La première fois que j'ai été deux

Nul besoin d'être adolescent pour parcourir ou apprécier l'histoire d'une jeune femme en passe de devenir une adulte. On ressort de cette lecture avec de nombreuses questions sur la vie, sur l'amour…
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Si je m'étais arrêtée aux 2/3 du roman, j'aurais dit : " Bof, une romance contemporaine ; une lycéenne rencontre un Anglais exotique et découvre l'ivresse de l'amour. Peu d'actions, beaucoup de discours intérieur et de réflexions sur la vie. Des événements banals, avec du rêve dedans : un joli scooter, des musiques rétro, une époque révolue et la ville de Londres." Je lis peu de romance ; ce n'est pas ma came principale, mais…
En refermant le livre, je me dis que le sujet était ailleurs. Il parle plutôt de ce moment où adolescent, on touche à ce qu'il y a de + précieux ou de + vertigineux dans la vie, où on comprend que ça peut vraiment s'arrêter : où on bascule dans l'âge adulte. Mais l'auteur s'en est-il rendu compte à temps ?
Par contre, quel style ! L'humour un peu cynique de la narratrice rappelle le ton adopté dans les délicieuses Petites Reines de Clémentine Beauvais. C'est assez rare, dans les livres young adult pour être souligné : on ne s'attarde pas sur le style, quand les mots doivent s'effacer derrière l'histoire. Pourtant, c'est une forme d'illustration du sujet et la démonstration que seul son auteur pouvait faire.
Le choix des temps m'a semblé assez cavalier. Je ne saurais dire si l'utilisation en est brillante ou maladroite, mais c'est un joli mélange de 2 systèmes de temps qu'on maintient séparés d'habitude : le présent et le passé. La narratrice se situe-t-elle dans l'histoire qu'elle nous raconte ou très longtemps après ?
Karen est une vieille âme, hors de son temps, que son regard critique ausculte : c'est assez drôle. Construite par les livres, elle n'a encore rien vécu, même si elle a beaucoup subi. Se superpose à elle une Karen de 17 ans, qui pense comme moi, au lycée : "Les garçons sont des crétins qui ne valent pas un rond." mais ne peut s'empêcher d'être une grande romantique.

L'Anglais m'apparaît plutôt comme une image, une idéalisation de l'amoureux parfait, que comme une véritable personne. Peu crédible, il répond pourtant au fantasme de rencontrer un galant jeune homme old fashioned. Et tenez-vous bien : c'est un Darcy !!

L'histoire d'amour dévore une grosse partie du roman, mais le livre aborde également l'amitié. Ainsi, j'ai aimé Jonathan, son incroyable mémoire et son amour à sens unique ; Mélanie a tout de la copine un peu chiante mais toujours là. Ces 2-là constituent le socle de Karen, celui du passé sur lequel se reposait la Karen d'avant sa métamorphose.
La narratrice nous montre aussi le monde des adultes. Elle le passe à la moulinette des critères exigeants de l'adolescent : menés par l'égoïsme, incapables de vivre avec les choix qu'ils ont faits, assez peu fiables en fait parce qu'eux-mêmes perdus.

Ce livre est une promesse dont le sujet n'est pas encore tout à fait maîtrisé mais où l'auteur a fait plusieurs expérimentations qui feront mouche bientôt. L'héroïne est attachante, son histoire plutôt réaliste et la fin nous pose question, ce qui est bon signe.
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