Ca commence gentiment comme le Club des 5 va camper - sans Dagobert - décor sylvestre et montagnard, lac d'argent, ciel bleu et soleil généreux. Au centre de cette carte postale, est plantée une colo, où sont réunies 3 amies, Kristy, Kristi et Desiree, jeunes filles issues de familles aisées, participant à un stage d'entraînement, pour parfaire les techniques que doivent maîtriser les pom-pom girls pour faire vibrer les supporters.
Leurs préoccupations sont frivoles, celles d'adolescentes insouciantes, gâtées, habituées à ce que rien ni personne ne leur résiste. Elles se sentent le centre du monde, et éternelles dans l'éclatante beauté de leurs 17 ans jusqu'à ce qu'un grain de sable vienne enrayer ces rouages pourtant bien huilés, ceux d'un bonheur quasi-prédestiné, fruit de leurs origines sociales.
Lors d'un arrêt dans une station-service au cours d'une virée en Mustang rouge, les filles repèrent deux jeunes hommes, des craignos, des nazes, des bouseux, autrement dit deux ados du terroir, désoeuvrés à bord de leur vieille bagnole rouillée, qui matent ces aguichantes poupées Barbie à moitié dénudées, provocantes, sans doute, selon leurs critères de provinciaux arriérés. A la suite de ces regards échangés, le cours de l'été initialement placé sous le signe du flirt, de l'émancipation encadrée, sera modifié, modifiée également la trajectoire de vie de Kristy qui fera un saut sans parachute du monde de l'adolescence dans celui des adultes.
Laura Kasischke distille l'angoisse à partir de faits réels ou imaginaires du quotidien de Kristy. La frontière entre le vrai et l'onirique est mouvante. Tout se déglingue autour de Kristy tandis que la menace grandit, rendant l'atmosphère irrespirable, le drame inexorable. Avec talent et méticulosité, elle décrit les modifications bouleversant les jeunes filles lors de la si vulnérable période de l'adolescence. Plus tout à fait gamines, pas encore femmes, elles voyagent constamment entre ces deux mondes, enfantines quand elles craignent un moustique ou femelles quand elles provoquent un homme.
Il y a du génie chez
Laura Kasischke. Telle une orfèvre suisse, elle assemble sous les yeux de ses lecteurs, avec délicatesse, patience, virtuosité, toutes les pièces d'un mécanisme qui s'imbriquent sans aucun jeu au cours des dernières pages. de la belle ouvrage réalisée par une artiste des mots et des émotions.