Ce livre était dans ma PAL depuis longtemps… Dernièrement, je l'en ai exhumé pour le glisser dans ma valise le temps d'un déplacement au cours duquel je savais que je n'aurais pas trop le temps de lire, séduite par son titre et son format poche…
L'Ours est un écrivain comme les autres de
William Kotzwinkle est à la fois une fable animalière et une satire des milieux littéraires et éditoriaux. le titre original, The Bear went over the mountain, est une comptine pour enfant dont la morale démontre que l'on ne voit guère au-delà de ce que l'on peut voir.
La narration est bâtie sur un jeu de miroir entre deux personnages, à la manière des deux versants d'une montagne, l'un ensoleillé et l'autre dans l'ombre…
Arthur Bramhall est un écrivain timide et malheureux qui accumule les vicissitudes et les coups du sort : une première version de son roman a disparu dans l'incendie de sa maison et la seconde lui a été volée par un ours !
L'ours, en découvrant le manuscrit, flaire immédiatement le succès potentiel. le livre sous le bras, il s'en va à New York, où les éditeurs les plus prestigieux vont se battre pour le publier. Certes, la personnalité du plantigrade est particulière mais cela le rend charismatique et original au point qu'il devient la coqueluche de tout un milieu déconnecté des réalités, dans le paraître, la recherche du buzz et la course aux profits…
Au fur et à mesure que l'ours devient de plus en plus humain, s'appropriant les codes de la vie en société, qu'il assure la promotion de son livre, très vite en tête des ventes, nous voyons Arthur Bramball se replier dans sa tanière et, peu à peu, se transformer en ours… Les deux protagonistes suivent le même parcours, inversé, emmenant à leur suite des lecteurs médusés, se demandant jusqu'où tout cela va aller.
J'ai d'abord trouvé ce roman très drôle, ai savouré les dialogues et les situations… En effet, aussi improbable et invraisemblable que soit l'intrigue,
William Kotzwinkle a fait un véritable travail sur la communication : l'ours répond toujours à côté du sujet quand il est interrogé ramenant presque tout à la nourriture, aux besoins primitifs ou au sexe mais ses interventions sont toujours interprétées et comprises comme des traits d'esprits ou des provocations… Ce comique de mots et de situation fonctionne plutôt bien.
Puis, bien qu'ayant signé le pacte de lecture, j'ai fini par trouver cette lecture un peu répétitive et certains passages, trop audacieux ou à l'humour douteux, me lassaient ou m'agaçait. Celles et ceux qui ont lu ce roman comprendront (ou pas !) si j'évoque l'anecdote de l'orteil…
J'avais donc mis cette lecture en pause, le temps de laisser infuser et décanter un peu. J'y suis revenue avec bonne volonté, curieuse de voir comment cette mystification allait se terminer. J'avoue avoir apprécié le dénouement.
L'humanité et la bestialité s'opposent et se répondent comme des notions simplistes et codifiées, un système d'apparences et de conventions peu convaincantes. Les métaphores sont éloquentes, l'ours ramenant sa réussite à des orgies de sucreries, un costume, des phrases apprises… etc., tout un formatage grossier mais efficace qui en dit long sur ce qui est important ou pas dans notre société consumériste. Les défauts et addictions du plantigrade, ramenés à l'échelle humaine, donnent une piètre image d'un milieu prêt à suivre et à promouvoir n'importe qui, pour peu que cela soit lucratif.
De même, les rapports entre celles et ceux qui font la pluie et le beau temps dans les réseaux littéraires et médiatiques sont régis par des règles pathétiques de fausseté ou le bling-bling domine : personne n'a lu les livres mais tout le monde en parle, tout est question de promotion et de campagne de communication, de faire valoir.
Je n'irais pas jusqu'à parler d'écriture machiste mais force est de constater que les personnages féminins ne sont pas trop à l'honneur dans ce livre… Entre « la femme à fourrure », les attachées de presse aux dents longues, les autrices farfelues et j'en passe, les femmes ne relèvent pas le niveau de cette histoire déjantée et dérangeante…
Me voilà donc dubitative à la fin de cette lecture…
J'irai volontiers jeter un oeil sur d'autres livres de
William Kotzwinkle car ce roman sur l'art et la manière de fabriquer un écrivain m'a intriguée.
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