C’est un gros malin, le rêve, un fin psychologue : il sait nous prendre à nos propres sentiments comme on prend au mot un fieffé menteur ; lorsque nous lui confions notre cœur et notre esprit, il nous fausse compagnie au beau milieu d’une déroute, et nous nous retrouvons avec du vent dans la tête et un trou dans la poitrine – il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer.
Chef Borselli doit certainement regretter ses excès de zèle maintenant que, dans le silence sépulcral de la cour, l'échafaud s'érige en stèle.
Tu vas vivre comment, maintenant ? De quoi ? Pour qui ? Ton sommeil sera fait d’abîmes, tes jours de bûchers. Tu peux prier jusqu’à extinction de ta voix, déclamer les incantations de tous les conjurateurs de la terre, te barder de talismans ou te diluer dans une volute d’encens ; tu peux lire les saints versets de gauche à droite et de droite à gauche, te coiffer d’épines et marcher sur l’eau, tu ne changeras pas d’un iota le sort qui t‘attend.
Le rêve est le tuteur du pauvre, et son pourfendeur. Il nous tient par la main, puis nous tient dans la sienne pour nous larguer quand il veut après nous avoir baladés à sa guise à travers mille promesses
Je suis seul face à mon fantôme et j'ai du mal à determiner qui de nous deux est de chair et qui est de fumée.
«...toi, mon jumeau enténébré, sais-tu pourquoi nous n’incarnons plus que nos vieux démons? C’est parce que les anges sont morts de nos blessures.»
Vers midi, nous avions déjeuné succinctement dans la cuisine, Irène et moi. Réconciliés. Les regards que nous échangions n’avaient nul besoin d’interprète. Les mots deviendraient dérisoires, voire incongrus s’ils venaient à trahir ce que notre silence excellait à couver. Il est des moments de grâce où ne rien dire permettait d’accéder pleinement à la quintessence des sens. Le cœur alors confie au regard ses plus intimes secrets. Devant l’évidence, il n’y a plus grand-chose à ajouter, sinon tout s’écroule. Nous étions sereins parce que nous savions que notre histoire pouvait enfin naître aux jours heureux.
Le mortel n'a qu'un seul domicile fixe : la tombe. Vivant, rien n'est jamais acquis pour lui, ni maison ni patrie.
L'associé de mon oncle le Mozabite, qui était parolier à ses heures perdues, disait : La musique est la preuve que nous sommes capables de continuer d'aimer malgré tout, de partager la même émotion fabuleuse, saine, belle comme une rêverie jaillissant au coeur de la nuit ... Qu'est-ce qu'un ange sans sa harpe sinon un démon triste et nu, et que serait pour lui le paradis hormis un exil plein d'ennui ?
Il y a toujours une vie après l’échec, la mort seule est définitive.