Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, initialement parue en 1997, écrite par JM DeMatteis, dessinée par
Graham Nolan, encrée par
Karl Kesel, et mise en couleurs par Gloria Vasquez. Spider-Man et Batman s'étaient déjà croisé une fois dans Disordered minds (1995, en VO), également écrit par JM DeMatteis.
Un télévangéliste est en train d'intervenir à la télévision, évoquant une multitude de désastres : tremblement de terre au Sud de l'Inde, inondation dans le Midwest, attentat terroriste dans une mosquée à Jérusalem. Il conclut en expliquant qu'un sauveur arrive et en montrant son tatouage dans la paume de sa main : celui de Ra's al Ghul. Dans sa cité au Tibet, ce dernier se recueille devant les dieux de plusieurs religions pour chasser ses doutes. À New York, Peter Parker souhaite une bonne nuit à
Mary Jane, et Spider-Man s'en va se battre contre des hommes de main, interrompant une transaction illégale. À Montmartre, Wilson Fisk retrouve enfin Vanessa, son épouse très malade. À Gotham, Batman a une rencontre orageuse avec Talia (la fille de Ra's al Ghul) qui va ensuite rencontrer Wilson Fisk pour affaires. Batman se rend également à New York.
La première page est aussi parlante pour le lecteur découvrant l'univers de Batman que pour celui le connaissant de longue date. Ra's al Ghul est un terroriste écologique qui a la conviction qu'il faut épurer les civilisations actuelles, pour pouvoir en installer une plus respectueuse de son environnement. Et pour ce faire, il n'y a pas 36 moyens : il faut exterminer la majeure partie de la population terrestre, grâce à des cataclysmes de grande échelle. le lecteur s'attend alors à quelques discours bien sentis sur les civilisations humaines cancéreuses pour la planète Terre. Pas du tout, JM DeMatteis raconte une bonne vieille histoire de superhéros, sur base de récit d'aventure du dix neuvième siècle, avec une pincée de James Bond, et un peu d'amour.
Côté superhéros, DeMatteis évite certains clichés (pas de bagarre due à une incompréhension entre Batman et Spider-Man), mais en utilise d'autres d'un autre âge (Batman et Sipder-Man enlevant des masques avec lesquels ils s'étaient fait passer pour des hommes de main, et révélant leur costume en dessous, cape comprise, bon retour dans les aventures de Batman des années 1960). Peter Parker est le mieux traité des 2 superhéros : sa réelle connivence avec
Mary Jane, sa personnalité qui transparaît bien (ses blagues pour se détendre, sa volonté de bien faire, c'est lui qui convainc Batman de travailler ensemble), et un ou deux détails extraits de sa série (un cadre avec sa photographie de mariés, où apparaît
Mary Jane dans sa robe aisément reconnaissable, créée par Willi Smith, styliste de mode). le personnage de Batman est traité de manière plus superficielle, sans apparition d'Alfred, avec une relation stéréotypée entre Talia et lui, sans moment où il brille de mille feux.
Côté récit d'aventure, DeMatteis puise son inspiration dans les voyages extraordinaires emmenant les 2 superhéros dans une cité reculée et ignorée au fin fond de l'Himalaya. le lecteur a droit bien sûr au voyage périlleux dans la neige et à l'avalanche obligatoire.
Graham Nolan dessine tout ça de manière peu palpitante, et ne se risque même pas à donner une vue d'ensemble du royaume de Ra's al Ghul. le récit s'achève dans une immense base souterraine bourrée de technologie, tout droit sortie d'un film de James Bond des années 1970, là encore avec des dessins banals. Parmi les clichés usés jusqu'à la corde, et un peu infantiles, le lecteur trouvera le signe de reconnaissance peu crédible (le tatouage représentant une tête de démon, symbole peu crédible pour un sauveur, ça ne met pas en confiance), Ra's al Ghul qui laisse ses sbires s'occuper de Batman et Spider-Man (alors que tout le monde sait qu'ils ne feront pas le poids), et les héros qui arrivent juste au bon moment pour empêcher les méchants d'appuyer sur le bouton déclenchant les cataclysmes.
Les dessins de
Scott Hanna s'inscrivent dans un registre assez réaliste, un peu simplifié, avec des tics propres aux comics (en particulier des expressions de visage systématiquement exagérées), et une bonne densité d'arrière plan. En prêtant attention aux images, il est possible de repérer quelques détails plus personnels. Il y a la façon dont Hanna représente le Kingpin, qui est calquée sur celle de
John Romita senior. L'arrière plan de la scène à Paris ressemble vraiment à une rue de Montmartre.
Mary Jane porte des pantoufles en forme de patte de tigre (trop mignon). Batman porte un costume sans slip par-dessus (des années avant New 52).
L'un des thèmes sous-jacents du récit réside dans les différentes formes d'amour entre les personnages, malgré les défauts du partenaire. À l'évidence, DeMatteis privilégie le couple
Mary Jane / Peter comme modèle de compréhension et d'amour respectueux de l'autre. Les 2 séquences mettant en scène ce couple montre des personnes différentes acceptant le caractère différent de son conjoint. Malheureusement, il a la main plus lourde en ce qui concerne les autres couples. La relation Talia / Batman en reste aux stéréotypes de "ils s'aiment, mais tout les oppose". DeMatteis s'en tient à Batman qui refuse de se compromettre avec la fille de son ennemi, et Talia qui refuse de renier son père. La relation Wilson Fisk / Vanessa reste également en surface, avec Fisk possessif, et Vanessa dégoûtée par ses activités criminelles mais amoureuse quand même. La relation fille / père entre Talia et Ra's al Ghul est du même niveau.
Cette deuxième rencontre entre Batman et Spider-Man écrite par JM DeMatteis s'avère un peu plus convenue que la première. La thématique de la relation amoureuse en dépit des défauts du partenaire n'est pas aussi bien développée que celle de l'entraide dans la première rencontre. Les dessins sont moins criards que ceux de Bagley, mais toujours avec la même touche infantile (même l'avion personnel de Ra's al Ghul ets logotisé avec une tête de démon, discrétion assurée). Bien que cette histoire ait été publiée par DC Comics, Spider-Man est plus à l'honneur que Batman, et le véritable personnage principal finit par être Wilson Fisk.