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Citations sur L'éternel masculin (21)

Voici l'enseignement qu'on […] peut tirer aujourd'hui [de l'amour courtois] : sans respect, sans estime réciproque, l'amour ne saurait exister, le plus bel amour et le plus durable étant indissociable de l'admiration. Un amour où l'on se sent captif ou bien humilié est mortifère et faux. (Pour les troubadours un « amour dégradant » est un barbarisme.) Enfin un amour qui ne fait pas chanter, créer apparaît comme un triste simulacre et la seule attitude noble consiste à fuir ou à briser cette néfaste relation. La fin' amor nous rappelle les vertus d'honneur et d'admiration indispensables à toute relation digne.
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La virilité, c'est aussi ne pas faillir à son destin, ne pas esquiver les grandes rencontres, les grandes épreuves. De même qu'il n'y a pas de virilité sans vertu, il n'y a pas de héros sans éros.
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Il est, le Roi, le plus malheureux et le plus heureux des hommes. Le plus affligé et le plus protégé par le Ciel. Des coups violents s’abattent sur lui et plus que d’autres la grâce l’inonde. Il chante, il désespère. Il vit dans le brasier et la fontaine. Il est fait pour les terribles deuils et les rencontres exceptionnelles. Il navigue d’un extrême à l’autre et jamais, jamais ne se fige dans un état. Mais d’un extrême à l’autre il passe toujours par le lieu du cœur – ce lieu mystérieux d’où tout jaillit et où tout se transforme.

Le Roi est la somme de tous les mythes masculins parcourus en ces pages, leur sens aussi et leur accomplissement. Il harmonise en lui les figures de l’enfant, du conquérant, du troubadour, du méditant… Assumant toute la condition humaine et toute la destinée angélique, le Roi représente le Dieu en soi. Pour devenir immortel que faire d’autre que s’identifier au Soleil ou à la Divinité ? Ce n’est pas un blasphème, c’est une évidence. Ainsi parlait-on encore au XVIIe siècle de l’Imitation de Jésus-Christ. Tâcher de ressembler à ce qu’il y a de plus accompli est bien la seule façon de devenir vertueux. « Sois un Dieu toi-même », enseignaient les pythagoriciens. Noble programme, plus exigeant que de s’avouer misérable, pauvre pécheur. « La première manière qu’ont les hommes d’imiter le culte divin est de se vénérer eux-mêmes comme des dieux », écrivait Marsile Ficin. Plus tard Angelus Silesius reprendre le message : « Tu ne viendras pas au ciel que tu ne sois toi-même, avant, un ciel vivant. »

Aujourd'hui la perfection fait peur. On préfère se dire malportant et on fait appel à toutes les absolutions des thérapeutes, à toutes les excuses fournies par les démagogues et les travailleurs sociaux pour se soustraire à ce devoir d’homme : devenir grand, noble, vertueux. Ce n’est pas la religion qui est en cause : bon nombre de grands hommes des siècles passés – artistes, savants, souverains – pratiquaient les vertus chrétiennes, qui les firent magnanimes. C’est une pensée tournée constamment vers le besoin élémentaire. Si l’homme moderne tremble à la seule idée de la perfection, c’est qu’on lui a ratatiné l’âme et supprimé tout désir ; la marée noire de la psychiatrie et de la psychanalyse a englouti l’aventure intérieure, confondant de façon diabolique le spirituel avec l’inconscient.

Quels sont les modèles que propose aux jeunes une société engluée dans l’utilitaire et le déterminisme ? Aucun, ou bien ces pâles idoles du sport et du « show-business » ou ces « battants » qui prônent la réussite matérielle. Ces ombres éphémères et souvent grotesques, liées au court terme, ne remplaceront jamais les mythes dont le contenu intemporel s’adresse à la partie la plus fine et la plus durable de notre être. Fréquenter la beauté, se vouloir soleil comme Pharaon, imiter Jésus-Christ comme le suggérait François de Sales : on n’a rien trouvé de mieux jusqu’ici pour développer sa sensibilité et accroître ses vertus. Si les parents, les professeurs font défaut à cette éducation, il reste l’immense ressource des livres, des œuvres d’art, il reste le silence intérieur et la réflexion solitaire.

