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Citations sur Les captifs (7)

Que lui rappelait donc cette existence où la mort sans répit insinuait son mufle ? N'était-ce pas le front ? Sans doute rien, apparemment, n'était semblable. Là-bas, la tranchée, la vermine, ici tout le confort. Là-bas, des hommes ensauvagés et le vol ululant des obus ; ici, le raffinement, l'amour et la douce mitraille de la neige. Mais sur l'Yser ou à Verdun, l'on ne pensait pas tout le temps à la balle qui frappe. La vie s'organisait dans les boyaux, les abris. Il y avait des amitiés, des joies, le repos. Quant on emportait un camarade, c'était comme par hasard. On y songeait un peu et l'on se remettait à la tâche d'exister…. N'en allait-il pas de même au Pelvoux ? C'était un combat plus veule, plus secret mais aussi périlleux. Si la forme de vie et de mort y était différente, le rythme profond était le même dans ce cirque abrité que dans les petits postes.
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Ainsi s'établissaient entre eux de fausses images. Elle lui croyait ses propres goûts et certaines qualités de son âme, alors qu'il ne cherchait en elle qu'un élément physique. Et Marc supposait à Thérèse une gaieté constante, une humeur facile, qui, en réalité, venaient seulement de sa présence et de ce que, par erreur, elle lui prêtait d'elle-même. Mais ce malentendu les avait déjà liés mieux qu'un accord.
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Autour de lui, tout, également, était comme enchainé : les lignes rigides de la maison, les arbres chargés de neige cotonneuse, les grands monts arrêtés dans leur élan de vague, l'air même, fixe et pur. Cette torpeur était pour Marc la pire épreuve.
Combien eût-il préféré la table d'opération où, par trois fois, la guerre l'avait étendu ! Les muscles déchirés, les nuits de feu toute souffrance était plus facile à supporter que celle de ne ressentir aucun malaise et d'attendre indéfiniment sur une chaise longue.
Il avait besoin de toute sa volonté pour vaincre l'impatience de son corps actif. Il lui fallait le maîtriser sans cesse, le forcer à la molle et insipide station dont on lui promettait tant de bienfaits. Mais n'était pas au Pelvoux pour guérir et guérir vite ?
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Au printemps, en été, le long de la voie, poussent des boutons d'or, des pervenches, des soldanelles. L'herbe est très grasse et très verte. De petits champs de roses éclatent soudain. L'odeur des sapins chauffés entre dans les voitures.
Mais, dès l'automne, des nuages capturent à mi-chemin le funiculaire et c'est à travers eux qu'il avance. La brume glacée couvre les champs, estompe les arbres. Elle dérobe le monde aux regards, enferme les corps dans son inconsistante prison. A mesure que monte le funiculaire, elle se fait plus serrée et plus froide. Il semble qu'elle ne permettra point de retour.
Quelquefois, avant de toucher à son terme, le train perce la couche de brouillard. Alors le ciel, le soleil resplendissent sur le cirque de montagnes qui enferme la ville des malades. Un monde lumineux, clos, repose entre la blancheur des nuages et celle des cimes.
Ce fut par un de ces matins magnifiques et désolés que Mar arriva.
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Comment ne pas saisir l'essentiel des choses ? Les règles profondes de la vie s'imposent aux cœurs dont la cadence ne fut jamais aussi égale. Jamais non plus on ne la peut saisir aussi exactement que dans cette maison muette. Douce et vaillante mécanique, elle mène son labeur fidèle. Les malades écoutent sa leçon.
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Plein de fatigue et d'horreur, Oetilé ne parvenait pourtant pas à détacher son regard de cette forme qui lui ressemblait encore par son épouvante, par son ignorance et qui, dans quelques minutes, allait tout comprendre. Marc eut l'espoir insensé que, lui aussi, à travers elle, saurait. Jamais il n'avait senti aussi transparent, aussi matérialisé, le grand passage, car la lutte désespérée de l'agonisant réduisait la marge flottante de la vie à la mort, la rongeait jusqu'à cette pointe extrême où l'une se mêle à l'autre impénétrablement.
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Oetilé essaya de considérer la vie du Pelvoux avec les yeux qu'il avait en arrivant. C'était pourtant le même air de luxe, d'insouciance, les mêmes figures qui semblaient reposées, les mêmes fleurs sur les tables, le même orchestre. Mais, à présent, Marc, trop clairvoyant, perçait le masque. Il ne pouvait plus oublier que ces gens qui raient, jouaient, flirtaient, iraient tout à l'heure regagner leur terrasse pour y défendre leur vie, qu'ils économisaient leurs mouvements, leurs paroles, qu'un impitoyable rappel suivait toute imprudence et qu'ils étaient plus prisonniers de leurs corps amoindris que du sanatorium lui-même.
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