, en se rêvant le dos, et en essayant de comprendre le dos d'autrui.
69
Nul ne possède rien. Pour posséder quelque chose, il est nécessaire de le mettre à nu, de s'emparer de son centre et d'avoir un espace où le protéger. Pour posséder une rose, nul ne peut la dévêtir de ses pétales et retenir son arôme. Les mains de l'homme sont toujours des mains vides. peut-être notre exercice fondamental consiste-t-il à écrire avec les mains vides.
70
Le je est toujours un verre brisé. Y-a-t-il un verre entier capable de nous contenir?
72
Chaque chose porte en soi son antithèse. Elle ne pourrait pas exister sans elle. La condition de la réalité est sa propre contradiction. Imaginer une réalité sans contradiction est une autre contradiction.
68
Lorsque quelqu'un meurt, il reste un espace vivant, depuis lequel nous parvient le regard dépris de son absence. L'absence est un regard: l'autre regard.
62
Ce qui s'égare doit être cherché en bas, toujours plus en bas. Si pour un instant, quelque chose s'est arrêté en haut, cela n'est qu'un refuge occasionnel et transitoire. Toutes les empreintes mènent vers le bas, même celles des choses les plus hautes. Il se peut qu'il y ait en bas un autre en haut, puisque le haut devrait être le lieu où toutes les choses tombent.
S'il existait une administration de l'univers, la tâche devrait être confiée à la folie.
59
Les choses visibles sont comme des souvenirs.
Les choses invisibles sont comme des oublis.
48
Tu m'as appris à ne pas couper les fleurs. J'ai soupçonné que tu étais complice de leur croissance.
45
Certaines fleurs s'attroupent pour fleurir, et elles ne fleurissent pas. Alors elles attendent. La force de cette attente peut peupler les déserts.