Citations sur Ecriture : Mémoires d'un métier (173)
La télé arriva donc relativement tard chez les King, et j'en suis content. Je fais partie, si l'on y réfléchit, d'un groupe passablement restreint : la dernière poignée d'écrivains américains qui ont appris à lire et à écrire avant d'apprendre à ingurgiter leur portion quotidienne de vidée-conneries.
Ecrire n'a rien à voir avec gagner de l'argent, devenir célèbre, draguer les filles ou se faire des amis. En fin de compte, écrire revient à enrichir la vie de ceux qui liront vos ouvrages, mais aussi à enrichir votre propre vie.
Il existe une sorte de croyance (autrement dit ni étayée d'arguments, ni critiquée) dans les milieux de l'édition, voulant que la plupart des grands succès commerciaux soient le fait de romans menés au pas de charge. Je suppose que l'idée sous-jacente est celle-ci : les gens ont tellement de choses à faire aujourd'hui, sont tellement sollicités par d'autres distractions que la lecture, que vous les perdez à moins de vous transformer en restaurateur rapide, livrant sans peine et aussi vite que vous pouvez hamburgers, frites et oeufs au plat.
Depuis cette crevaison de tympan à répétition, c'est-à-dire depuis l'âge de six ans, l'un des principes les mieux établis de ma vie a été celui-ci : trompe-moi une fois, honte à toi. Trompe-moi deux fois, honte à moi. Trompe-moi trois fois, honte à nous deux.
Stories are found things, like fossils in the ground... Stories are relics, part of an undiscovered, pre-existing world.
Supposons néanmoins que vous vous retrouviez dans une version ou une autre de la colonie sylvestre d’écrivains de L’Orient, c’est l’Orient : votre petit cottage au milieu des pins, parfaitement équipé avec son traitement de texte, des paquets de disquettes neuves (qu’y a-t-il de plus excitant pour l’imagination qu’une boîte de disquettes scellée ou une ramette de papier blanc ?), le lit de camp dans l’autre pièce pour la sieste, et une dame qui viendrait déposer votre déjeuner sur le pas de la porte sans faire de bruit et repartirait de même. Ce ne serait pas si mal, au fond. Si on vous offre l’occasion de vivre une telle expérience, n’hésitez pas, allez-y ! Vous n’apprendrez peut-être pas les Secrets Magiques de l’Écriture (il n’y en a pas – la poisse, hein ?), mais vous vivrez sans aucun doute des moments fabuleux, et je suis toujours partisan des moments fabuleux.
Si vous voulez devenir écrivain, il y a avant tout deux choses que vous devez impérativement faire : lire beaucoup et beaucoup écrire. Il n’existe aucun moyen de ne pas en passer par là, aucun raccourci.
Je suis un lecteur lent et je ne lis en général que soixante-dix ou quatre-vingts livres par an, surtout des romans. Pas pour apprendre les trucs du métier, mais parce que j’aime lire. Je bouquine le soir, confortablement installé dans mon fauteuil bleu ; et si je lis surtout des romans, c’est pour le plaisir, pas pour apprendre à en écrire. Il n’empêche qu’un certain apprentissage se fait ainsi. Chaque livre comporte sa ou ses leçons, et on apprend souvent davantage des mauvais livres que des bons.
Nous sommes des écrivains et nous ne nous demandons jamais les uns aux autres où nous pêchons nos idées car nous savons que nous l'ignorons.
Un soir, alors que nous mangions chinois avant de jouer, à Miami Beach, je demandai à Amy s'il y avait une question qu'on ne lui avait jamais posée, lors de la séance des « questions à l'auteur » qui suit presque toujours les conférences que nous donnons, la question à laquelle vous ne pouvez jamais répondre lorsque vous êtes face à un groupe d'admirateurs tétanisés auxquels vous tentez de faire croire que vous vous n'enfilez pas votre pantalon comme tout le monde, une jambe à la fois. Amy garda le silence quelques instants, réfléchissant intensément, puis dit : « Jamais personne ne m'en a posé une sur le langage. »
[...]
Amy avait raison. Jamais personne ne nous interroge sur le langage. Ce sont des questions qu'on pose aux DeLillo, aux Updike, aux Styron, pas aux romanciers populaires. Et pourtant, nous autres prolos, nous nous soucions de la langue que nous employons, même à notre humble échelle ; nous avons la passion de l'art et la manière de raconter des histoires par le biais de l'écrit.
— Stephen King, « Avant propos 1 », in. Écriture. Mémoires d'un métier, pp. 10-12
Quand on écrit une histoire, on se la raconte. Quand on se relit, le gros du travail consiste à enlever ce qui ne fait pas partie de l'histoire.