La traduction est un des exercices les plus difficiles qui soient. "Traduttore, tradittore" (traduire, c’est trahir) dit-on en italien. L’expression, concise, affirme que la traduction ne peut jamais respecter parfaitement le texte original. Et lorsqu’il s’agit de poésie, comment conserver à la fois le sens, le rythme, la structure, les rimes ? Ne pas altérer l’œuvre d’origine devient un exercice de haute voltige…
Pour illustrer la difficulté et les partis pris, le poème « if » de Rudyard Kipling (1910) est un bon exemple, car nous disposons aisément grâce à Internet de différentes versions. Pour ne pas allonger cette chronique, je ne propose que les deux premiers vers du poème, mais si le cœur vous en dit, il sera facile de trouver les versions complètes.
If you can keep your head when all about you
Are losing theirs and blaming it on you
Rudyard Kipling (1910)
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront
André Maurois (1918)
Si tu restes ton maître alors qu’autour de toi
Nul n’est resté le sien, et que chacun t’accuse
Germaine Bernard-Cherchevsky (1942)
Si tu peux rester calme alors que, sur ta route,
Un chacun perd la tête, et met le blâme en toi
Jules Castier (1949)
Si tu peux rester calme alors que tous tes proches
Semblent perdre la tête et vouloir t'en blâmer
Hervé-Thierry Sirvent (2003)
Si tu gardes ta tête quand la folie des autres,
S'acharne contre toi et te couvre de fautes
Jean-François Bedel (2006)
Si tu peux rester calme quand tous ceux qui t'entourent
Cachent à peine leur mépris ou te couvrent d'insultes
Leslie Tourneville (2009)
Si tu peux être en paix alors qu'autour de toi
Tous ont perdu la tête et t'en jettent le blâme
Jean-François Ménard (2009)
Lorsqu’ils le peuvent, nombreux sont ceux qui préfèrent lire une œuvre en version originale. Je partage cet avis, mais en attendant de maîtriser toutes les langues du monde, un grand merci aux traducteurs pour leur travail soigné, méticuleux, rigoureux, imparfait mais honnête.
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