C'est le dernier livre qu'a écrit Philip kerr avant de nous quitter. Ce roman se passe en 1928, à Berlin, sous le régime de la République de Weimar, et c'est, en fait, la première enquête de Bernie Gunther, qui vient d'être nommé inspecteur à la Kripo.
Alors, si
Philip Kerr nous a fait rencontrer les hauts dignitaires du régime nazi dans ses différents romans de la série Bernie Gunther, ici, il nous entraîne dans les bas-fonds de Berlin. Et ce sont les prostitués, les macs, les dealers, les jeunes voyous des gangs, la pègre berlinoise que nous cotoyons dans les cabarets célèbres de cette époque !
Pour trouver l'assassin des 4 prostitués sauvagement et celui qui a abattu des anciens soldats estropiés de 14-18 et mendiant sur la rue, Bernie Gunther va prendre des méthodes radicales et nouvelles. Cela lui vaudra quelques deboires, mais le jeune inspecteur encore traumatisé par son séjour dans les tranchées de France y trouvera une forme de salut. 10 ans après la guerre, 5 ans après la crise de 1923, Berlin souffre des graves séquelles économiques et psychologiques. le Parti socialiste allemand a pris les rênes du pouvoir mais rien ne va. Les crises se succèdent et monte alors cette idée que la société allemande dégénère. Et, s'il faut mettre de l'ordre, un homme politique (Hitler)et son parti de lumpens (les bandits, les chômeurs, les antisémites) récupérés par les SA qui courent les rues pourrait être une option... C'est en tous cas, ce que disent les lettres envoyés à la presse par le Dr Gnadenschuss, qui tue ces mendiants, ces prostitués qui déshonorent l'Allemagne...
Alors s'engage une course poursuite contre le tueur et le temps. Car le pouvoir social démocrate ne peut tolérer ces méfaits, qui est ce tueur ? Un nazi, un étranger, un corps francs, un casque d'acier ?
On croise Théa van Harbou (femme de
Fritz Lang), on y entend
Kurt Weill et son Opéra de Quat's sous, George Grozs et ses concepts dadaïste. Tout cela sent le souffre, l'art extrême, une forme d'explosion de la société allemande martyrisée par tous ses malheurs. On y voit l'irrésistible ascension des idées crasses du nazisme, avec l'antisémitisme grandissant dans la police de Berlin.
Dans ce premier opus de Bernie Gunther,
Philip Kerr ne fait pas dans la dentelle, surtout pas avec les femmes ! Certains trouveront B. Gunther mysogine, alcoolique, mais son attitude reflète sûrement ce qu'était la société de l'époque. Une société dure dans laquelle les allemands se débattaient pour survivre crises après crises et payaient leur défaite de 14-18. Les communistes se battaient encore dans les rues contre les nazis, les sociaux démocrates avaient écrasé les révolutionnaires Spartakistes, et le désordre régnait... On connaît la triste suite !
Pour moi, c'est un très bon
Philip Kerr qui retrace l'origine de son héros Bernie Gunther. On comprend mieux le personnage , son côté un peu ours et brut de décoffrage, son humour pince sans rire désabusé, ses relations particulières avec les femmes, ses méfiances et aversions des idées politiques de son époque (le nazisme et le communisme).
C'est une bonne introduction à tous l
es autres romans de la série, à lire donc en premier...