Ce tome est le premier de la deuxième saison d'une série. La première saison a fait l'objet d'une intégrale The
Shame Trilogy qu'il faut avoir lue avant. Il est paru pour la première fois en 2018, écrits par
Lovern Kindzierski, et peint par
John Bolton.
Un court texte introductif rappelle les circonstances de la naissance de Hope, ainsi que ce qu'il advint de
Shame, le rôle de
Merritt quand il s'était rendu aux enfers, et le sort de l'âme de la fille de
Shame. Cette dernière étant destituée, les villageois investissent son château pour le piller et le brûler. Est-ce qu'un château meurt quand son seigneur meurt ? Les pillards se répandent dans ses couloirs, l'un d'entre eux rappelant de bien fouiller les cadavres car ils continuent d'offrir des trésors, même après la mort. Un autre est en train d'achever un serviteur en l'étranglant, tout en déclarant que couper le souffle dans leur gorge est un trésor en soi. Un petit groupe se retrouve face à
Merritt, individu costaud le corps couturé de cicatrices, l'épée à la main. Vilfredo, leur meneur, estime que
Merritt est un ennemi car il se rappelle l'avoir vu chevaucher aux côtés de
Shame. Grace, une vieille bohémienne, intervient pour avertir Vilfredo que
Merritt est bien plus fort que lui, que la délicate Hope dispose de bien plus de puissance qu'il ne peut l'imaginer, et qu'il devrait s'estimer heureux qu'elle soit présentement un peu désorientée. Vilfredo reconnaît qu'il est content de pouvoir accueillir un bras armé fort dans sa troupe, et Grace reconnaît qu'elle est contente de pouvoir compter sur son aide. Au détour d'un couloir, ils sont attaqués par un noble de la cour, armé d'une dague, que
Merritt décapite d'un grand moulinet d'épée par pur réflexe. Vilfredo mesure toute la sagesse dont il a fait preuve en acceptant l'épéiste dans sa troupe.
Toujours à la tête de la petite troupe, Grace,
Merritt et Hope arrive dans le grand hall dont le sol est jonché de cadavres ensanglantés, des gerbes de sang maculant les murs. de l'ombre surgissent quatre créatures maléfiques filiformes qui s'en prennent aux êtres humains.
Merritt effectue de grands moulinets pour les repousser, et Grace s'apprête à utiliser sa magie. Les créatures sentent la faiblesse de Hope et commencent à lui tourner autour. Les autres pilleurs remarquent qu'ils n'intéressent pas les créatures, et ils en profitent pour déguerpir. Les créatures se rapprochent de Hope en s'encourageant mutuellement à l'idée de la manger. Hope se raidit et un son à peine perceptible commence à l'élever, tout le monde le ressentant. le son se propage partout dans le château avec une pureté puissante que les humains ont du mal à soutenir, et les créatures succombent rapidement. Hope finit par se laisser tomber au sol et se recroqueviller sur elle-même. La petite troupe estime qu'il ne reste plus d'ennemis dans le château et qu'il est temps d'en sortir.
Merritt passe devant et finit par arriver à la sortie qui donne sur la grand-place : une grande foule se tient devant lui dans l'attente. Il ne sait quelle attitude adopter. Grace se place devant lui et prend la parole : elle annonce au peuple que la reine
Shame et ses sbires ont été tués Puissent leurs âmes pourrir en enfer. Ils sortent et avancent sous les acclamations de la foule. Grace mène
Merritt et Hope à sa roulotte.
En entamant cette suite, le lecteur a conscience qu'il ne s'agit que de la première partie de la deuxième saison, et pas d'un tout. Ce tome contient 50 pages de bandes dessinées, peintes par
John Bolton, ce qui en soi est suffisant pour capter l'attention du lecteur. Pour autant, il attend quand même de découvrir une véritable histoire. le récit reprend quelques minutes après l'arrêt de la première saison, et raconte l'histoire de Hope, tout juste pubère. En fait en cours de route, le scénariste prend la peine de rappeler les faits du tome précédent. Sur ces 50 pages, Hope n'y est présente que 19, et encore n'est-elle pas consciente dans toutes ces pages. Il est question de sa puissance, mais aussi de sa fragilité et de son état de faiblesse. Comme dans le premier tome, l'artiste n'hésite pas à représenter la nudité féminine frontale en ce qui concerne la poitrine de Hope. Comme dans le premier tome, le lecteur n'y voit pas une érotisation, mais juste un état naturel, celui de l'espoir (Hope) sans fard, sa nudité montrant à quel point l'espoir est fragile, mais aussi irrésistible quand il prend son essor dans le coeur de quelqu'un. du coup, le lecteur comprend que Hope dorme dans le plus simple appareil. Par contre il n'est pas très sûr de la métaphore qui se cache derrière le fait que Grace lui fasse passer des vêtements, par exemple enfiler un blouson.