Du code courtois à la morale de la grandeur d’âme, de la conduite héroïque et l’idéal chevaleresque court une seule vertu : l’exigence. Et contrairement à ce que grognent les médiocres, les démissionnaires, l’exigence est un plaisir. Un plaisir d’une rare qualité.
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La légèreté signe l’être désencombré des possessions matérielles et des certitudes, des tourments existentiels et des affres du sentiment. L’homme véritablement profond et méditatif se reconnaît à sa légèreté : il ne pontifie ni ne s’impose, il rend joyeux ceux qu’il rencontre, il est poreux et sans doute a-t-il la tête duvetée pareille à la fleur de pissenlit… La qualité spirituelle d’un individu se mesure à sa légèreté symbolisée par la danse et le vol de l’oiseau, à sa joie figurée par le rire et sa simplicité. La simplicité n’a rien à voir avec la médiocrité mais avec la limpidité, telle est la leçon du ravi. Tandis que l’intellect agite des questions et que le psychisme s’avère compliqué, le royaume de l’Esprit est clair et immensément simple. Le monde de l’esprit ne connaît ni problèmes ni pesanteur. Il n’est pas fait de certitude mais d’évidences.
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L’élan créateur, indissociable de l’élan d’amour, défie la mort et construit sur l’irréparable. Certains ont déclaré qu’après Auschwitz (on pourrait dire, aussi bien, après le génocide du Cambodge) on ne pouvait plus écrire de poésie. Au contraire, il faut plus que jamais chanter. Non pour nier ou oublier l’horreur mais pour affirmer glorieusement qu’il y a plus fort qu’elle : la beauté, l’amour, unis dans l’œuvre d’art. Je pense aussi au peintre Hundertwasser dont la biographie indique un trou de quelques années, en face de quoi l’artiste a sobrement écrit : « chagrin d’amour ». Et puis la vie repart, la création reprend. Le peintre a-t-il fait une nouvelle rencontre ? Ce n’est pas sûr, du reste devenir amoureux n’est pas en notre pouvoir. Mais il a eu le courage de se remettre à la tâche (et cela est donné à tous). En créant, l’amour revient aussi, de façon circulaire, et l’amour à son tour alimente l’œuvre. C’est toujours l’histoire du jeune homme plein de foi et de vigueur face au vieil Amfortas qui perd tout son sang. L’élan créateur vient là pour panser les blessures et leur donner sens. À juste titre l’artiste peut se sentir, comme le chevalier et comme Don Quichotte, porteur d’une mission cosmique, salvatrice : il ne crée pas pour affirmer son individualité, son originalité, mais pour transmettre le fil de l’Âge d’or, pour faire revenir sur terre – si souvent gaste, stérile – l’amour et la beauté, pour vaincre ou transfigurer la détresse du monde. En ce sens Kazantzákis déclarait : « Mon but quand j’écris n’est pas la beauté, c’est la rédemption. » Le grand artiste est un passeur. Il a pour tâche de maintenir le lien entre Ciel et Terre et de faire tourner la Roue.
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Le très ancien affrontement entre esprit courtois et esprit bourgeois se traduit aujourd'hui par l’immense fossé qui sépare les hommes d’élan chevaleresque et les hommes mus par le calcul politique. Les premiers suivent un idéal, les second ont de l’ambition. Alors que la plupart, dressant une liste de vœux, supputent ce qu’ils attendent de la vie, les hommes d’honneur, eux, se posent la question : qu’est-ce que la vie attend de moi ?

À l’élan chevaleresque correspondent l’enthousiasme, un cœur confiant et loyal, l’implication personnelle, le courage et l’altruisme ainsi que la notion de service et la générosité. Noblesse oblige. C’est dire que plus on a reçu de dons ou de talents, plus on a de puissance et d’intelligence, et plus on se sent des devoirs envers les autres. À l’opposé, la démarche politique, fruit de calculs et d’intérêts personnels, vise le pouvoir et au lieu de servir elle devient un cumul de privilèges : plus haut est-on placé dans la hiérarchie politique, plus on a de droits et de subsides.

L’honneur est une vertu individualiste, une qualité d’exigence et de dépassement qui n’a pas besoin de l’approbation d’autrui. Il repose sur le respect et l’estime de soi, hors de toute implication communautaire. De l’honneur, lié à l’individu conscient, on est passé aux honneurs, décorations extérieures et signes publics, comme de l’esprit chevaleresque on est passé à l’affairement politique et syndicaliste.

