Laborde Jean (pseud.
Raf Vallet) – "
Adieu poulet !" – Gallimard /Série noire, réed. 2021 (ISBN 978-2-07-294448-2) – format 21cmx14cm, 262p.
– avec une préface (pp. 7-13) de
Gilles Magniont
– réédition de l'original publié en 1974
– photo de couverture extraite du film tiré de ce roman, réalisé par Pierre Granier-Deferre et sorti en 1975, avec Lino Ventura et Patrick Dewaere.
Il s'agit tout d'abord d'un roman policier de grande qualité : un style sec et dépouillé, une intrigue rondement menée, des personnages bien campés, bref, un de ces récits de type "machine à lire" que le lecteur lit jusqu'au bout pratiquement d'une seule traite. Et ça se relit sans peine, le récit n'a pas pris une ride, bien au contraire.
L'auteur prend appui sur une affaire bien réelle – le limogeage, le "dézingage" à Lyon du commissaire Charles Javilliey – pour articuler toute l'intrigue sur une unique idée forte, à savoir l'irruption dans ces années post-soixante-huitardes d'une magistrature de petits juges se croyant "de gauche", avides de jouer les Zorro et d'affirmer leur petit pouvoir sur la police, tout en restant bien douillettement à l'abri dans leurs bureaux, leurs volumineux dossiers, leurs certitudes de petits bureaucrates... trouvant tout naturellement la complicité de journalistes tout aussi avides de jouer les justiciers purs et durs.
Nous sommes alors en pleine affaire dite "de Bruay-en-Artois" (1972), suivie des désastres comme les affaires
Roland Agret (1973) et Christian Ranucci (1974) ; suivront bientôt les grandes catastrophes judiciaires comme celles mettant en cause Emile Louis (1981-2001),
Guy Georges (1981-1997), Gregory Villemin (1984, toujours en cours), Francis Heaulme (1984-1992), Omar Raddad (1991), Patrick Dills (1987), Outreau (1997), sans oublier bien évidemment l'affaire Fourniret (merci à la police belge).
Le Syndicat de la Magistrature mène la danse, les politiques inventent "l'indépendance de la justice" (!!!).
Depuis, la magistrature a inexorablement poursuivi son objectif de sape systématique de toute idée de justice, en relâchant l'après-midi même les délinquants que la police a mis plusieurs mois à prendre la main dans le sac, ou en court-circuitant ses propres décisions par le biais de remises de peine et de jugements d'un laxisme confondant, ou encore en s'arrangeant pour faire traîner à l'infini les dossiers les plus épineux.
La magistrature assume son "engagement à gauche" : aucune charge contre Strauss-Kahn et son ami Dodo-la saumure, rien à redire sur les agissements d'un Darmanin, l'affaire Benalla soigneusement déconnectée de toute allusion à Macron, mais en revanche, un Fillon bénéficia d'une justice TGV époustouflante et
Dominique Baudis d'un lynchage judiciaire exemplaire appelé à rester dans les annales.
Mais la chasse à courre la plus tenace est réservée à
Sarkozy, qui osa – crime impardonnable – évoquer la responsabilité des juges lorsque l'un d'entre eux s'avéra avoir par négligence remis en liberté Tony Meilhon, un marginal "bien connu des services de police et de justice", qui, dès sa remise en liberté, s'empressa d'assassiner Laëtitia Perrais (janvier 2011). Sacrilège !
Sarkozy osait dire sans fard qu'un magistrat était un salarié comme un autre, devant rendre des comptes (comme tout un chacun) lorsqu'il commet une grave erreur professionnelle : absolument in-ad-mi-ssi-ble pour nos magistrats, qui descendirent immédiatement dans la rue pour protester et créèrent "le mur des cons".
Ces derniers temps, ces petit-e-s magistrat-e-s se font doubler par leurs ami-e-s journalistes : depuis "meetoo", le tribunal n'existe plus que sur les plateaux de télé, histoire de dézinguer un Baupin, un Hulot, un Poivre-d'Arvor.
Et les pôvres petit(e)s magistrat(e)s de réunir trois mille signatures au bas d'une pétition sensée apitoyer le brave justiciable de base, celle ou celui si bien décrit par
Irène Frain dans son témoignage publié l'an dernier sous le titre "
Un crime sans importance : récit", à lire absolument.