Une fois le trio sorti de la ville à bord de la roulotte de Grace, Merrit lui parle de son enfance. Son père Gamuret et sa mère Herzeleide étaient convaincus qu'il était un garçon spécial, détenteur d'une magie intérieure, et que celle-ci se révélerait en présence de la personne adéquate. le lecteur peut bien sûr prendre cette déclaration au premier degré, comme un élément du conte raconté par les auteurs. Il regarde avec gentillesse le garçon au corps massif, à la bouille ronde ingrate, le très beau visage quasi angélique de sa mère, et le comportement dépourvu de toute manière de son père. Il sourit en reconnaissant une variation du déjeuner sur l'herbe d'Édouard Manet (mais sans la nudité) dans laquelle le lecteur ressent bien la chaleur familiale unissant le fils et ses parents. Ainsi pendant 5 pages, c'est l'occasion d'en apprendre plus sur cet individu costaud aux valeurs simples, avec la conviction qu'il est prédestiné à aider Hope. C'est également l'occasion de revoir
Shame dans toute sa beauté froide, et sa cruauté, une jeune femme magnifique sachant se mettre en valeur dans une robe révélatrice, apparaissant comme un être parfait au-dessus du peuple très ordinaire. le contraste visuel est saisissant, à la fois dans l'opposition entre la beauté physique immaculée de
Shame et les traits un peu empâtés du père et du fils, mais aussi entre le comportement dénué de compassion de la première, et la sollicitude du père pour son épouse, du fils pour sa mère.
Merritt continue son histoire en racontant sa rencontre avec Vertu, en confessant sa honte de s'être laissé berner par
Shame plus tard. le lecteur revoit une partie des événements du tome précédent, de son point de vue, après les avoir vécus du point de vue de Vertu. Il ressent bien le ton du conte, avec des éléments adultes, le jeune homme au coeur pur en mal d'affection abusé par une vile tentatrice.
C'est alors au tour de Grace de raconter son histoire pendant 9 pages. Elle aussi a souffert des exactions commises par
Shame. Son histoire est bien sûr différente du preux
Merritt et implique un trio de sorcières. le lecteur voit tout de suite que cela a dû bien motiver
John Bolton. Il commence par jouer du contraste entre les chairs flasques du visage de Grace âgée, avec la peau soyeuse de son visage jeune. Il représente ensuite une sorcière plus âgée dans un habit d'un noir profond, avec un visage parcheminé dans un rendu quasi photographique, son regard blasé reflétant des années d'expérience. le lecteur tourne la page et sourit en voyant
Shame et le roi avachis dans leur trône de campagne, regardant les flammes lécher les pieds d'une sorcière au bûcher, l'image de la cruauté mêlée à la décadence. Soudain les sorcières frappent, et
Shame adopte une posture singulière, genoux pliés pour résister à la force du souffle, sa robe volant au vent, dénudant ses cuisses. Elle prend son envol, magnifique dans ses bottes noires montant jusqu'au genou, et sa tenue courte évoquant une gaine bien ajustée. le lecteur est surpris par
Shame, les ombres filiformes de ses familiers, et les pauvres sorcières totalement dépassées par leur ennemie, leur désarroi se lisant sur leur visage. La déstabilisation se trouve accrue par un mélange de techniques picturales : la mise en peinture très photoréaliste de
Shame et ses attaquantes, les arrière-plans entre gravure et aquarelle délicate, parfois totalement mangés par le blanc symbolisant une forme de vide, de mort.
Le voyage touche alors à sa fin et l'équipage arrive à la demeure de Grace. L'histoire installe les opposants pour la suite, et la narration visuelle devient de plus en plus imprévisible dans ce qu'elle montre. Dans deux pages en vis-à-vis, le lecteur observe à gauche la jeune Hope allongée alanguie sur la couche de la roulotte, au même niveau dans une case occupant également les deux tiers de la page, se trouve la demeure noircie le Berceau de
Shame, une masse noire et charbonneuse en totale opposition avec le corps souple et la peau satinée de Hope. Sur les deux pages suivantes, le lecteur retrouve une opposition de même type entre les âmes damnées de
Shame, et la pureté éclatante de Hope. Pages suivantes, il se sent transpercé par le regard intense de Hope, puis totalement rasséréné par le regard aimant de Grace. Puis il passe à une séquence se déroulant dans une autre dimension, où le blanc du néant reprend ses droits, avec une guerrière au corps caricatural : une opulente poitrine, un tour de taille trop petit, des hanches larges, de longues jambes, une armure riquiqui et des talons aiguille. La corruption prend des formes bien étranges.
Le lecteur revient pour cette deuxième saison, avant tout pour les pages étonnantes de
John Bolton, et ensuite pour un conte métaphorique parfois un trop premier degré. Il retrouve le jeu sur les noms des personnages, entre la grâce et l'espoir, mais dont l'usage reste trop littéral pour qu'ils deviennent de réelles allégories. Les dessins sont dans un registre encore plus précieux que ceux de la première saison pour un voyage visuel très riche, parfois un peu hétérogène. L'intrigue laisse sur sa faim car elle semble fonctionner sur le principe d'ouvertures qui n'aboutissent pas dans ce premier épisode. En espérant que les auteurs pourront compléter cette deuxième saison.