En juin 1870 paraît un décret officiel qui attribue la Légion d’honneur au peintre Courbet. Dès le lendemain Courbet envoie une lettre au ministre des Beaux-Arts pour dire qu’il refuse cette décoration : « L’honneur n’est ni dans un titre ni dans un ruban, il est dans les actes et dans le mobile des actes. Le respect de soi-même et de ses idées en constitue la majeure part. Je m’honore en restant fidèle aux principes de toute ma vie ; et si je les désertais, je quitterais l’honneur pour en prendre le signe. » Et cette superbe missive se termine ainsi : « J’ai cinquante ans et j’ai toujours vécu en homme libre ; laissez-moi terminer mon existence libre ; quand je serai mort il faudra qu’on dise de moi : celui-là n’a jamais appartenu à aucune école, à aucune Église, à aucune institution, à aucune académie, surtout à aucun régime, si ce n’est le régime de la liberté. »

Suivant le fier exemple de Courbet, on pourrait dire que l’honneur aujourd'hui est de garder la tête haute en refusant aussi bien toute humiliation que toute récupération et tout assistanat plus ou moins déguisé. C’est refuser que notre bien-être, notre culture, nos loisirs, notre façon de penser soient « gérés » par le politique, par tel parti ou tel groupe. C’est refuser de se laisser corrompre ou même flatter par les entreprises de tout genre qui distribuent des assurances, une manne financière ou des « honneurs ». Je pense ici à mon ami Éric, âgé de trente-cinq, qui est sculpteur. Il est allé un jour prendre un rendez-vous à la mairie de son arrondissement pour connaître les logements disponibles dans son quartier, et à peine avait-il ouvert la bouche que l’assistante sociale lui déclarait que, étant donné sa situation précaire, il « avait droit » au RMI. Réaction immédiate d’Éric, offusqué : le refus. Par fierté. Parce qu’il n’est ni impotent ni âgé ni fainéant. Parce qu’il est un artiste, non un parasite. Et le chevalier est reparti, la tête haute, laissant éberluée la pauvre assistante qui ne cherche qu’à assister…

L’honneur n’a pas pour sens de plaire à l’autre mais de ne pas se dégrader à ses propres yeux. Comme il n’apparaît pas comme une vertu démocratique, il est souvent renié ou moqué de nos jours. L’honneur s’adresse en effet au mérite, à la dignité de l’être humain. On n’honore pas un homme parce qu’il est un exemplaire parmi d’autres de l’espèce humaine mais parce qu’au lieu d’être vil, médiocre, cruel, pervers, il montre courage, liberté et vertu. La grande confusion de la démocratie est de croire que l’égalité entraîne la solidarité. Or l’aide, la fraternité, l’amitié sincère sont le fait, l’apanage même, d’individus souverainement libres, indépendants et maîtres d’eux, qui n’ont pas pour souci premier et obsédant l’égalité de tous. Ce n’est pas un hasard si la noble vertu qu’est l’amitié fut pratiquée par les héros antiques, par les chevaliers médiévaux, par les philosophes et les artistes véritables : l’amitié célèbre toujours la parfaite solitude de l’autre, elle est pure générosité et d’essence aristocratique.
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Un individu dépourvu du sens de l’honneur, de son honneur, est prêt à commettre toutes les bassesses et il peut être manipulé par tous les démagogues qui ont remplacé l’honneur par la flatterie et les nobles causes par les revendications intéressées. Or le respect de soi, essentiel au sentiment de l’honneur, est confondu aujourd'hui avec le narcissisme, la forfanterie, l’image de marque. Avoir le sens de sa dignité est la moindre des choses si l’on se dit un être humain : c’est une valeur humaniste et spirituelle essentielle. Rien à voir avec l’arrogance ni avec la délectation délétère qu’on appelle nombrilisme. Par respect de soi et par fierté personnelle, on ne s’abaissera pas à des pensées ou à des conduites viles, même si tous les autres le font ; on ne cherchera pas à « profiter », à « resquiller », même si tous les autres mentent ou manigancent. Celui qui a le sens de l’honneur n’a pas besoin du regard, du jugement ou de l’approbation d’autrui pour se conduire noblement ou, tout du moins, correctement. « La parfaite valeur, disait La Rochefoucauld, est de faire sans témoins ce qu’on serait capable de faire devant tout le monde. » L’honneur permet de mourir debout – que l’on soit athée ou persuadé de son âme immortelle – ou de faire le sacrifice de sa vie. C’est, par l’étude, la culture, l’œuvre artistique ou l’œuvre d’amour, défier la mort qui approche et partir sans un regret mais avec un grand rire. Au lieu de se morfondre, de critiquer, c’est créer, et faire circuler l’espérance joyeuse.
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De même que notre époque a inventé les nouveaux pères quand le couple s’est montré défaillant, quand les divorces et les mères célibataires se sont trop accrus, afin de rassurer tout le monde, de même la tendresse comme « valeur sûre » vient à point nommé pour dissimuler le constat effarant et colmater la brèche qui grandit en Occident : le déclin du courage, la défaite de la pensée et la lâcheté ordinaire.

