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Citations sur Jacques et son maître, hommage à Denis Diderot en trois a.. (12)

C'était le troisième jour de l'occupation. J'étais dans ma voiture entre Prague et Budejovice (la ville où Camus a situé son Malentendu). Sur les routes, dans les champs, dans les forêts, partout campaient des fantassins russes. Puis, on a arrêté ma voiture. Trois soldats se sont mis à la fouiller. L'opération terminée, l'officier qui l'avait ordonnée m'a demandé en russe : "Kak tchouvstvouyetyece ?", c'est-à-dire : "Comment vous sentez-vous ? Quels sont vos sentiments ? " La question n'était ni méchante ni ironique. Au contraire : l'officier a continué : "Tout cela est un grand malentendu. Mais cela va se régler. Vous devez savoir que nous aimons les Tchèques. Nous vous aimons !'
Le paysage dévasté par des milliers de chars, l'avenir du pays compromis pour des siècles, les hommes d'Etat tchèques arrêtés et enlevés, et l'officier de l'armée d'occupation vous fait une déclaration d'amour. Comprenez-moi bien, il n'a pas voulu exprimer un désaccord avec l'invasion, pas du tout. Ils parlaient tous à peu près comme lui : leur attitude était fondée non pas sur le plaisir sadique des violeurs, mais sur un autre archétype : celui de l'amour blessé : pourquoi ces Tchèques (que nous aimons tellement !) ne veulent-ils pas vivre avec nous et de la même façon que nous ? Quel dommage qu'il ait fallu utiliser des chars pour leur apprendre ce qu'est l'amour !
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Jacques et son Maître entrent sur scène; ils font quelques pas et le regard de Jacques se pose sur les spectateurs; Jacques s'arrête...

JACQUES, discrètement : Monsieur... (Désignant le public à son Maître :) Qu'ont-ils tous à nous regarder?
LE MAÎTRE, il tressaille et rectifie ses habits, comme s'il redoutait d'éveiller l'attention par une négligence vestimentaire : Fais comme s'il n'y avait personne.
JACQUES, au public : Vous ne voudriez pas regarder ailleurs? Bon, alors, qu'est-ce que vous voulez? D'où est-ce que nous venons? (Il étend le bras derrière lui :) De là-bas. Et où est-ce que nous allons? (Avec un mépris philosophique :) Est-ce que l'on sait où on va? (Au public:) Vous le savez, vous, où vous allez?
LE MAÎTRE : J'ai peur, Jacques, de savoir où nous allons.
JACQUES : Vous avez peur?
LE MAÎTRE, tristement : Oui. Mais je n'ai pas l'intention de te mettre au courant de mes tristes obligations.
JACQUES : Monsieur, on ne sait jamais où on va, croyez-moi! Mais comme disait mon capitaine, c'est écrit là-haut.
LE MAÎTRE : Et il avait raison...
Acte premier, scène 1
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LE MAÎTRE : Mon aventure a continué et la fin a été terrible. La pire des fins que puisse avoir une aventure...
JACQUES : Et quelle est la pire fin d'une aventure?
LE MAÎTRE : Réfléchis.
JACQUES : J'y réfléchirai... Quelle peut être la pire fin d'une aventure... Mais mon aventure aussi, Monsieur, est loin d'être terminée. J'avais perdu mon pucelage, j'avais trouvé mon meilleur ami. J'en étais si heureux que je me soûlais, mon père m'a filé une raclée, un régiment passait dans le coin, du coup, je m'enrôle, me voilà en pleine bataille, je reçois une balle au genou, on me met sur une charrette, on fait halte devant une bicoque et une femme paraît sur le seuil...
LE MAÎTRE : Tu me l'as déjà raconté.
JACQUES : Vous allez encore me couper la parole?
LE MAÎTRE : Alors, continue!
JACQUES : Pas question! Je ne veux pas être sans cesse interrompu.
LE MAÎTRE, avec humeur : Très bien. Dans ce cas, faisons un bout de chemin... Nous avons encore une longue route devant nous... Bon Dieu, comment se fait-il que nous ne soyons pas à cheval?
JACQUES : Vous oubliez que nous sommes en scène. Comment pourrait-il y avoir des chevaux!...
LE MAÎTRE : A cause d'un spectacle ridicule, il faut que j'aille à pied. Le maître qui nous a inventés nous avait pourtant attribué des chevaux!
(...)
(Acte Premier - Scène 6)
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La sensibilité est indispensable à l'homme, mais elle devient redoutable dès le moment où elle se considère comme une valeur, comme un critère de la vérité, comme la justification d'un comportement. Les sentiments nationaux les plus nobles sont prêts à justifier les pires horreurs; et, la poitrine gonflée de sentiments lyriques, l'homme commet des bassesses au nom sacré de l'amour. (Introduction à une variation)
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Or, je veux le dire impérativement : aucun roman digne de ce nom ne prend le monde au sérieux.
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Jacques : Pour éviter de nouvelles discordes, nous devrions nous mettre d'accord une fois pour toutes sur quelques principes.
Le Maître : Je suis pour.
Jacques : Stipulons ! Qu'attendu qu'il est écrit là-haut que je vous suis indispensable, j'en abuserai chaque fois que l'occasion s'en présentera.
Le Maître : Ce n'est pas écrit là-haut !
Jacques : Tout cela a été stipulé au moment où notre maître nous inventait. Il avait décidé que vous auriez l'apparence et que j'aurais la substance. Que vous donneriez les ordres, mais que je choisirais lesquels. Que vous auriez le pouvoir, mais moi l'influence.
Le Maître : Si c'est comme ça, on change, je prends ta place.
Jacques : Vous n'y gagneriez rien. Vous perdriez l'apparence et vous n'auriez pas la substance. Vous perdriez le pouvoir sans avoir l'influence. Restez, Monsieur, ce que vous êtes. Si vous êtes un bon maître, un maître obéissant, vous ne vous en trouverez pas plus mal.
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Non, Monsieur, non. J'ai de la sensibilité. Mais je la garde pour une meilleure occasion. Ceux qui gaspillent leur sensibilité à tort et à travers n'en ont plus quand il faut en avoir.
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Jacques : Monsieur, on a réécrit bien d'autres choses que notre histoire. Tout ce qui est jamais advenu en ce bas monde a déjà été réécrit des centaines de fois et personne n'a jamais songé à vérifier ce qui s'était passé en réalité. L'histoire des hommes a été réécrite si souvent que les gens ne savent plus qui ils sont.
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Et je dois vous dire, Madame l'Aubergiste, qu'ils ont été très heureux. Parce qu'il n'est rien de certain en ce monde, et les choses changent de sens comme souffle le vent. Et le vent souffle sans cesse et vous ne le savez même pas. Et le vent souffle et le bonheur se change en malheur et la vengeance en récompense, et une fille légère devient une femme fidèle à laquelle nul ne peut se comparer...
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Jacques : Vous l'entendez, il se moque de vous ! C'est un salaud, Monsieur, et je vous l'ai dit la première fois que vous m'avez parlé de lui...
Le maître : J'admets que c'est un salaud, mais pour l'instant il n'a rien fait d'autre que ce que tu as fait à ton ami Bigre.
Jacques : Et pourtant, il est clair que c'est un salaud et moi pas.
Le maître, frappé par la vérité de cette remarque : C'est vrai. Vous avez tous les deux séduit les femmes de vos meilleurs amis. Et pourtant c'est un salaud et pas toi. Comment expliquer ça ?
Jacques : Je n'en sais rien. Mais il me semble que dans cette énigme se cache une profonde vérité.
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