Shining

La mort ? Dans un éclair, il crut saisir le sens de sa vie, non pas sa chronologie, ni les hauts ni les bas, mais ce qu'elle représentait pour lui maintenant. Martin Luther King, peu avant qu'une balle ne l'expédiât dans sa tombe de martyr, avait dit qu'il était parvenu au sommet de la montagne. Dick ne pouvait pas en dire autant, mais il avait tout de même atteint, après des années de lutte, un plateau ensoleillé. Il avait de bons amis et toutes les références qu'il fallait pour trouver du boulot quand il le voulait. Quand il avait envie de baiser, il s'avait où aller. C'était à la bonne franquette, sans qu'on lui pose de questions et sans qu'on se casse la nénette pour savoir ce que tout ça voulait dire. Il avait accepté sa peau noire et il en était heureux. Il avait plus de soixante ans et il pouvait enfin se laisser vivre.

À un moment donné, le chasse-neige, qui avançait du mauvais côté de la route, avait failli lui rentrer dedans. Le conducteur avait alors fait un petit crochet pour se rapprocher et, sans prendre la peine de descendre de sa cabine pour l'enguirlander, lui avait fait avec deux doigts l'un des signes parfaitement clairs pour tout Américain de plus de dix ans, et ce n'était pas le signe de la paix.

Il eu l'impression que ses testicules se transformaient en deux petites bourses ridées, pleines de glace pilée, et ses tripes en gélatine.

Il chercha à tâtons l'interrupteur, éteignit la lumière et, sans se retourner, sortit dans le couloir, refermant la porte derrière lui. Il crut alors entendre, venant de l'intérieur, un bruit bizarre suivi d'un clapotis d'eau comme si tout à coup la baigneuse sortait de sa baignoire pour accueillir un nouveau visiteur ou que, déçue que celui-ci se retirât sans aller au bout de sa galanterie, elle s'était lancée à sa poursuite et allait, toute violacée, un affreux rictus aux lèvres, le rattraper et le ramener, peut-être pour toujours, à l'intérieur.

Un quart d'heure plus tard, un bruit dur et métallique vint rompre le silence. Puis Danny entendit un grincement suivi d'un vrombissement de moteur.
L'ascenseur s'était de nouveau mis en marche.
Serrés l'un contre l'autre, ils écoutaient l'ascenseur monter et s’arrêter à chaque étages. Aux arrêts, la grille en accordéon s'ouvrait avec un bruit de ferraille, puis la porte battante du palier claquait. Ils entendaient aussi un brouhaha où se mêlaient rires, cris avinés, hurlement et bruits de casses.
L'ascenseur s'éveillait.

"Les débats organisés à la fin de l'hiver et qui opposaient entre eux les différents membres de l'équipe avaient allumés tous les instinct compétitifs de Georges Hatfield. Il était devenu un débateur acharné, décidé à vaincre. Il préparait avec le même acharnement le dossier pour et le dossier contre. Peu importe que le sujet fût la législation de la marijuana, la restauration de la peine de mort ou les allocations gouvernementales accordées aux compagnies pétrolières pour la non-exploitation de leurs gisements. George étudia à fond tous ses dossiers et son manque de convictions véritables lui permettait de défendre avec une énergie égale des thèses opposées. Jack savait que même chez les meilleurs débatteurs cette aptitude à ne pas prendre parti était une qualité aussi rare que précieuse. Le véritable débatteur est un opportuniste dont le seul but est de convaincre. Jusque-là, tout allait bien.
Mais malheureusement Georges Hatfield bégayait." (p. 147-148).

Je trouve que la fin de ce passage le rend amusant, cela donne une chute ridicule au long développement pleins de détermination où Stephen King décrit avec exactitude ce qu'est un bon débateur. Et dans sa description du bon débateur, il touche aussi du doigt ce qu'est la neutralité et l'objectivité qui consiste à ne prendre aucun parti. Qu'en pensez-vous ?

"here's JOHNNY"

La mort faisait partie de la vie. Et, si l'on n'acceptait pas cette vérité-là, on ne comprenait jamais rien à la vie. L'idée de sa propre mort est difficile à comprendre, mais elle n'est pas intolérable.

Tu peux fuir un étranger ; mais tu ne peux pas te fuir toi-même.

La vérité, c'est que le Droit Chemin ne mène pas au paradis, mais en prison.