Tant que la tendresse sera le refuge des faibles, des couards et des paresseux, de tous ceux qui n’osent pas vivre sur d’autres registres, elle demeurera suspecte. Car la tendresse est un aboutissement, non un abêtissement. Le futur héros quitte le giron maternel, il s’éloigne de la terre natale pour découvrir, rencontrer, faire ses preuves. Le courage est premier, le courage inhérent au guerrier. C’est une vertu nomade, une énergie centrifuge. Sur le chemin le héros rencontrera l’amour, la beauté, la magie, la folie, l’horreur, la douleur, tant d’autres expériences, puis il éprouvera, s’il n’est pas mort en route, le désir du retour, le besoin de revoir son pays, sa famille, de prendre femme. La tendresse, comme la nostalgie, est une vertu tranquille – comme on parle d’un vin tranquille –, une énergie centripète. Elle n’inspire pas la quête, elle peut l’achever.

Il est aberrant de souhaiter avant tout un « homme tendre » : ce faisant on court-circuite le voyage initiatique, on bloque le développement du héros. Toutes les femmes qui continuent de demander aux hommes de « montrer leur tendresse », d’« exprimer leurs émotions », de « développer leur part féminine », etc., se trompent complètement. Il faut d’abord leur demander de montrer leur courage, leur ardeur généreuse. Le reste – la façon s’aimer – suivra… ou non. L’amour n’est pas pour les lâches. Notre monde n’a pas besoin de « gentils garçons » mais d’hommes valeureux.

Que peut valoir un amant qui n’ait fait l’expérience du voyage, du dépaysement, de la solitude, du danger ? L’amour n’est-il pas un haut défi, un rare combat singulier ? C’est pourquoi le héros du mythe n’en fait pas l’expérience tout de suite, moins pour ménager ses forces que pour les exercer et acquérir de la finesse. Et s’il s’est montré hardi dans l’épreuve, loyal dans les rencontres, il ne fuira pas la joute amoureuse et s’y livrera en jouant de toutes ses ressources – non seulement la force physique mais le raffinement, l’imagination, la magie, la ferveur, la délicatesse, le savoir… L’amour n’est pas pour les rustres ni pour les débutants.
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Jamais un héros ne souhaite se protéger – des difficultés, du mal ou du malheur, des autres, du hasard ou des intempéries. Il aime affronter, ressentir, il ne se dérobe jamais. C’est pourquoi son sens de l’épreuve va de pair avec son goût de rencontrer. Ce pourrait être une définition, parmi d’autres, du héros : celui qui va à la rencontre… Les épreuves comme les rencontres, quelle que soit leur nature, loin de perturber le héros, l’enrichissent toujours et lui offrent du nouveau. On ne sait qu’après si la rencontre est bénédiction ou douleur, qu’après l’avoir vécue. Dans le domaine initiatique, on ne peut rien prévoir mais s’attendre à tout. Ainsi certaines horribles rencontres sont des signes d’élection : le héros solaire est de taille à affronter le Mal, il ne va pas perdre son énergie à des peccadilles. Les tentations, les épreuves affreuses et les rencontres violentes sont là moins pour faire vaciller l’âme du héros que pour lui donner sa mesure. En ce sens elles ne sont pas proposées à tous. L’homme le plus malheureux est bien celui à qui il n’arrive jamais rien, dont l’existence ne connaît pas de vagues, et non celui qui traverse des périls, connaît des crises et des maladies.
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La vertu, c’est le courage de devenir ce qu’on est de plus beau.
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