Le changement créateur

Le mot discipline veut dire apprendre à connaître, non pas se conformer, non pas supprimer, non pas imiter un modèle de ce que l'autorité établie considère comme étant noble. C'est une question très complexe parce qu'elle implique bien des choses: apprendre à connaître, être austère, être libre, être sensitif, et voir la beauté de l'amour.

Savez-vous ce que cela veut dire que de vivre sans comparaison psychologique, alors que durant toute votre vie vous avez été conditionné à comparer: à l'école, dans vos performances sportives, à l'université et au bureau? Tout est comparaison. Vivre sans comparaison! Savez-vous ce que cela veut dire? Cela veut dire ne pas dépendre, ne pas se complaire à sa propre suffisance, ne pas chercher, ne pas exiger ; par conséquent cela veut dire aimer. L'amour ne compare pas, et ainsi l'amour ne craint pas. L'amour n'est pas conscient de soi-même comme étant amour, parce que le mot n'est pas la chose.

Le changement est la négation même du changement et maintenant seulement je peux me permettre de poser la question: existe-t-il un changement quelconque? Cette question peut être posée quand tous les mouvements de la pensée ont pris fin et alors seulement, car la pensée doit être rejetée pour donner la place à la beauté du non-changement. C'est dans la totale négation de tous les mouvements de la pensée pour s'éloigner de ce qui est, que surgit la fin de ce qui est.

Donc, il n'y a jamais de libération du passé. Ce perpétuel examen du passé par le passé ne fait que le prolonger ; c'est une activité du passé lui-même ; c'est l'essence même de la tradition.

Alain Naudé : Intérieurement et extérieurement nous naissons pris par une organisation qui limite la liberté, il nous faut soit nous soumettre, soit nous révolter. Nous restons captifs de ce piège. Il semble donc qu'il ne soit pas question d'organiser quoi que ce soit à partir d'un état de liberté.
Krishnamurti – Nous ne nous rendons pas compte de ce que nous avons créé cette société, ce désordre, ces murailles. Chacun de nous est responsable de tout cela. Ce que nous sommes, la société l'est également. Elle n'est pas autre chose que nous. Si nous sommes plongés dans le conflit, si nous sommes avares, envieux, apeurés, nous donnons naissance à une société qui possède toutes ces particularités.

Être quitte de la dépendance, aller au-delà, ne veut pas dire se suffire à soi-même. L'esprit est-il capable de vivre avec ce vide, de le regarder en face, et de ne s'évader dans aucune direction?

Après tout, quand vous dites :

« Je sais qui est ma femme et qui est mon ami », vous ne savez qu’une chose, l’image, le souvenir et tout ceci c’est le passé. Par conséquent, jamais vous ne pouvez rien « savoir » de quelque chose ou de quelqu’un.

Vous ne savez rien d’une chose vivante, seulement d’une chose morte.

Quand vous aurez compris ceci, vous ne penserez plus aux relations en fonction de savoir.

le gourou, tout comme le disciple, font partie du conditionnement culturel et religieux de la société dans laquelle ils vivent. Quand ils affirment être entrés en contact avec la réalité, quand ils affirment qu'ils savent, vous pouvez être tout à fait sûr que ce qu'ils connaissent n'est pas la réalité. Ce qu'ils connaissent c'est leur propre projection issue du passé. Ainsi, l'homme qui prétend savoir ne sait pas. Dans toutes ces soi-disant expériences religieuses, il y a toujours un processus de reconnaissance. Or, vous ne pouvez reconnaître une chose que si vous l'avez connue auparavant, elle est par conséquent issue du passé, donc liée par le temps et non pas hors du temps. Une expérience prétendue religieuse n'entraîne aucun bienfait, mais ne fait que vous conditionner conformément à votre propre tradition, votre inclination, vos tendances et vos désirs et, par conséquent, elle encourage les illusions et l'isolement sous toutes ses formes.

il ne s'agit pas d'obtenir l'intelligence en premier pour vous en servir à l'égard du problème comme d'un outil. C'est un des vices de notre pensée que de dire qu'il faudrait avoir une faculté d'abord pour s'en servir ensuite, d'avoir tout d'abord une idée ou un principe et de l'appliquer après coup. Cette notion est en elle-même absence d'intelligence et l'origine des problèmes. Elle est fragmentation. C'est ainsi que nous vivons, ce qui nous mène à parler de bonheur et de souffrance, de haine et d'amour et ainsi de suite.

Peut-on substituer l'amour à la peur, n'est-ce pas là l'action de la pensée qui a peur et, par conséquent, qui recouvre cette peur avec un mot appelé amour et qui représente encore une croyance? Vous avez recouvert votre peur avec un mot et vous vous cramponnez au mot, espérant ainsi dissiper la peur.