C'est d'ailleurs un supplice comique et raffiné que de se voir assis à une table, devant un encrier, sous le soleil, et de noircir, noircir, noircir du papier à tour de bras pour dénombrer avec conviction les charmes, les bienfaits et la grandeur de ne rien faire.
Voici la suprême leçon, celle qui montre comment approfondir par une heureuse paresse le bien sacré entre tous qu'est la volupté. Et je reconnais dans ce geste la langueur des traversées, le sanglot de la guitare hawaïenne sur le rivage d'Honolulu, et même la torpeur bestiale de mes coolies de Vladivostok.
De là, un premier enseignement : il ne faut pas être paresseux à demi, composer avec les préjugés qui veulent que l'homme travaille, essayer de marier la torpeur à l'activité. Il faut être paresseux résolument, sans pudeur ni regret, être paresseux comme d'autres sont opiomanes ou énergiques, il faut avoir la foi.
Mère de tous les vices ! On osa la baptiser ainsi. Encore faudrait-il établir que ce surnom est un blâme et non le plus magnifique éloge. Car, enfin, que ferions-nous, malheureux, sans ces quelques misérables vices, en nombre si réduit, et de si maigre variété, dont notre imagination défaillante n'a jamais su élargir ni creuser les frontières ?
Mais la question n'est pas là. Même, en nous tenant au point de vue moral, comment ne pas s'indigner d'une fausseté si criante. Comment ne pas reconnaître dans la paresse la mère gigogne de toutes les vertus : de l'abstinence, du désintéressement, de la réflexion, de l'humilité ? N'est-ce pas l'activité au contraire, dévorante et superbe, qui, pour essayer de satisfaire ses appétits insatiables, risque d'entraîner aux pires extrémités ?
Comment ne pas reconnaître dans la paresse la mère gigogne de toutes les vertus : de l'abstinence, du désintéressement, de la réflexion, de l'humilité ?