Pour cette nouvelle rentrée littéraire, les Indés de l'Imaginaire - et plus particulièrement ActuSF - nous transportent en plein hiver dans un Japon d'inspiration médiéval auprès de cinq figures liées par le même destin.
Initialement rédigé sous forme de nouvelle - il y a plus de 7 ans -,
Les Neiges de l'éternel est un premier roman qui a tout d'un grand.
Claire Krust annonce avoir bien d'autres projets sous le coude, je serai au rendez-vous.
5 parties pour 5 personnages. On pourrait presque y voir 5 nouvelles rassemblées par un univers unique et un fil conducteur principal. Tout tourne principalement autour d'une (voire deux) figure(s), enfant(s) d'une famille noble atteinte d'une maladie mortelle que l'on pourrait voir comme une malédiction car elle cause sa déchéance.
Yuki n'est qu'une adolescente lorsqu'elle fuit sa riche demeure et sa famille, bien décidée à trouver le fameux guérisseur de la montagne qui, elle en est persuadée, sauvera son frère adoré qui se meurt. La jeune fille traverse les villages et malgré les dangers qu'elle croise - le froid intense d'un hiver très enneigé - elle ne baisse pas les bras. Plusieurs rencontres se profilent, ne laissant pas toutes les meilleurs souvenirs, mais aucune n'est anodines... jusqu'à sa trouvaille du guérisseur en haut de la montagne et l'horrible révélation qui lui sera faite.
Tout part de Yuki, tous les autres personnages que l'on rencontrera ensuite lui sont liés, soit par des liens de sang, soit par des rencontres décisives. Mais ça, le lecteur le découvre au fil des pages, sans vraiment se douter de quoi il retourne. Lorsqu'on termine la première partie, et donc l'aventure auprès de Yuki, on ne se doute pas que la suivante ne se fera pas auprès d'elle mais auprès d'une nouvelle figure. Et ce n'est qu'en tournant les pages que l'on découvre qui est ce nouveau personnage, comment il est lié à notre héroïne... et que, grâce à lui, on apprend quelques bribes qui complètent la suite de l'histoire de Yuki.
Parce que
Claire Krust distille les informations et qu'il faut passer dans chaque portrait, dans chaque conte de chacun des 4 autres personnages, pour avoir quelques réponses à nos questions. J'ai beaucoup aimé cette construction narrative qui pousse à continuer sa lecture toujours un peu plus pour avoir une nouvelle petite pièce du puzzle. Alors bien sûr, ce n'est pas chronologique et donc pas linéaire ce qui implique une petite gymnastique pour le cerveau du lecteur, mais en toute franchise, je suis de celles qui adorent devoir réfléchir un peu pour replacer les cartes dans le bon ordre et je ne pense pas être la seule. Et puis, même si vous n'arrivez pas exactement à replacer qui est qui sur une ligne du temps, il vous restera toujours le plaisir du voyage et du dépaysement auprès de chacun des personnages.
Parce que, et c'est une force de
Claire Krust, le voyage est garanti, l'immersion est bien là. Et j'ai vraiment adoré me plonger dans chacun des destins - intimement liés les uns aux autres - de chaque figure. Et même si toutes les histoires s'imbriquent dans un ensemble plus grand, il m'a été très facile d'oublier tout le reste quand je me trouvais auprès d'un des jeunes hommes ou d'une des jeunes femmes de ce livre, entièrement captivée par le moment "présent", par l'histoire personnelle de chacun.
On croise un fantôme centenaire qui tente de défier le temps et sa condition à travers deux jeunes garçons, les seuls à le voir ou à le sentir ; une belle courtisane un peu fière qui malgré la situation dans laquelle elle se trouve, n'oublie pas qui elle est et un jeune guérisseur qui refuse d'accepter les dons hérités de son père.
J'ai perçu beaucoup de sensibilité dans ces portraits, beaucoup d'humanité et d'authenticité. Encore une force de la jeune auteure qui ne se contente pas de nous offrir quelques personnages rapidement esquissés et définis par un ou deux traits de caractère, mais bel et bien des figures complexes auxquelles on croit et auxquelles on s'attache beaucoup, à Yuki principalement.
Vous allez me dire : et l'imaginaire là-dedans ? Outre le contexte inventé (bien qu'inspiré d'un Japon médiéval), le fantastique s'invite grâce à l'apparition régulière du fantôme et, dans une moindre mesure, aux dons des guérisseurs venant tout droit des dieux. C'est léger mais tout de même bien présent et si bien intégré à la "réalité" que l'on y croit sans problème.
Je suis assez impressionnée par la qualité du texte alors qu'il s'agit d'une toute première publication. A travers un point de vue omniscient (toujours à la troisième personne du singulier pour les 5 personnages rencontrés),
Claire Krust fait passer à la fois beaucoup d'informations et donc d'images fortes aux lecteurs qui sera transporté dans ce Japon fantasmé dès les premières pages, mais aussi beaucoup d'émotions : il n'est vraiment pas difficile de s'attacher aux personnages et à leur devenir, souvent cruel d'ailleurs.
Un juste milieu entre le descriptif et l'émotionnel qui se marie bien avec l'idée que je me fais de la culture nippone. Entre subtilité, délicatesse, intensité et poésie.
Avec
Les Neiges de l'éternel, non seulement je découvre une nouvelle plume mais aussi une maison d'édition que je connaissais évidemment de nom mais dont je n'avais pas encore lu un titre (il me semble). Et si tous les titres de l'éditeur sont de cette qualité, nul doute que je vais sérieusement me pencher sur le catalogue. Quant à vous, allez-y, fiez-vous à cette magnifique illustration de couverture signée JungShan Chang, elle est à l'image du texte : délicate et intense à la fois.
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