L'on fait connaissance, dès les premières pages, avec la petite Nani, petite-fille adorée du grand-père Enoha, qui du haut de son grand âge et expérience sait qu'une séparation s'impose du fait de la menace de l'océan sur leur île natale à tous. Si aucun nom de pays n'est mentionné (mis à part la France en terre d'accueil vers la fin de l'histoire), on imagine assez bien une île du Pacifique avec des habitants y vivant paisiblement entre nature, traditions et peu de technologie avancée dans leur quotidien. Suite au réchauffement climatique, une tempête un peu plus violente que d'autres risque de définitivement provoquer une montée des eaux qui engloutira terres et hommes. Enoha, paralysé et âgé, ne fuira pas. Sa femme restera avec lui. Cependant la famille de Nani, son père et sa mère chercheront refuge sur le continent.
Une grande partie du livre est consacrée aux liens familiaux et à leur importance affective et éducative : Enoha s'adresse à Nani dans une série de lettres destinées à lui expliquer ce qui lui arrive (les raisons de l'inondation de l'île et de leur départ, les étapes que les réfugiés ont à suivre une fois débarqués sur le continent, les épreuves qu'ils peuvent avoir à affronter), mais aussi à la réconforter et la soutenir, que ce soit pendant son exil ou après, une fois déracinée dans cet autre pays. Cet échange épistolaire, car Nani va ensuite se mettre à répondre à son Ipa, est renforcé par les discussions entre Nani et ses parents, principalement son père, au fur et à mesure de leur voyage et qui vont bien évidemment être en rapport direct avec les évènements qui leur arrivent, les gens qu'ils rencontrent… L'arrivée de Semeio autour de la page 50 va légèrement changer la dynamique de leur petit groupe puisque Nani aura un compagnon de son âge pour échanger ses impressions, peurs ou espoirs, et partager la sagesse et les conseils de son grand-père.
Du haut de mon âge adulte et au vu de l'actualité je trouve cette histoire très optimiste dans l'ensemble : le lecteur assiste à peu de moments de découragement ou de déprime, et même si le père de Nani ne semble pas non plus complètement se bercer d'illusions sur tout, on évite pas mal de scènes affreuses ou terribles : dans l'ensemble tant les réfugiés que les habitants du pays d'accueil se comportent de manière très civilisée, humaine et solidaire à tous niveaux, à l'exception de la scène qui introduit Semeio. Je suis donc un peu mitigée sur un plan rationnel, même si je comprends bien que cela reste un livre qui s'adresse à un public jeune ! Cependant pour être tout à fait honnête les éventuels problèmes que les exilés peuvent avoir à affronter sont de temps en temps évoqués, même si cela ne leur arrive pas toujours, ou qu'ils sont relatés de manière très neutre, très douce ; de même que les réactions possibles des habitants du continent.
D'un autre côté je crois que outre la question du public l'auteur a réellement voulu délivrer des messages très positifs dans ce livre, et dans cette optique il aurait été difficile de concilier terrible réalité quotidienne de certains réfugiés et discours optimiste. Présenter au lecteur une famille dont l'exil se passe au final plutôt bien, dont les membres se soutiennent mutuellement et qui ne cède jamais vraiment au découragement était donc une bonne idée.
Au final cela donne un joli récit qui parle de famille, d'amour, de fraternité et de tolérance sur fond d'actualité sociale.
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