Approches, drogues et ivresse

La liberté existe toujours. Il suffit d’en payer le prix. 
(Henry de Montherlant)

C’est la bière qui rend la soif agréable. 

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Le rapport de l’homme à l’ivresse est l’un des plus importants qui soient, et il est normal que l’éducation et les lois s’en préoccupent jusque dans les détails. Nous rencontrons en cela une palette multicolore, qui s’étend de l’interdiction absolue, en passant par la restriction, jusqu’à la tolérance, voire même la faveur manifestée aux plaisirs de la bouteille. Le tableau devient plus troublant encore par la multiplicité des raisons invoquées. L’abstinence du protestantisme tardif, en Amérique et dans les États scandinaves, est autre que celle prescrite dans la religion islamique. Mahomet lui-même est un modèle de ces âmes qui, sans avoir recours aux moyens artificiels, sont ouvertes aux quatre vents de l’Esprit.

Il peut se passer de vin tout aussi bien que saint Antoine. Les derviches accèdent à l’extase par le pur mouvement. Et, de fait, la danse est un moyen de long temps éprouvé pour sortir de soi-même. L’abstinence qu’exigent l’Armée du Salut et l’Islam vise au même but, mais d’un côté, elle est fille de la pauvreté, et de l’autre, elle naît du trop-plein. Hebbel l’a fort bien conçu dans son poème L’Odalisque.

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Le savoir est plus que la science. Le savoir est mis en forme par la discipline. Reprenons le fil de la présence et de l’absence. Quand le marteau du géologue dégage l’ichtyosaure du schiste, l’animal est présent ou sa momie, ou tout au moins son empreinte. Cette présence fut toujours possible, et ceci dès le temps de Scheuchzer, où l’on interprétait de telles découvertes comme des restes du Déluge.

Survient alors un principe nouveau, qui ouvre la voie à la science, et même au savoir : l’Éros du regard, qui abolit le temps en le traversant. Il évoque l’absent pour le conjoindre au présent. Cette absence n’est pas née du temps, si longue qu’ait été sa durée. Le temps n’est rien de plus qu’une forme de l’absence.

Le souvenir de ces êtres a été effacé durant des millions d’années. L’Éros a provoqué une résurrection – ou du moins sa partie la plus importante, la partie platonicienne. Si, sans que fût intervenu ce préliminaire, on avait rencontré un dinosaure vivant, par exemple dans une forêt vierge ou sur Mars, ce ne serait qu’une simple curiosité au prix de cette renaissance due à l’esprit.

Donc, une résurrection partielle, une citation à entrer dans la grande arène des représentations concrètes. Et pourtant, rien qu’une copie passagère, un symbole du mystère. Rien qu’une approche.

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Un nouveau rapport avec la mort se fraie son chemin. Fait plus important que toutes les prouesses accomplies au sein du monde technique : un Grand Passage.

Non moins que les parois calcaires, le désert est vivant. Moïse le savait. C’est avec le serpent métamorphosé en verge qu’il a fait jaillir l’eau du rocher. Dans nos déserts aussi, la soif de cette eau est vivace ; ils sont remplis d’assoiffés. Et elle ne fait que s’aviver, une fois que l’homme l’a étanchée.

Il semble bientôt que l’État, le « dragon aux mille écailles » soit le seul être à hanter encore le désert qu’il pare de ses mirages. Le suprême monopole est celui des songes ; les prêtres l’ont su de tout temps.