Citations sur Je suis le genre de fille (40)
Je me ruine chez Bio c' Bon, et je revendique encore la possibilité de me ravitailler au Marché U. Mais tout ça prend du temps, un temps fou. Je faisais mes courses en un quart d'heure, maintenant, j'y passe une heure. Je me demande parfois si ce temps que je vais perdre à tout examiner de près n'est pas supérieur à l'année que je gagnerais en mangeant sans me poser de questions.
Les gens qui ne doutent pas me font peur, et pourtant je les admire. Je n'aimerais pas être comme eux, et pourtant je les envie.
Je suis le genre de fille très hypocondriaque. Rien qu'à le dire, je ressens une douleur intercostale qui m'évoque immédiatement le cancer du poumon. Oui, le dire - je suis hypocondriaque - m'effraie. Aussitôt, je me glisse dans la peau de celle qui pensait être hypocondriaque alors qu'elle était réellement malade, sans le savoir. J'ai beaucoup de difficulté à plaisanter à propos de mes maladies imaginaires, craignant qu'une grave maladie bien réelle ne se venge parce que je ne l'ai pas prise au sérieux.
Je ne supporte pas qu'on me pose la question "Et les amours?" avec le point d'interrogation qui n'en finit pas de se tortiller en un petit sourire malveillant.
Je suis le genre de fille à parler tout haut dans les toilettes.
Je ne prononce pas de phrases importantes (tandis que sous la douche, il peut m'arriver d'avoir des fulgurances) ; je pratique plutôt la litanie. L'une des phrases qui revient souvent, et que je répète à l'envi, c'est : Mais quel connard ce mec. Je ne veux pas me perdre dans les calculs, mais je pense que c'est une phrase que j'ai dû énoncer pas loin de dix mille fois depuis que je connais le sens du mot "mec".
Je suis le genre de fille à ne pas supporter qu'on lui parle sur un certain ton.
Je l'énonce haut et fort. Mais dans la seconde qui suit l'assertion, je prends conscience que j'autorise le ton sur lequel on me parle.
Je n'ai pas la chance - ou le malheur selon certains - d'avoir vécu le moindre repas dit de famille. J'aurais aimé que ça saigne, que ça crie, que ça s'écharpe, que ça quitte la table parce que le père et l'oncle votaient de façon diamétralement opposée, que ça règle des comptes, que la sœur chiale en vidant son dixième verre, que Grand-père et Grand-mère se réfugient dans la cuisine en attendant que l'orage passe, et qu'on leur reproche de ne jamais prendre position. Je n'ai pas pu partager avec d'autres la détestation des repas en famille ; j'en ai été frustrée.
Je suis capable de préparer un départ en vacances si longtemps à l'avance que le séjour, finalement, devient presque secondaire. La chose essentielle oubliée qui pourrit mes nuits flotte et me nargue encore longtemps après que je suis revenue de vacances.
Il y a peu de temps, je ne pensais pas à prendre mes lunettes pour me rendre au supermarché. Elles me sont devenues nécessaires. J'ausculte les étiquettes, je compare les matières grasses et les éléments nutritionnels. Dans mon enfance, on parlait de colorants. Ça me paraît loin. On a dépassé ce stade. Je me ruine chez Bio c' Bon, et je revendique encore la possibilité de me ravitailler au Marché U. Mais tout ça nous prend un temps fou. Je faisais mes courses en un quart d'heure, maintenant, j'y passe une heure. Je me demande parfois si ce temps que je vais perdre à tout examiner de près n'est pas supérieur à l'année que je gagnerais en mangeant sans me poser de questions.
L'homme de ma vie est mon présent de chaque instant. C'est la jouissance de ce vide qui existe en moi et qui agit comme une enveloppe quand les grands froids menacent