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Citations sur Les Coeurs purs (22)

Ces deux femmes de Cork, je n'ai pu les oublier, comme je n'ai pu oublier le soir où, avec Henri Béraud, nous vîmes toute la population que compte leur mélancolique cité, agenouillée dans la boue et priant devant la prison dans laquelle onze jeunes gens suivaient l'exemple de leur lord-maire. Un moine, comme une statue de bure, menait, sous la lumière de cent torches, ce lamento des agonisants.

Alors déjà, avant même que ne se dessinât la victoire, on sentait chez les combattants une dissension profonde. Les uns ne visaient qu'à une liberté mesurée, comprenant que l'Angleterre n'accepterait jamais d'avoir à son flanc un peuple non ligoté et hostile. Les autres voulaient une absolue franchise. Et nous nous demandions, Béraud et moi, avec angoisse (car nous aimions ces gens hardis et farouches), quelles querelles meurtrières déchireraient ces frères en cas de demi-succès.

Nous ne le sûmes que trop.
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Les journaux nous ont si bien habitués aux catastrophes, aux émeutes, aux drames où tout un peuple est engagé que – pareils aux fossoyeurs qu’un cercueil n’émeut plus – nous vivons insensibles au milieu du sang et de la détresse.(...) Pour être vivants, notre tendresse ou notre effroi exigent un exemple singulier. Nous sommes ainsi faits que le visage d’un enfant qui pleure nous touche plus que d’apprendre la mort par la faim de toute une province.
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Il était déjà dans l'antichambre. Comme Marie Lvovna l'accompagnait, il s'inclina vers sa main, mais elle était d'une génération qui, par soif de simplicité, n'admettait point ce geste et recula un peu.
Le capitaine Sogoub murmura, et jamais prière ne fut plus ardente.
– Laissez, laissez ! C'est tout ce qui me reste !
La porte claqua. Marie Lvovna demeura immobile. Ensuite, de son pas égal et silencieux, elle alla desservir la table.

Le Thé du capitaine Sogoub
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Ce n'était pas les traits réguliers et fins de son visage qui en faisaient surtout la beauté. C'était son teint d'un rose mat, puéril et chaud en même temps, qui lui donnait une sorte d'ingénuité ardente, de passion qui s'ignorait elle-même.
Et puis ses yeux d'un gris profond et tendre comme du velours. Il y avait en eux une telle amitié pour l'univers que moi-même en fus ému. Et je ne sais pourquoi je n'osai obéir à mon premier mouvement qui avait été de la souiller.

Makhno et sa juive
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Mary se redressa. Une tendresse poignante la poussa vers Beckett, une pitié plus qu'humaine, comme celle dont on berce les agonies. Elle prit entre ses paumes le dur et bon visage, le regarda longuement. Puis, d'un accent que Beckett ne lui avait jamais entendu, féminin, chargé de langueur et de plainte douce, elle dit :
– Art, ce soir je vous aime pour la première fois.
Mais il accueillit cette voix avec indifférence, comme si rien, désormais, ne le pouvait émouvoir.

Mary de Cork
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– Pourquoi priez-vous ?
Une voix s'éleva, si connue qu'il en fut tout bouleversé de tendresse et que de nouveau sa force déserta son corps.
- Pour que notre séparation prenne fin, dit-elle.
La main de Beckett palpita, affermit son étreinte ; il allait attirer Mary contre lui, lorsqu'elle ajouta :
– Et je demande à Dieu qu'il vous fasse connaître enfin votre vrai devoir d'Irlandais.
Alors il retrouva dans la douceur enfantine de ce timbre l'accent implacable, la funeste volonté et sa courte béatitude fondit en une détresse sans limites. Mary ne revenait pas repentante, mais armée pour le même combat qui les avait si mortellement déchirés. Dès les premières paroles apparaissait, opiniâtre et fatale, l'image de leur discorde. – Mon devoir… commença-t-il.

Mary de Cork
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Tous les miracles sont possibles, toutes les audaces, toutes les évasions.
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Malgré ses craintes, elle aimait la triste douceur de leurs promenades. Ils allaient sans but, parlant peu. Et qu’auraient-ils eu à se dire après une si longue vie et si mêlée ? Clairs tous les deux, sans réticence ni secret, ils n’étaient que le prolongement l’un de l’autre. Mais tout leur amour, loyal, profond, jamais discuté, marchait à côté d’eux, de ses pieds invisibles, sur le gazon des jardins qu’ils préféraient. (p. 148, “Le thé du comte Sogoub”, Chapitre 1).
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Le docteur avait peur d'affronter la misère qui l'attendait au salon. Ce n'était pas par manque de bonté. Un pauvre ordinaire, il savait comment le traiter. Mais celui-là, plus que son dénûment, souffrait d'humiliation, et le docteur avait l'esprit trop éveillé, la sensibilité trop critique pour ne point partager une gêne qui le paralysait. Il mesura une fois de plus combien, pour les actes de foi, de charité, de dévouement, l'intelligence était encombrante.

Le Thé du capitaine Sogoub
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Le capitaine se retourna d'un bloc, voulut essuyer deux larmes arrêtées aux coins de sa bouche pâle, comprit qu'il n'était plus temps.
Sa main mutilée s'arrêta à la hauteur de la gorge, et, machinalement, se mit à frotter le col de la vareuse militaire. Il voulut parler, trouver une plaisanterie, mais soudain, un si triste regard le baigna qu'il n'éprouva plus ni honte, ni regret d'avoir été vu pleurant. Une douceur profonde lui vint au contraire, une douceur enfantine qui s'enivrait de sa propre faiblesse et de son impuissance.
Ce fut une voix d'enfant blessé qu'il dit :
– Vous comprenez, n'est-ce pas ? Cette gaîté, ce dimanche, ces gens qui se reposent… Pourquoi, pourquoi ?

Le Thé du capitaine Sogoub
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