Nazis dans le rétro
Où on retrouve Bernie Gunther, le détective privé de la Trilogie Berlinoise.
Si cette dernière se révélait à mon avis, assez inégale, "
La mort entre autres" est un roman parfaitement réussi. L'intrigue est intéressante sans être exagérément complexe et Bernie retrouve son humour et son détachement quasi philosophique.
Pourtant, les évènements ne l'épargnent pas : sa femme meurt et une cliente va l'entraîner dans un piège infernal, dont il ne sortira qu'au terme d'une lutte contre d'anciens nazis désireux de prendre l'air et d'américains prêts à les utiliser.
Le style du livre gagne beaucoup au dépouillement relatif de l'histoire. On retrouve bien sûr les traits principaux du détective : naïveté et clairvoyance mélées, misogynie latente, mépris pour les habitants de la Bavière ("Munich est ce genre de ville. Etroite d'esprit. Même un peu rustique et primitive. Ce n'est pas un hasard si Hitler a débuté là", "Le véritable coeur du nazisme, c'était Munich. Et ça le reste, ce qui ne m'étonne guère".) et pour les forces d'occupation françaises et son armée en général ("Mais les Rouges ont continué à se battre, là où d'autres -les Français par exemple- auraient sûrement déjà rendu les armes").
Nazis et alliés côte à côte, réseaux catholiques d'assistance à des criminels de guerre, groupuscules de justiciers juifs...Inutile de dire que cette humanité ne trouve pas grâce aux yeux de Gunther.
Sa vision de l'Allemagne d'après-guerre est sans illusion, hantée par la responsabilité collective (p137) : "'Comment avez-vous pu faire ce que vous avez fait ? C'est une question que je me suis souvent posée. Je n'ai jamais trouvé de réponse ; je crois qu'aucun de nous n'aura jamais de réponse. Quelle réponse acceptable pourrait-il jamais y avoir ? C'était juste arrivé un jour en Allemagne, il y a de cela environ 1000 ans".
Mais ce qui surprend le plus, ce sont les réflexions vis-à-vis de la religion. Certes, Gunther n'a jamais laissé penser qu'il était un chrétien convaincu. Mais là, il va plus loin et s'exprime de manière assez rude : -Gunther après s'être signé : "encore un type de comportement humain fort singulier destiné aux manuels d'anthropologie. Comme d'osciller devant un mur, s'agenouiller dans la direction d'une ville du Moyen-Orient ou tendre le bras en hurlant « Sieg Heil ».
Bigre !
Ou encore : "C'était peut-être dû aux petites lunettes sans monture et à ce visage d'ascète, mais le pape avait quelque chose qui me rappelait Himmler".
Houlà !
Même à propos de la bière, il arrive à livrer une curieuse exégèse : "toute la réforme est imputable à la bière forte. le vin reste la boisson catholique parfaite. Il endort les gens et les rend conciliants. La bière les transforme en ergoteurs.".
Enfin dans l'épilogue, il accuse ouvertement le pape d'aider les nazis en raison de son aversion envers le communisme.
On le voit, ce roman expose une radiographie des lieux, d'une époque et de moeurs, dont les contours sont parfois sans nuance, ce qui pourrait en irriter plus d'un.
Mais, rappelons-nous qu'il s'agit d'un personnage de fiction et que compte tenu des épreuves qu'il traverse ( jusqu'à la fin du roman qui ne se termine pas vraiment de manière heureuse), Gunther bénéficie de nombreuses circonstances atténuantes. Non?
En tous cas, les faiblesses de la Trilogie sont oubliées: Gunther est de retour.